mercredi 27 février 2013

Un pied au paradis (Ron Rash)


Nature writing.

Belle découverte que cet auteur américain Ron Rash, qui pose Un pied au paradis.
Et comme il s'agit de son premier roman(1), ça nous promet quelques heures de bonheur à venir.
Ron Rash écrit sur les terres sauvages de l'Amérique et il aurait tout à fait sa place chez un éditeur comme Gallmeister aux côtés de William G. Tapply ou Craig Johnson, parmi les auteurs de nature writing.
Alors comme c'est disponible en poche, faut surtout pas se priver !
Un pied au paradis nous emmène en Caroline du sud, aux débuts des années 50, lorsque les soldats à peine démobilisés reprenaient leurs cultures ...
Nous voici donc sur les terres cherokee, des terres qu'une compagnie électrique va bientôt inonder : chronique d'une fin annoncée, façon déluge et trompettes du jugement dernier.
La montée des eaux est propice au pardon et à l'oubli ...
Sauf qu'il y a des choses qu'on a bien du mal à oublier.
Et c'est un peu la mémoire des uns puis des autres qui remonte à la surface puisque le roman se construit à cinq voix, chacun donnant sa version et un peu plus de vérité à chaque tour de piste : ça commence par presque la fin avec la voix du shérif qui cherche un disparu, renifle un meurtre, soupçonne un assassin mais ne trouve pas de cadavre ...
Ensuite ce sera la voix de la femme, puis celle du mari, puis [chut] ...
[...] La veuve Glendower s'était déjà bien éloignée quand elle s'est retournée.
- J'espère que tu l'as tué, elle a dit. Ou du moins c'est ce que j'ai cru avoir entendu.
Je suis resté à la regarder fixement, la main droite serrée sur le fusil. Et puis j'ai fait deux pas dans sa direction.
- Comment que vous avez dit ? j'ai demandé.
Ma voix n'avait pas plus de force qu'une ombre. Mon corps non plus. Le fusil me paraissait un soc pesant dans ma main.
- Ce serpent, a dit la veuve Glendower. J'espère que tu vas l'tuer.
Elle a tourné les talons et repris sa marche.
Tout au long du récit, alors qu'on s'enfonce dans les mémoires, dans les vies et l'histoire de ces fermiers des terres du sud, la montée annoncée des eaux du barrage résonne comme le refrain d'un choeur antique.
[...] Tu peux pas laisser ce lac recouvrir les ossements [...], a-t-elle dit, d'une voix tremblante maintenant. Les morts sont pas en paix tant qu'y sont pas enterrés comme y faut.
Alors il faudra bien que les derniers fragments de mémoire remontent à la surface ...
La vallée de Jocassee tire son nom cherokee d'une légende : la vallée de la princesse disparue ... Une vallée des disparus qui finira elle-même par disparaître.
Certes il y a meurtre et assassin mais l'étiquette polar serait quelque peu réductrice pour ce roman remarquablement construit, avec une écriture forte et droite. Un très bon moment de lecture.
Vivement le prochain bouquin de Ron Rash : plusieurs ont déjà été traduits.
(1) - un premier roman qui date de 2002 en VO et 2009 en VF

Pour celles et ceux qui aiment les drames champêtres.
Le livre de poche publie ces 316 pages qui datent de 2002 en VO et qui sont (visiblement très bien) traduites de l'américain par Isabelle Reinharez.
D'autres avis sur Babelio et chez Passion Polar ou Kathel.

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lundi 18 février 2013

BD : Les ignorants


Du vin ou des bulles ?

On a déjà dit tout le bien qu'on pensait d'Etienne Davodeau et de ses BD, humbles et touchantes.
Le voici qui récidive avec Les ignorants, sans doute la meilleure de ses oeuvres avec Lulu femme nue.
La recette est connue : un dessin tout en douceur, une profonde humanité et une histoire ordinaire de gens ordinaires.
Sauf que là, les deux personnages ne sont pas tout à fait tout à fait ordinaires : l'un est viticulteur en Anjou, élevant avec amour et professionnalisme ses vignes et son vin blanc.
L'autre, c'est Etienne Davodeau lui-même.
Le viticulteur ne connaît rien à la BD.
Le dessinateur ne connaît rien à la vigne.
Alors pendant un an ils vont se faire découvrir, l'un l'autre, leurs deux univers (ah encore une histoire vraie !).
Et c'est cette découverte réciproque que raconte l'album.
Avec eux, on apprend plein de choses sur la vigne et le vin.
Avec eux, on apprend plein de choses sur les albums de BD.
Et on apprend plein de choses sur la profonde humanité qui relie ces deux amis.
>Comme d'habitude la magie Davodeau opère : qu'on soit fan ou ignorant de BD, qu'on soit amateur ou néophyte en oenologie, tout le monde tombe sous le charme de cette histoire ordinaire.
Un très bel album à conseiller à ceux qui aiment le vin, la BD ou qui sont ignorants.
On vous livre deux planches : ici et .
Et une citation :

La dégustation d'un livre est peut-être plus solitaire que celle d'un vin. Mais ils ont ceci de commun que leur goût se déploie et s'affine à la discussion.

Décidément, après Les gouttes de dieu, il est clair que le vin s'accompagne volontiers de bulles  ...


Pour celles et ceux qui aiment les vrais gens.
Lorraine en parle et d'autres avis sur Babelio.