mardi 24 janvier 2023

La femme du deuxième étage (Jurica Pavicic)

[...] La guerre dura. Et Bruna la perdit.

      L'auteur, le livre (223 pages, 2022, 2015 en VO) :

Après L'eau rouge, c'est avec plaisir que l'on retrouve Jurica Pavičić, auteur croate né sur la côte Dalmate, à Split en 1965, dans l'une des fédérations de ce qui s'appelait à l'époque la République fédérative socialiste de Yougoslavie avant de devenir la République de Croatie en 1991 lors de l'explosion des Balkans.  

      On aime beaucoup :

❤️ Le talent de conteur désabusé d'histoires tristes de cet auteur croate.
❤️ Une plume qui fait des miracles malgré le côté sombre et pas très gai de cette histoire qui ressemble à une tragédie grecque, 
❤️ Le destin de Bruna, ses années en prison (une douzaine quand même), sa lointaine libération, sa nouvelle vie enfin où elle retrouvera peut-être un peu de sérénité, elle n'en demande pas plus, nous non plus. 
❤️ Un bouquin qui fait la part belle à la cuisine, oui, oui, avec quelques pages intéressantes qui mettent en avant le "pouvoir" de celles ou ceux qui font la cuisine pour leur tablée ...

      Le contexte :

Dans ses romans noirs qui peignent la vie quotidienne et ordinaire de ses personnages, l'auteur dispose quelques touches personnelles de pinceau pour nous décrire la Croatie d'aujourd'hui et nous rappeler celle d'hier.
[...] Pour peu d’argent, mais facilement gagné, il travaillait désormais au service de Russes jeunes et riches, de couples scandinaves et de comptables allemands. Il les servait en serf contrit et nourrissait la bête monstrueuse du tourisme, à peu près comme tout le monde dans ce pays.

      L'intrigue :

La femme du deuxième étage s'éloigne encore un peu plus du genre policier, un roman noir plutôt, qui démarre sans suspense : une jeune femme, Bruna, est emprisonnée pour le meurtre de sa belle-mère, Anka Šarić. 
Comment en est-elle arrivée là : chronique d'un drame annoncé. 
[...] Elle le savait : il faudrait qu’elle s’habitue. Il faudrait qu’elle s’habitue car elle allait être une femme de marin. Et les marins prennent la mer, ils partent et repartent encore.
[...] Son instinct du danger ne l’a pas trahie. Cet étage chez les Šarić, ça ne lui plaisait pas. 
[...] Et puis, fin août, un événement survint qui allait tout changer. 
[...] Bruna le sait : elle a eu sa chance. Elle a eu l’occasion de dire non. Elle aurait pu fermer le robinet, se retourner, fixer Frane dans les yeux et lui dire : « Ça, je ne peux pas. C’est trop pour moi. » Mais ce soir-là, quand elle aurait pu, elle ne l’a pas fait. 
[...] Elle regarde par la fenêtre de la prison et pense à coup sûr à cette succession d’anecdotes chaotiques qui a pour nom sa vie. 
[...] Elle sait que sa vie n’est pas ordinaire, mais elle ne comprend toujours pas pourquoi. 
[...] Bruna ne mange plus de courgettes : elles lui rappellent le jour où elle a commencé à empoisonner Anka. 

      On aime moins :

 La première partie du récit peine un peu à se mettre en place lorsqu'il faut expliciter toutes les circonstances du drame domestique comme pour justifier le geste de Bruna avant son inculpation par la police.

Pour celles et ceux qui aiment les dalmatiens et la cuisine.
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vendredi 13 janvier 2023

Le soldat désaccordé (Gilles Marchand)

[...] Tout le monde la connaît, la Fille de la Lune.

      L'auteur, le livre (208 pages, 2022) :

Le bordelais Gilles Marchand est venu assez récemment à l'écriture et ses histoires peu communes rencontrent peu à peu le succès.

      On aime bien :

❤️ La légende de la Fille de la Lune qui traverse d'un pas léger et lumineux les horreurs guerrières décrites ici.
❤️ Une histoire d'amour qui veut transcender la terrible réalité de cette guerre épouvantable, inimaginable, une guerre démentielle que l'on s'empressera d'oublier une vingtaine d'années plus tard avec d'autres horreurs. Comme quoi, même de la boue sanglante des tranchées on peut modeler un peu de poésie. 
❤️ Un auteur qui travaille avec une jolie plume qui parfois s'emballe un peu pour des effets trop appuyés.

      Le contexte :

Le récit n'est pas vraiment celui d'une histoire vraie, même s'il combine de multiples anecdotes véridiques sur la Grande Guerre, celle de 14-18, celle qui devait être la der des der : les fusillés de Souain qu'il fallut réhabiliter (en 1934), le soldat amnésique Anthelme Mangin que toutes les veuves voulaient récupérer comme mari et qui retrouvera sa famille en ... 1938, l'obusite ou les code talkers indiens, le rabbin que l'on prenait pour un curé, le sous-lieutenant Herduin et sa fin tragique, ...

      L'intrigue :

Le héros, après avoir perdu une main dans la Somme, enquête après-guerre pour aider à retrouver les dépouilles oubliées. 
[...] Je travaillais pour des associations ou différents comités œuvrant à la réhabilitation des fusillés pour l’exemple. Et je parcourais le pays afin de permettre à une famille de retrouver la dépouille d’un soldat qui n’était pas revenu. 
[...] Durant toutes les années 20 et une bonne partie des années 30, j’ai fait ce drôle de boulot d’enquêteur. 
[...] Mais retrouver un poilu vivant, cela ne m’était jamais arrivé.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires.
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jeudi 12 janvier 2023

Les enragés (Paola Nicolas)

[...] Le chimiste qui jouait aux apprentis médecins.

      L'auteure, le livre (256 pages, 2022) :

Paola Nicolas est une dame au pédigrée philosophique impressionnant (elle s'occupe de bioéthique aux US), et elle frappe fort avec son premier roman : Les enragés.

      On aime beaucoup :

❤️ Le débat (clairement exposé) qui résonne d'échos vraiment passionnants après les années que nous venons de vivre, où l'auteure, philosophe spécialiste de bioéthique, distille intelligemment de troublantes réflexions jusqu'à même esquisser quelques ombres sur les travaux du "maître", véritable Héros de la Science, qu'était devenu Pasteur..
❤️ Un ton qui, en dépit du sujet et du bagage philosophique de l'auteure, n'est ni trop pédant ni trop didactique : voici le récit documenté d'un fait divers historico-scientifique qui laisse intelligemment au lecteur le soin de s'interroger sur les indices semés ici et là au fil des pages..
❤️ Des indices, oui, car ce récit est quasiment un thriller scientifique ! Un thriller dont on connaît bien sûr le dénouement puisque chacun sait que ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire ....
[...] L’affaire avait été classée sans suite. Et l’histoire rétrospective ferait comme si tout s’était imposé de manière évidente, linéaire. Pire, elle se présenterait comme l’unique récit possible : le triomphe de la preuve et les forces de la démonstration.

      Le contexte :

À la fin du XIX° siècle, alors que la rivalité croissante avec l'Allemagne ne présage rien de bon, le chimiste Louis Pasteur repose en Italie son cœur à bout de course. 
À Paris, ses collègues et les médecins de son Institut sont en pleine campagne de vaccination antirabique et injectent à marche forcée le sérum miracle tout en poursuivant les tests sur les chiens et les lapins. 
Toute ressemblance avec ce que nous avons connu récemment ne serait pas fortuite puisque l'auteure a écrit son récit pendant la pandémie; joli coup.

      L'intrigue :

Las en novembre 1886, le jeune Jules Rouyer, récemment soigné après avoir été mordu par un chien, vient à décéder. 
[...] Demain, dès l’aube, l’affaire Jules Rouyer ferait la une des journaux. Les petits vendeurs crieraient la nouvelle. 
[...] Avec la mort du petit Jules, décédé peu après avoir reçu le traitement prophylactique contre la rage, des années de labeur allaient être remises en question. Son équipe, ses moyens de financement, tout serait passé au crible. 
Les adversaires de Pasteur sont nombreux. 
Les partisans "enragés" de la théorie de la spontanéité morbide (les antivax d'alors) et ceux de la nouvelle doctrine microbienne s'affrontent à couteaux tirés dans les coulisses des ministères, dans les amphithéâtres des académies et dans les journaux de l'époque (le livre est émaillé de fac-similés), l'équivalent de nos réseaux sociaux actuels. 
[...] À l’Académie de médecine, les butors et les cuistres n’avaient pas caché leur mépris envers lui, le chimiste qui jouait aux apprentis médecins ! 
 [...] Vous avez vu les titres des journaux ce matin ? « Pasteur, Assassin ! » Il en va de la stabilité du gouvernement ! 
[...] Pasteur se sert du désespoir des patients, affolés à l’idée d’avoir contracté le virus, pour professer son catéchisme vaccinal et leur injecter ses mixtures de moelle ! 
[...] Il l’appelait dans son dos « le chimiâtre ». Le sobriquet était là pour rappeler que Pasteur n’avait jamais fait d’études de médecine. 
[...] Le grand combat, Peter contre Pasteur, où l’on verrait s’affronter la médecine clinique contre la médecine expérimentale en une bataille impitoyable, dont l’issue était encore incertaine.
Pour le clin d'œil littéraire, on croisera dans les labos de l'Institut Pasteur, le jeune Alexandre Yersin, le futur découvreur du vaccin contre la peste, dont Patrick Deville tirera un autre excellent bouquin (Peste et choléra) pour celles et ceux qui veulent poursuivre la visite médicale.

Pour celles et ceux qui aiment jouer au docteur.
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mercredi 11 janvier 2023

Heureux les heureux (Yasmina Reza)

[...] Est- ce que c’est la place d’un homme ?

      L'auteure, le livre (192 pages, 2013) :

Jusqu'ici, on a très peu fréquenté Yasmina Reza, auteure française (le plus souvent de théâtre) aux origines exotiques (Hongrie, Russie, Iran, ...). 
Trop peu manifestement si l'on en juge par sa très belle plume à l'œuvre ici avec Heureux les heureux.

      On aime bien :

❤️ Cette belle galerie de portraits, où chaque court chapitre est consacré à une fine petite tranche de la vie d'un couple ou d'un personnage. Quelques pages sans début ni fin, prises au vol, un instant volé. .
❤️ La plume souvent magique de Yasmina Reza qui excelle à rendre ces moments d'humanité, de tendresse, à voler ces instants au temps, à déceler les non-dits qui se cachent derrière l'ordinaire, à illuminer l'amour, le désespoir et les solitudes dilués ensemble dans le quotidien. 

      Le contexte :

D'entrée, l'exergue (une citation de Jorge Luis Borges) donne la clé du titre et du bouquin : 
[...] Heureux les aimés et les aimants et ceux qui peuvent se passer de l’amour. Heureux les heureux. 

      L'intrigue :

Des clichés instantanés qui ne sont pas tout à fait des micro-nouvelles, qui ne composent pas tout à fait un roman ... 
On parcourt un quartier de la ville et au fil des chapitres, on croise ici un couple, là leur médecin, plus loin un amant, une sœur ou un autre couple de leurs amis, des personnages qui traversent un chapitre et qui, devenus familiers, auront bientôt droit au leur, un peu plus loin. 
[...] S'emmerder dans un supermarché à l’heure des courses de tout le monde. Est- ce que c’est la place d’un homme ? 
[...] Cela fait des années que je sais que je ne dois plus jouer en équipe avec ma femme Hélène. 
[...] Depuis que mon père est mort, je lui demande d’intervenir dans ma vie. Je regarde le ciel et lui parle à voix secrète et véhémente. C’est le seul être à qui je peux m’adresser quand je me sens impuissante. En dehors de lui, je ne connais personne qui ferait attention à moi dans l’au- delà. Il ne me vient jamais à l’idée de parler à Dieu. J’ai toujours considéré qu’on ne pouvait pas déranger Dieu. On ne peut pas lui parler directement. Il n’a pas le temps de s’intéresser à des cas particuliers. 
[...] Mais mon père est nul. Il ne m’entend pas ou ne possède aucun pouvoir. Je trouve lamentable que les morts n’aient aucun pouvoir. 

      On aime moins :

Comme souvent dans ce genre d'exercice, les mini-nouvelles ne sont pas toujours égales et la seconde partie du bouquin laisse pointer l'artifice un peu plus souvent.

Pour celles et ceux qui aiment les puzzles.
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mardi 10 janvier 2023

Les anges meurent de nos blessures (Yasmina Khadra)


[...] Cela devait finir ainsi.

      L'auteur, le livre (408 pages, 2013) :

On ne présente plus l'algérien Yasmina Khadra [déjà croisé ici], le pseudo "féminin" que l'auteur Mohammed Moulessehoul avait endossé sous la censure militaire. 
Avec Les anges meurent de nos blessures, il nous livre une très belle histoire.

      On aime :

❤️ La plume de Khadra fluide, élégante et agréable.
❤️ La misère, l'ascension, la chute du héros, qui composent une belle histoire (mais inscrite dans l'Histoire algérienne, on est quand même chez Khadra !).
❤️ Quelques belles pages sur la boxe (mais qui ne dérangeront pas les allergiques).
❤️ De belles romances amoureuses (mais qui finissent mal en général, comme chacun sait).

      Le contexte :

L'Algérie coloniale des années 30.

      L'intrigue :

Le parcours de Turambo, un pauvre gosse des quartiers pauvres qui deviendra un champion de boxe au foudroyant direct du gauche, un champion adulé de tous (et toutes). 
Mais chacun sait (sauf Turambo) que la gloire est éphémère et que l'on se brûle vite les ailes à s'approcher trop près des feux de la rampe, fussent-ils ceux du ring. 
[...] Je rentrais à Oran si triste que ma chambre accueillait la nuit plus vite que d’habitude. Le matin, en regagnant l’écurie, le sac de frappe pliait sous mes coups, et je jure qu’il m’arrivait de l’entendre gémir et demander pardon. 
 [...] Pour eux, je n’étais qu’une poule aux œufs d’or qui passerait d’elle- même à la casserole quand elle n’aurait plus rien à pondre. 
Le bouquin ne laisse d'ailleurs aucun doute qui s'ouvre sur l'échafaud auquel va être mené Turambo : la fin est annoncée, le lecteur est prévenu. 
[...] Je m’appelle Turambo et, à l’aube, on viendra me chercher. 
[...] Il n’y a de mort digne que pour ceux qui ont baisé comme des lapins, bouffé comme des ogres et claqué leur fric comme on claque un fouet, me disait Sid Roho. 
– Et pour celui qui est fauché ? 
– Celui- là ne meurt pas, il ne fait que disparaître. 

      On aime moins :

Le bouquin reste un peu long (l'histoire aurait gagné à être plus ramassée même si on comprend l'enthousiasme de l'auteur à nous faire partager son pays) et quelques effets de style un peu ronflants auraient pu être évités, mais ce ne sont là que défauts mineurs .

Pour celles et ceux qui aiment les boxeurs.
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dimanche 1 janvier 2023

Bonne année 2023 !

Bonne année 2023 à toutes et à tous !

On vous souhaite tout plein de bonnes et belles lectures pour cette nouvelle année à commencer par une petite rétrospective de quelques unes de nos meilleures découvertes de l'an passé avec uniquement des romans récents parus en  2022.
Si vous êtes passé à côté, il est encore temps de vous rattraper !

► Cliquez sur les liens orange pour lire le billet original en entier.


Rappelons au passage que nos "nouveautés" sont régulièrement répertoriées par Bibliosurf.

Côté polars, il ne faut pas manquer ceux du norvégien Jørn Lier Horst qui nous régale depuis quelques années déjà de son écriture fluide et agréable, ses intrigues pas trop stressantes et ses personnages devenus familiers, le flic William Westing (et sa journaliste de fille, Line). 
Cet épisode, La chambre du fils, est peut-être le plus réussi de la série (si vous n'en lisez qu'un ... mais ce serait dommage de ne pas profiter des autres épisodes, tous de très bonne tenue) avec en prime une incursion dans les coulisses du pouvoir politique norvégien et une équipe d'enquêteurs ad hoc montée en grand secret (discrétion oblige). 
Comme à leur habitude, Horst et son héros avancent à petits pas dans un lent et patient travail d'enquête pour reconstituer un puzzle, où comme chacun sait, il faut d'abord trier les pièces.

Allez encore un policier, mais assez surprenant.
Ça commence comme un polar américain sudiste pur jus au cœur du Mississipi, au bord de la Pascagoula River et le bayou n'est pas loin.
Mais surprise, l'auteur, Raphaël Malkin, est un jeune journaliste frenchy, bien de chez nous. 
Mais re-surprise, le lieutenant Versiga, héros de l'histoire, est un vrai flic de la vraie police de Pascagoula, champion de tir, ancien boxeur et rescapé de Katrina. 
Malkin est tombé sur ce flic lors d'un reportage aux US et cette très très bonne histoire n'a pas échappé à son flair affuté.
Ce court récit (200 pages) est mené à vive allure sans aucun temps mort et ce presque reportage, cette quasi biographie se dévore comme un vrai polar dont le dénouement n'est pas le moins surprenant. Visiblement Malkin est doué pour repérer les histoires de la vraie vie qui vont s'avérer meilleures que les fictions. Et il sait les raconter.

Côté romans, il faut anticiper la sortie cinéma prévue cette année 2023 du biopic de Christopher Nolan (adapté d'un autre livre), et donc en profiter pour découvrir la lyonnaise Virginie Ollagnier avec son bouquin : Ils ont tué Oppenheimer.
Un homme plein de contradictions, un humaniste proche du parti communiste de l'époque et un savant qui fut malgré tout recruté par le gouvernement américain pour piloter le fameux projet "Manhattan" de Los Alamos.
La documentation sait se montrer limpide et discrète (tantôt passionnante, tantôt effarante comme le chapitre sur le complexe militaro-industriel US), l'écriture fluide mélange habilement les époques, les personnages sont tous intéressants, le bouquin se dévore comme un excellent roman (en dépit de quelques longueurs).
On notera aussi le joli portrait de la compagne d'Oppie : Kitty, une femme trop libérée pour son époque. 

Côté romans toujours, on a terminé l'année 2022 en beauté, la tête dans la lune et des étoiles plein les yeux avec l'étonnant bouquin de Christine Montalbetti qui entreprend de nous conter par le menu tout menu, le quotidien presque ordinaire du dernier équipage de la dernière navette US en juillet 2011, parce que La vie est faite de ces toutes petites choses.
Comment ne pas être pris par l'aventure qui nous est contée d'autant qu'on nous invite jusque dans le cockpit de la navette : l'espace nous fait toujours rêver, l'impesanteur nous fait fantasmer, le risque de ces expéditions nous fait frissonner, la gloire de ces conquêtes nous fait gamberger, on en redemande ...
Alors on déguste et on savoure, et le récit passionnant et la prose de dame Montalbetti : une plume riche, sautillante et pétillante, qui réussit à faire jaillir une gaie poésie de ces toutes petites choses. 
Un régal pour l'esprit.

Au rayon thrillers, on a bien aimé le journaliste canadien Luc Chartrand et sa visite guidée des coulisses de la guerre larvée qui oppose depuis des années Israël et les Palestiniens. 
Le prologue nous ramène à l'opération Plomb Durci en 2009 et l'auteur nous guide par la main pour démêler patiemment les protagonistes de L'affaire Myosotis, les sionistes des palestiniens, le Fatah du Hamas, le Shin Beth de l'Aman, ... 
En évitant tout propos didactique ou pontifiant, Luc Chartrand arrive encore à nous en apprendre sur cette région (et sur son Canada natal) que l'on croit si bien connaître, actualités obligent depuis de trop longues années.
Tout cela est évidemment passionnant et mené au rythme soutenu d'un thriller américain.

Toujours côté thrillers, il serait dommage de ne pas citer le duo des français Bertil Scali & Raphaël de Andreis avec un titre sec qui sonne comme une claque : Mer
Alors que nous faisons à peine notre deuil du monde d'avant, les deux compères nous plongent (c'est le cas de le dire) dans le monde d'après-demain : en 2100, le réchauffement climatique est là, les villes côtières sont noyées sous les eaux, les plaines centrales ravagées par les incendies géants, le monde envahi par les réfugiés climatiques et quelques autres bestioles qui pullulent dans ce nouvel éco-climat. 
Bordeaux n'est plus qu'une nouvelle Venise marécageuse battue par les eaux, ce qui nous vaut cette belle couverture. 
Tout cela est plutôt bien écrit, c'est pas du thriller au rabais même si l'on regrette quelques personnages un peu 'clichés' aux traits un peu grossiers. 
Le thriller idéal pour les plages cet été, ambiance garantie "les pieds dans l'eau".

Avant de terminer, il faudrait également citer quelques autres auteurs découverts cette année, des auteurs "à suivre" comme on dit :
  • le valaisan Jan Länden et son polar Leena sur le grand banditisme européen (bigrement intéressant : l'auteur est un vrai flic suisse et son bouquin est truffé de références à de vraies affaires)
  • le diplomate français Renaud Salins Lyautey (malheureusement décédé en 2022) et ses intrigues policières sur fond d'intelligente curiosité diplomatico-géo-politique comme avec La baignoire de Staline pour une excursion en Géorgie
  • l'écossais farceur et manipulateur Graeme Macrae Burnet, admirateur de Simenon, qui nous emmène ... en Alsace ! pour enquêter tranquillement sur La disparition d'Adèle Bedeau
Et si cela ne suffit pas à vous donner le goût de lire, parcourez 💡 la liste magique 💡 classée par envies ...

Bonnes lectures et bonne nouvelle année !