vendredi 9 novembre 2018

Population 48 (Adam Sternbergh)

[...] C’est juste un putain de trou.

Population : 48, le titre de la VF (The blinds en VO) lorgne du côté des 1.275 âmes de Jim Thompson.
Effectivement Adam Sternbergh met en scène lui aussi un petit village et son shérif.
Mais son village est vraiment tout petit et perdu au fin fond du Texas. 48 âmes donc (et c'est très peu) y vivent ou presque, anonymes et totalement coupées du monde : aucun contact, ni téléphone, ni internet, ni quoi que ce soit. Une sorte de refuge pour ceux qui se sont fait effacer leur mémoire, ont changé de nom et ont voulu couper tout lien avec un sombre et sinistre passé. Amnésie et amnistie.
[...] « Damnatio Memoriae ». Il s’avère que c’est une pratique de la Rome antique, qui signifie littéralement « la condamnation de la mémoire ».
[...] Mieux vaut oublier, souffla-t-il.
[...] Mais ce ne sont pas tous des criminels, si ? Certains sont innocents et sont simplement des victimes qui se cachent des malfrats contre qui elles ont témoigné.
— Bien sûr. C’est la magie de cet endroit. On ne sait pas qui est qui.
[...] - On irait où ? Je croyais que venir ici ça serait un nouveau départ, tu sais ? Mais c’est faux. C’est juste un putain de trou dans lequel tu tombes et d’où tu ne peux jamais ressortir.
Mais voilà que, à mi-chemin entre dystopie et polar, la tranquillité factice de Caesura (c'est le vrai nom de ce faux bled) est troublée par un meurtre : les 47 habitants se réveillent un beau matin avec un cadavre sur les bras.
[...] « Blind Town a connu huit années sans incident.
— Et ça m’a tout l’air d’être terminé. »
La première moitié du bouquin est assez lente et l'on persiste juste pour savoir comment l'auteur va bien pouvoir se sortir du piège dans lequel il semble bien s'être lui-même enfermé (bon, avec nous peut-être). Certes, l'idée de départ est originale et curieuse mais franchement, ça va nous mener où ?
[...] Si j’étais vous, je m’inquiéterais moins de comment tout ça a commencé que de comment ça va se terminer.
Enfin, à mi-parcours, les différentes pièces de l'horlogerie finissent par s'emboîter une à une et la mécanique infernale peut s'enclencher.
Pour autant, on reste un peu sur notre faim comme chaque fois qu'un sujet astucieux de courte nouvelle s'étire en un long roman. En dépit d'un final pétaradant en forme de western, Adam Sternbergh n'arrive pas vraiment à se sortir du piège dans lequel il s'était enfermé et l'on en vient à regretter de s'être laissé faire.

Pour celles et ceux qui aiment les méchants qui sont gentils.
D’autres avis sur Bibliosurf.