samedi 25 juin 2022

L'ombre de la nuit (Marco Pianelli)

[...] L’ambiance, devenue lente, sentait le western.

Voici L'ombre de la nuit, premier roman plutôt réussi du français Marco Pianelli.
Une histoire bâtie autour d'un héros mystérieux qui se fait appeler Paco, fermé comme un coffre-fort et muet comme un pendu, une sorte de Sherlock Holmes qui aurait troqué sa pipe contre des muscles forgés aux arts martiaux.
[...] - Vous savez doser votre pouvoir létal. Ce qui ne vous rend pas moins dangereux à mes yeux. Vous êtes un compromis entre Sherlock Holmes et Mike Tyson. 
- Très exagéré, mais merci.
[...] Pour arrêter un homme tel que lui, il faudrait le tuer …
[...] - Tu n’es pas comme tout le monde Paco, avec plus de méfiance que d’admiration.
Qui est cet homme sûr de lui, au profil d'ancien commando, à l'esprit vif et observateur et que vient-il faire la nuit sur une route déserte et pluvieuse d'Ardèche, marchant vers un but mystérieux connu de lui seul ?
L'infirmière Myriam rentre de l'hôpital et le prend en stop.
Elle a perdu son fils, disparu il y a cinq ans sur cette même route.
Le temps de quelques pages, il va l'aider dans sa quête.
[...] - Je reprends une enquête avec cinq ans de retard. Ça va me demander de l’imagination et à toi de l’indulgence. Et tant que tu ne me donnes pas l’ordre d’arrêter, je continue.
[...] Cette histoire n’avait aucun sens… Il ne serait là que de passage et elle ne savait même pas pourquoi il s’attardait. Pas par goût de l’énigme, il n’était pas un détective anglais d’un autre siècle. Pas par besoin d’un toit, il n’était pas un vagabond. Ni pour elle, bien assez vieille aujourd’hui pour ne plus y croire.
Le mélange, fait de clichés improbables, est de ceux auxquels on ne croit pas une seconde.
Et pourtant Marco Pianelli sait comment (bien) écrire une (bonne) histoire, alors on se laisse captiver par le sombre héros et une prose sèche et directe, au bon parfum de série noire.
[...] Ça fleurait bon l’ambiance Parrain. Et bientôt tout ça se teinterait de sang et d’os.
[...] Ça racontait l’histoire d’un étranger de passage qui provoquait la chute de la puissance en place. [...] Était-il d’origine biblique, ou simplement issu d’un western ?
[...] — T’es vraiment arrivé ici par hasard, ou tu bosses pour la concurrence ? Ou pour la police ? Ou je ne sais pas, moi, pour les services secrets ?
Malheureusement le récit est un peu plombé par de trop nombreuses scènes de bagarres au cours desquelles Paco fait pas mal de dégâts chez ses adversaires : l'auteur est un adepte des sports de combats, ces passages lui tiennent à cœur (et sont plutôt bien écrits) mais la coupe déborde un peu, c'est dommage.

Pour celles et ceux qui aiment les sombres héros.
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lundi 13 juin 2022

Un monde merveilleux (Paul Colize)

[...] La réponse se trouve peut-être au bout du voyage ?

Le belge Paul Colize n'est pas un inconnu [clic] et le voici de retour avec Un monde merveilleux.
Il nous replonge dans les années 70 avec une histoire un peu mystérieuse : Daniel est maréchal des logis, basé en Allemagne et son supérieur le charge de convoyer une dame depuis la Belgique jusqu'on se sait pas trop où, on n'en sait guère plus et ses chefs se sont montrés pour le moins avares d'informations sur cette mission.
Que va faire la belle dame qui répond au prénom sulfureux de Marlène, quel est son histoire et pourquoi a-t-elle besoin d'un chauffeur et pourquoi Daniel, quel est son passé ?
[...] Il prit conscience de l’ampleur de la manipulation. Un véritable travail de fourmi, fait d’intoxications, de mensonges et de dissimulations. Un plan qui avait dû prendre des mois d’élaboration.
Bien assis confortablement au fond de la Mercedes, on va les suivre tous les deux de Bruxelles jusqu'en Espagne au fil d'un parcours au délicieux parfum rétro, un bon vieux bouquin de la série noire ou même un film en noir et blanc avec Jeanne Moreau en belle inconnue et Lino Ventura au volant.
[...] Une heure s’écoula sans qu’un mot ne soit échangé. Ce silence lui convenait. Il s’habituait peu à peu à cette absence de dialogue et la préférait à une conversation animée. Quand bien même, quels thèmes pourraient-ils aborder ? Il se perdit dans ses pensées.
Un roman noir bien agréable à lire et très instructif puisque l'on y découvre le sombre passé de la Belgique des années 30 : le mouvement rexiste de Léon Degrelle et la tuerie de Courcelles ...
[...] Léon Degrelle [..] avait épousé la cause nazie et avait été un grand admirateur d’Hitler. Certains prétendaient qu’il était le Goebbels belge, en plus lâche.

Pour celles et ceux qui aiment les road movies.
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dimanche 12 juin 2022

Inestimable (Zygmunt Miłoszewski)

[...] Toute cette affaire pue l'Atlantide à plein nez.

Poursuivons la série du polonais au nom imprononçable, Zygmunt Miłoszewski, avec une nouvelle aventure de l'inénarrable directrice de musée, Zofia Lorentz, toujours à l'affut de trésors culturels nationaux perdus et oubliés, et qui cette fois, nous entraîne jusque sur l'île de Sakhaline sur les traces d'un de ses compatriotes exilés au début du XX° siècle, parti à la recherche d'artefact Aïnous, ouf.
[...] Elle pouffa de rire. 
- Docteur, dit-elle sans cacher sa fierté, je crains que vous ayez, comme tant d'autres, une fausse image de moi, qui consisterait à croire que je suis une sorte d'Indiana Jones en jupon. 
Comme à son habitude, Miłoszewski déchaîne son humour corrosif pour fustiger les travers de ses compatriotes, un régal même si l'on peut imaginer que pas mal de traits échappent à nos esprits français peu coutumiers du nationalisme tourmenté des polonais.
[...] Le sous-secrétaire jura et quitta la salle de réunions au pas de course, tandis que Zofia Lorentz plongeait le regard dans le paysage de Pruszkowski. Il était probable que personne ici ne savaitt que cet étrange paysage martien représentait en réalité l'aube qui se levait sur les prisonniers politiques déportés dans les bagnes de Sibérie. 
On était en Pologne. Ici, aucun paysage n'était simplement un paysage. 
[...] Méfiez-vous des séries télévisées. En Pologne, c’est le procureur qui dirige les investigations sérieuses. La police l’aide si on le lui ordonne, mais de sa propre initiative elle ne peut traquer que les voleurs de voitures et les cambrioleurs.
Et c'est encore plus savoureux lorsque la Docteure Lorentz effectue un petit détour par Paris.
[...] - Vous iriez manger un morceau avec moi ? 
Zofia n'avait pas la moindre idée de la manière dont ce peuple produisait son PIB, si chaque jour à midi tout le monde se figeait deux heures durant, en plein milieu de la journée de travail, si au cours de l'heure précédente, les gens tournaient déjà en rond en se demandant où ils iraient manger et ce qu'ils commanderaient et si au cours de l'heure suivante, ils reprenaient leurs esprits en digérant, seulement pour quitter le bureau l'instant d'après et faire leurs courses en vue du dîner. Elle garda cette réflexion pour elle.
Cette histoire baignée de culture penche tantôt du côté d'un Da Vinci Code, tantôt de celui d'Indiana Jones, on y croise même Maria Salomea Skłodowska (la plus connue des polonaises), mais il nous aura fallu attendre la mi-parcours, lorsque l'intrigue se complique d'un genre d'espionnage pharmaco-industriel plein de péripéties maritimes et rocambolesques, pour accrocher enfin au bouquin mais sans vraiment y parvenir tout à fait.
L'écriture de Miłoszewski est pourtant fluide, son érudition évidente, son humour percutant, son histoire instructive, mais ...
Mais ce n'était peut-être pas le bon moment et l'on n'a pas vraiment cru à une intrigue touffue, confuse, qui nous a semblé manquer de tenue et de consistance.
Visiblement le polonais s'est beaucoup amusé avec son histoire et ses personnages, on le devine en train de jubiler derrière son clavier, mais il n'aura pas réussi, cette fois-ci, à captiver l'attention de tous ses lecteurs.

Pour celles et ceux qui aiment l'art et la Pologne.
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