jeudi 22 mai 2008

La forêt des renards pendus (Arto Paasilinna)

Amusant et rusé renard.

Depuis Le lièvre de Vatanen, nous suivons Arto Paasilinna et ses animaux dans ses promenades parmi les sapins lapons.
La recette est un peu toujours la même : quelques personnages hauts en couleurs se perdent en pleine nature nordique, ce qui fournit prétexte à leçons de vie, d'humour et de philosophie.
Cette fois c'est dans La forêt des renards pendus.
Mais la recette sent désormais un peu le réchauffé : on est loin de la fraîcheur du Lièvre ou du western ("northern" ?) d'Un homme heureux.
Les deux personnages en fuite au fond de la forêt des renards sont finalement assez peu crédibles : un gangster qui a chipé les lingots à ses complices et un major de l'armée défroqué.
Il faudra attendre la moitié du bouquin pour que les rejoignent une vieille grand-mère Skolte qui refuse l'hospice et deux jeunes femmes de peu de vertu venues de Stockholm.
L'arrivée de cette gente féminine fait que l'histoire décolle enfin et que la sauce aux myrtilles arrive à prendre.
Saluons quand même au passage l'humour de Paasilinna qui, entre autres facéties, parsème tous ses bouquins (voir aussi Un homme heureux) d'allusions au Lièvre, un peu comme le père Hitchcock s'amusait à traverser discrètement ses propres films :

[...] Ce qui semblait le plus étrange était qu'elle était accompagnée d'un chat.
D'habitude, les gens ne voyagent pas avec des animaux domestiques, pas même les Skolts, sans doute. La femme se rappelait bien avoir entendu parler d'un homme qui s'était baladé à travers tout le pays en compagnie d'un lièvre, mais cette fois, il s'agissait bien d'autre chose.
« Un lièvre, ça peut encore se comprendre, mais un chat ! »


Folio édite en poche ces 262 pages traduites du finnois par Anne Colin du Terrail.
Pour celles et ceux qui aiment la vie dans les sapins.
D'autres avis sur Critiques Libres et celui d'InFolio.

lundi 12 mai 2008

L’autobus (Eugenia Almeida)

En regardant passer les trains.

Un livre étrange venu d'Argentine.
L'autobus de Eugenia Almeida.
Dans un petit village perdu loin de Buenos Aires, l'autobus qui habituellement dessert le village tous les soirs ne s'arrête plus ... un soir, le lendemain, trois soirs ...
Le passage à niveau reste fermé et le train ne passe plus ...
Que se passe-t-il donc ?
En fait peu importe, l'essentiel est dans les répercussions de ces évènements d'apparence anodins sur les comportements des habitants.
Ces perturbations du train-train (ah !) forcent les langues à se délier, les secrets à se dévoiler, tout doucement, peu à peu.
Dans une ambiance proche du Rapport de Brodeck même si le contexte est tout différent.

[...] - Tu as vu que cela fait deux soirs que l'autobus ne s'arrête pas ?
Les hommes s'attardent au bar, à un coin de rue où ils fument une cigarette, à la sortie de l'usine, de la coopérative. Tous disent la même chose.
- Tu as vu que cela fait deux soirs que l'autobus ne s'arrête pas ?
La chose parvient jusqu'à l'école. Les élèves du cours moyen discutent, étendus par terre sur le petit terrain de sport.
- Mon père dit que l'autobus ne s'arrêtera plus jamais.
- Il faudra bien qu'il s'arrête quand il n'aura plus d'essence.
- Mais non, idiot, c'est dans le village qu'il ne s'arrêtera plus jamais.
- Et alors ? De toute façon, nous on ne va jamais nulle part.

Dans ce village où la voie de chemin de fer sépare les nantis des autres, dans ce pays où se succèdent les régimes militaires, la lâcheté des uns fait écho à l'aveuglement des autres.
Finalement, l'Argentine n'est peut-être pas si loin du pays de Brodeck ...


Métailié édite ces 125 pages traduites de l'espagnol par René Solis.
Pour celles et ceux qui aiment attendre l'autobus.
Les avis de Cuné, Clarabel, de Flo et du Cerisier.