mercredi 13 novembre 2019

Bluff (David Fauquemberg)


[...] Ça va secouer oh !

    L'auteur, le livre (384 pages, 2018) :

Avant de quitter la région, coup de cœur pour cette histoire de pêche dans les eaux très agitées (nous sommes dans les quarantièmes rugissants) de la Mer de Tasman au large de Bluff.
[...] Dans ces mers casse-bateaux, prier pour que l’hiver austral oublie de se mettre en colère.
[...] Partout où portait le regard, la mer était blanche de rage. 

    On aime :

❤️ Un véritable page-turner, un vrai thriller qui au passage, nous en apprend beaucoup sur les migrations du Pacifique : celles des polynésiens bien sûr, celles de certains étonnants oiseaux, celles des huit houles de l’océan et même celles des langoustes !

      Le contexte :

C’est tout là-bas, dans ce dernier poste avancé de l’humanité, dans les terres habitées les plus australes, que le frenchy David Fauquemberg a choisi de nous emporter, après avoir passé plusieurs mois dans le Pacifique.
[...] Qu’est-ce qui t’amène ?… » Le Français se gratta le front, il n’avait pas réponse à ça. Partout les gens disaient qu’à Bluff, il n’y avait rien. Alors il était venu voir.
[...] T’en fais une tête !… » Il tendit à son équipier une tasse de café brûlant. « Si c’était facile, aye, tout le monde le ferait… » 

      L'intrigue :

Les esprits chagrins pourront reprocher à Fauquemberg d’en faire un tout petit trop dans le style dépliant touristique sur les gentils sauvages polynésiens aux traditions ancestrales pollués par les colons blancs, façon Vaiana de Disney, mais l’auteur est avant tout un formidable conteur d’histoires et comme les vagues de la Mer de Tasman, ses récits épiques emportent tout dans leurs déferlantes, lecteur compris.
[...] C’était cette histoire-là qu’il fallait raconter, elle contenait toutes les autres. 
[...] Crayfish, le mot était dans toutes les bouches : l’or rouge orangé de Bluff, la langouste du Sud dont la saison allait ouvrir. Les pêcheurs parlaient quotas, exportation. À quelle hauteur les marchés asiatiques placeraient-ils la barre, cette année ? En septembre, les pêcheries de la région avaient le monopole et les prix s’envolaient, ils pouvaient dépasser soixante-dix dollars le kilo, vingt de plus pour les pièces de belle taille, pourquoi ne pas rêver des cent dollars ? 
Le récit (passionnant, façon thriller) de la pêche à la langouste est entrecoupé des récits (passionnants, façon Histoire de la mer) des grandes navigations polynésiennes dont l’auteur sait nous faire sentir le souffle épique, entre Histoire des explorateurs et légendes des Héros.
[...] Quand les explorateurs venus d’Europe avaient enfin été capables de traverser le Pacifique, mille ans après les premiers Polynésiens, ils avaient été subjugués par les qualités exceptionnelles de ces pirogues doubles ou à balancier – elles paraissaient voler sur l’eau.
[...] Quand nos anciens ont fait sortir les îles du Grand Océan, ils ouvraient les chemins.
[...] La navigation aux étoiles, cet art que les Polynésiens avaient porté au plus haut point. Les marins d’Europe tremblaient encore de perdre de vue le rivage que nous avions déjà peuplé la moitié du Pacifique !… Et quand Colomb avait fini par traverser l’Atlantique, cela faisait des siècles que les pirogues doubles des Océaniens avaient relié Tahiti aux trois extrêmes du Triangle polynésien – Hawaii, Rapa Nui et la Nouvelle-Zélande. Des voyages insensés. 
Et tout cela se termine sur une vague nostalgique, un brin désabusée.
[...] Là où je vais, il n’y a pas d’île.

Pour celles et ceux qui aiment les crustacés.
D’autres avis sur Bibliosurf.

lundi 4 novembre 2019

Le théorème du perroquet (Denis Guedj)

[...] C’était le KGB qui vous choisissait.

Remercions Marie-Jo de nous avoir sorti ce vieux bouquin (quelle horreur, ça ‘date’ du siècle dernier, 1998 pour être précis) d’un auteur qu’on ne connaissait pas : Denis Guedj disparut récemment en 2010.
Le bonhomme était prof d’histoire des sciences à l’université de Vincennes, spécialisé dans l’épistémologie des mathématiques, auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique.
Attendez, attendez, ne partez pas !
Derrière ce titre accrocheur et branché, Le théorème du perroquet cache une pépite savoureuse que l’on vous recommande vivement.
Pas pour l’intrigue franchouillarde, quelque part entre Amélie et ses poulains de Montmartre et les histoires à la Pennac.
Denis Guedj ne revendique pas le Nobel de littérature.
Par contre, il est assuré d’obtenir celui de la vulgarisation des maths : sa petite histoire rocambolesque et sympa n’est qu’un prétexte à parcourir à grands pas la Grande Histoire des Mathématiques !
À travers les empires et les temps, des diagonales et des tangentes saisissantes nous font nous sentir moins bêtes après cette lecture lumineuse.
L’intrigue est fraîche et gentillette mais le bouquin pétille d’humour et d’intelligence.
Denis Guedj arrive même à nous faire réviser la trigo sous un tout autre angle.
On en reste baba.
Même les plus timides face aux inconnues devraient y trouver leur compte : tout cela est éclairé par les lumières de la philo, tout simplement.
Cerises sur le gâteau, le bouquin fourmille de références étymologiques où nous apprenons l’histoire et l’origine des mots : chiffres, zéro, racine, ésotérique, académie, lycée, bibliothèque, ... pour n’en citer que quelques uns.
[...] Je me demande ce que vous feriez sans l’étymologie ! glissa Léa.
– « J’aimerais moins les mots. » 
Malheureusement la démonstration du professeur Denis Guedj finit par s’enliser et se perdre dans les méandres du calcul infinitésimal : le rythme lumineux de la période classique des Grecs s’essouffle et l’intrigue prend une place qu’elle ne méritait pas.

La seconde moitié du bouquin est donc réservée aux curieux des nombres puisque l’on continue de parcourir l’Histoire des maths tout au long des siècles : on y (re-)découvre l’arrivée des chiffres dits arabes (qui sont indiens) et toute une galerie de génies matheux comme Euler par exemple, doué d’une mémoire prodigieuse.
[...] Euler comprit qu’il deviendrait complètement aveugle.
Quand il n’y verrait plus, il n’aurait qu’à puiser dans sa mémoire comme dans une bibliothèque.
Il devint une bibliothèque vivante.

Pour celles et ceux qui aiment les maths.
D’autres avis sur Babelio.