mercredi 25 mars 2020

La disparue de l'île Monsin (Armel Job)

[...] Elle ne savait pas où Éva se trouvait.

Très agréable roman que ce bouquin de l’écrivain belge Armel Job avec une belle écriture, précise et soignée.
À peine un polar, plutôt la recherche de qui se cache derrière les personnages, un peu à la mode Simenon.
La disparue de l’île Monsin se prénomme Éva.
Elle a été vue pour la dernière fois un soir de neige, sur le pont-barrage de l’île près de Liège.
[...] Elle ne savait pas où Éva se trouvait. Elle était inquiète, elle s’était rendue à la police à Liège. S’ils avaient émis un avis de recherche, c’est qu’ils avaient de bonnes raisons. 
Qu’est devenue Éva ?
A-t-elle été enlevée, s’est-elle enfuie ou même jetée à l’eau ?
Et puis qui était-elle ? Vraiment ?
[...] Je finirais par croire que tout le monde en sait plus long sur ma fille que moi, sa propre mère. 
Laissons-nous bercer par les eaux de la Meuse à la découverte des personnages de l’île Monsin, à la découverte d’Éva et de ceux qui croient l’avoir connue.
[...] Au bout d’une enquête, en effet, qu’est-ce que le flic a devant lui ? Quelques faits sans doute, mais surtout l’énigme impénétrable du comportement des hommes.


Pour celles et ceux qui aiment les polars qui n'en sont pas vraiment.
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samedi 21 mars 2020

L'inconnue de l'équation (Xavier Massé)

[...] Toute cette histoire est un véritable méli-mélo.

Un peu dans la même veine que le Coupable ? récemment lu, voici L’inconnue de l’équation encore un petit polar frenchy sans prétention, sous forme de construction alambiquée, artificielle et capillotractée, juste de quoi maintenir le lecteur et les personnages pendant quelques heures dans le brouillard le plus complet : mais comment Xavier Massé va-t-il se sortir de cet imbroglio patiemment construit ?
[...] Toute cette histoire est un véritable méli-mélo qui ne tient absolument pas la route.
Ça commence par un drame familial comme on dit : un couple, un gamin, une fliquette, des coups de feu, des cadavres et un incendie ...
[...] Deux témoins, à deux endroits différents, qui potentiellement ont deux visions différentes …
[...] Paumé, complètement largué par cet enchaînement de preuves, cadavres et autres informations n’ayant ni queue ni tête. Il ne parvenait pas à analyser quoi que ce soit.
Il y a pas mal d’inconnu(e)s dans cette équation, trop sans aucun doute !

Pour celles et ceux qui aiment les surprises.
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jeudi 19 mars 2020

Le couteau (Jo Nesbo)

[...] Détective givré ?

Allez, rien de tel pour passer ces temps confinés, qu’un excellent Jo Nesbo : Le couteau, histoire de se faire peur avec autre chose.
D’autant que Jo et son héros Harry sont ici en pleine forme.
Nous voici à peine au premier tiers du bouquin que les meurtres et les crimes ont été commis, que le suspect (une vieille connaissance de Harry) a été attrapé et qu’il a même avoué ses forfaits !
Bien sûr, on connait Jo Nesbø et l’on sait bien que les 600 pages de ce gros pavé recèlent bien d’autres surprises : c’est presque plusieurs polars en un ! on a en a pour son argent !

Depuis quelques temps Harry Hole n’est plus vraiment un flic border line : il est franchement passé de l’autre côté de la ligne jaune et c’est pas avec cet épisode (où il est pourtant suspendu de ses fonctions !) que ça va s’arranger.
Harry est décidément le flic le plus imbibé de substances diverses de toute la littérature, le flic de tous les excès.
[...] Kaja le dévisagea. « Tu déconnes ?
— Non. Il apparaît qu'il n'y a aucune limite morale à ce que je suis prêt à faire pour prendre Svein Finne.
— Je ne l'aurais pas formulé autrement.
[...] Vous êtes ici en tant que détective privé. Ou devrais-je dire détective givré ?


Pour celles et ceux qui aiment Harry Hole.
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samedi 14 mars 2020

City of Windows (Robert Pobi)

[...] La haine, ça fait faire du chemin.

En ces temps confinés, les bons thrillers sont une valeur refuge et une saine alternative au binge-watching de séries tv.
City of Windows du canadien Robert Pobi fait partie de ces page-turner captivants, capables de vous prendre la tête plusieurs heures d’affilée.
L’intrigue est menée à vive allure, d’une écriture sèche à l’ironie mordante : un sniper d’élite se met à faire des cartons longue distance sur les flics de New-York.
Une balle, une tête. À 900 mètres de là.
[...] Rien n’est pire que de pourchasser un homme armé d’un fusil dans une ville pleine de fenêtres.
[...] Que comptez-vous faire ? » demanda Whitaker. Lucas leva les yeux sur le phare en haut de la colline. « Ne vous inquiétez pas, j’ai un plan », mentit-il. 
❤️ Mais ce sont les personnages chargés de l’enquête qui vont vraiment emporter le lecteur : à commencer par le héros Lucas, prof d’astrophysique (tendance Asperger, à cinq ans il décodait le mouvement des étoiles avec une vieille paire de jumelles et une carte d’astrologie, pas d’astronomie) capable de décoder l’agencement mathématique du monde et donc aujourd’hui de calculer où était posté le sniper à plusieurs centaines de mètres de là.
[...] La réponse était là quelque part. Puis il comprit. C’était sous son nez. Comme tout le reste, il ne s’agissait pas de ce qui était là. Il s’agissait de ce qui n’y était pas.
[...] Vous avez faim ? » demanda Whitaker. Lucas garda le silence, les yeux rivés sur la table. « Voyez-vous, nous autres humains avons besoin de nourriture. Vos chefs extraterrestres n’ont pas eu le temps de vous apprendre ça avant de vous envoyer ? » 
Je ne suis pas sûr que ‘les Aspies’ soient très heureux de se voir utiliser à toutes les sauces médiatiques depuis celle du fameux Homard mais il faut bien reconnaître que la caricature de leurs super talents extraterrestres et de leur asociabilité sauvage fait d’eux de très très bons personnages de romans.
Au-delà des ses personnages, l’autre intérêt de ce bouquin c’est la fenêtre qu’il ouvre à notre regard sur les États-Unis, un regard cynique et désabusé sur les suprémacistes blancs adeptes des armes à feu (l’air est connu mais la mise en perspectives par Pobi plutôt vivifiante) :
[...] Puis le coup de feu retentit. Les cris s’élevèrent. Les hommes du Klan se mirent à cavaler en tous sens comme si c’était jour de soldes sur les grands draps blancs.
[...] L’ordinateur a accouché d’une liste d’actes criminels invraisemblable – vous n’imaginez pas le bordel que c’est, ce pays, quand on commence à se pencher sur les statistiques. Je m’étonne qu’on ne se soit pas encore tous fait trucider par nos voisins.
[...] Depuis le 11 septembre, moins de deux cents Américains ont été victimes de ce que l’on peut appeler le « terrorisme islamique » sur le sol des Etats-Unis. Moins. De. Cents, articula Lucas. L’extrémiste musulman de service ne pose pas de réelle menace, et je ne dis pas que ça ne peut pas changer en un clin d’œil, mais à l’heure qu’il est, tu as plus de chances de mourir dévoré par ton chat. La vraie menace, c’est ton voisin de palier chrétien. Ces cinglés tuent – quoi ?– douze, quinze mille Américains par an.
[...] – Pour ma part, je pense que les armes me protègent de celles qui sont entre les mains des autres.
– C’est toute la beauté de ce pays ; vous pouvez croire ce que vous voulez, même si les chiffres prouvent le contraire.

Pour celles et ceux qui n'aiment pas les armes à feu.
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jeudi 12 mars 2020

Coupable ? (Laurent Loison)

[...] Les mensonges, les faux témoignages, les faux rapports.

Un petit polar frenchy qui ne marquera peut-être pas la littérature ni même le genre, mais dont il serait Coupable de se priver (pour seulement quelques euros).
Laurent Loison a concocté en effet un curieux parcours où l’on navigue entre deux voire trois histoires (en région parisienne, en Arizona) sans lien aucun.
On passe de l’une à l’autre au fil des courts chapitres menés tambour battant avec détermination.
La cadence est donnée, c’est sec et nerveux, ça ne fait pas dans la dentelle, mais on n’a aucune idée de la suite et il faut se laisser mener par le bout du nez.
Ça sent l’exercice de style bien sûr, mais sans prétention littéraire et parfois pas si mal écrit que cela, un peu d’humour mais pas trop, la lecture est fluide et prenante.
Quelques pages sont plutôt réussies (l’histoire ‘parisienne’) tandis que d’autres (en Arizona) sonnent de manière beaucoup moins crédible quand certaines sont franchement capillotractées.
Mais il faut bien se plier aux règles du petit jeu littéraire proposé par l’auteur, lui seul sait où tout cela va nous mener, en enfer vraisemblablement, et l’on brûle à petit feu d’y arriver !
[...] Tout se mettait en travers de son chemin. Les mensonges, les faux témoignages, les faux rapports, que devrait-il encore affronter ? Comment échapper à ce rouleau compresseur lancé à ses trousses ? 
Le lecteur impatient dévore ce page-turner avide de découvrir les rouages secrets de cette mécanique infernale.
Le lecteur plus sagace devine bien ici ou là quelques fissures dans le dispositif d’où sortent quelques fumées sulfureuses.
Las, même le lecteur le plus attentif ne verra que bien trop tard arriver le twist final.
Il faut dire que même les personnages de l’intrigue vont s’y laisser prendre !

Pour celles et ceux qui aiment les mauvaises surprises.
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lundi 9 mars 2020

Donbass (Benoit Vitkine)

[...] Le quartier était rempli de ces veuves impassibles.

Le Donbass c’est le bassin minier à l’est de l’Ukraine, l’ancienne Ruhr soviétique (un mot-valise issu de Donetski kamennoougol’ny basseïn en russe).
Depuis 2014 et la révolution ukrainienne du Maïdan, c’est une zone de guerre civile et de conflit larvé entre les pro-occidentaux de Kiev et les pro-russes soutenus par Moscou (rappelez-vous le vol Malaysian abattu en juillet 2014, dont le procès s'ouvre justement aujourd'hui).
Même encore aujourd’hui alors qu’un processus de paix est soi-disant enclenché.
Une région sinistrée comme partout (Syrie, Palestine, ...) où les grandes puissances n’osent passer à l’offensive directe et installent un chaos soigneusement entretenu de part et d’autre d’une ligne de front mouvante et instable.
[...] Tant que le nombre de morts restait limité, personne n’était prêt à des concessions. Et les Occidentaux pouvaient oublier cette demi-guerre sur laquelle ils n’avaient aucune prise.
❤️ Le journaliste du Monde, Benoit Vitkine, y a réalisé quelques enquêtes qui lui ont valu le prix Albert-Londres et qui lui ont inspiré ce livre, un roman.
L’intrigue policière du bouquin est ténue : un cadavre d’enfant poignardé émeut la population et les autorités pourtant habituées à voir les cadavres pleuvoir comme les bombes. Mais le petit n’a pas six ans et sa mort n’a rien à voir avec la guerre.
Un vieux flic désabusé, vétéran d’Afghanistan, se charge d’une enquête lente et difficile.
Le prétexte pour Benoit Vitkine de nous intéresser à la vie quotidienne des oubliés de ce conflit : les milliers de civils qui vivent de part et d’autre de la ligne de front, dans le dénuement le plus complet et qui rentrent la tête dans les épaules chaque jour quand tonnent les canons et les mortiers.
[...] Tout le monde continuait à parler de « cessez-le-feu fragile », passant par pertes et profits le million de personnes qui, selon les décomptes officiels, habitaient à moins de cinq kilomètres de part et d’autre de la ligne de front. 
En bon journaliste ‘objectif’, Vitkine se garde bien de prendre parti pour l’un ou l’autre des deux camps : d’ailleurs familles et proches gardent le contact par delà le no man’s land qui traverse la région.
En bon écrivain, Vitkine se garde également de nous asséner un pensum historico-politique sur les origines du conflit ou les avancées de telle ou telle armée.

Le contexte géopolitique est esquissé par petites touches, la prose est fluide et agréable, et on tient donc là un excellent roman, noir comme le charbon du Donbass, où l’auteur tente de nous faire partager quelques tranches de ces vies broyées par ce conflit auquel nous évitons de penser.
[...] Ici, les gens sont vivants. La guerre les a mis à nu, on voit tout de suite ceux qui sont bons et ceux qui sont mauvais. Et ceux qui sont bons me donnent une furieuse envie de rester. 
Une fois le livre refermé, on oubliera sans doute trop vite ce conflit méconnu mais on gardera certainement en mémoire les babouchka de Vitkine.
[...] Elles étaient des survivantes. Le quartier était rempli de ces veuves impassibles. Le pays pouvait bien s’étriper, elles continueraient à fabriquer des confitures et à mariner des champignons. 
À noter : ce sont les mineurs du Donbass qui ont été appelés à la rescousse en 1986 lors de la catastrophe de Chernobyl (c’est presque à côté) et Vitkine place en exergue de son livre une magnifique citation de la série de HBO :
– Vous avez déjà rencontré des mineurs ?
 – Non.
 – Je vous conseille de dire la vérité. Ces hommes travaillent dans le noir, ils voient tout.

Pour celles et ceux qui aiment l'Histoire contemporaine.
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