Un roman social de Mankell.
On connaissait Henning Mankell pour ses fameux polars (et notamment Le retour du professeur de danse qui vient de sortir en poche) mais voici avec Tea-Bag l'occasion de découvrir une autre facette des nombreux talents de ce suédois (il écrit aussi des pièces de théâtre : Les Antilopes étaient jouées en 2006 à Paris).Tea-bag est un roman étrange à deux facettes, une sorte de conte social qui dépeint d'un côté, la vie vaine et privilégiée d'un poète hypocondriaque en panne d'inspiration, écartelé entre une mère possessive, une maitresse possessive, un éditeur possessif, ... bref, un écrivain en panne à qui sa propre vie semble échapper ...
[...] - Si tu refuses d'avoir des enfants, je dois me demander s'il ne me faudrait pas un autre homme.
- Moi aussi, je veux des enfants. La seule question est de savoir si c'est le bon moment.
- Pour moi, oui.
- Je suis en train de modifier mon image en tant qu'auteur. Je ne suis pas certain que ce soit conciliable avec le fait d'avoir des enfants.Clin d'oeil : son éditeur veut absolument le forcer à écrire ... un polar.
... et de l'autre côté de ce miroir social, 3 jeunes filles immigrées dans une banlieue suédoise : une black (c'est Tea-bag), une fille des pays de l'est et une autre venue du moyen-orient. Bref, un concentré de la société multi-culturelle suédoise.
Mankell s'étend longuement sur les traumatismes de ces douloureuses fuites qui ont fini par conduire ces jeunes filles jusque dans la banlieue de Göteborg (toute ressemblance avec d'autres grandes villes européennes étant, bien sûr, purement fortuite).
[...] Dans le camp, il y avait un trafic de passeports, qui avaient parfois été falsifiés plusieurs fois de suite. Un vieux Soudanais, sentant approcher le vent froid de la mort et comprenant qu'il ne ressortirait pas vivant de ce camp espagnol, m'a échangé ce passeport contre la promesse qu'une fois par mois, aussi logntemps que je vivrais, j'entrerais dans une église, ou une mosquée, ou un autre temple, et je penserais à lui pendant une minute exactement. Voilà ce qu'il voulait, en échange du passeport, un rappel qu'il avait existé autrefois, même s'il avait tout laissé, tout abandonné dans le pays qu'il avait fui.De la rencontre incongrue entre ces personnages, Mankell construit une étrange fable où son héros écrivain finit par gratter son vernis social pour aller à la découverte de ces 3 jeunes femmes et de leurs histoires, dont il fera très certainement un ... roman !
Allie la bibliothécaire québécoise en parle ici.