[...] Tout commença par un baiser.
Voilà bien longtemps longtemps qu’on n’avait rien lu de
Roger Jon Ellory : on a sauté plusieurs épisodes depuis le fameux
Silence lu en 2010.
Ah oui, il y avait eu
Les neuf cercles en 2015, autre grand moment.
[...] Tout commença – comme c’est souvent le cas dans ce domaine – par un baiser.
C’est dire tout le plaisir que l’on a à découvrir les premières notes du
Chant de l’assassin, d’autant que l’on sent très vite qu’il s’agit là d’un autre grand roman de cet auteur. Un autre grand roman tout court.
Le plaisir de retrouver une belle plume, forte et généreuse, plus assurée encore au fil des années, de ces plumes qui savent nous raconter une belle histoire.
L’étonnant Roger Jon Ellory, natif de Birmingham, West Midlands of England, écrit le Texas et les états du Sud comme seuls les plus grands américains savent le faire.
Au fil des années sa prose s’est encore affirmée et il n’a besoin que de quelques mots pour planter un décor ou faire apparaître un personnage.
[...] Un café, bien entretenu mais totalement démodé, avec sa rangée de tabourets de bar et son long comptoir incurvé visibles de la rue. Jusqu’à la tenue du serveur qui n’aurait pas déparé l’endroit cinquante ans plus tôt.
[...] Même si Stella n’avait pas encore soixante-dix ans, la cigarette et l’alcool s’étaient chargés d’en ajouter une bonne dizaine à son visage et à sa voix. Quand elle parlait, ses mots ressemblaient à des morceaux de charbon flottant dans un baril de goudron.
Et nous voici plongés au cœur des états du Sud.
[...] Si certains cherchaient à faire entrer Calvary, Texas, de plain-pied dans les années 1970, ils ne se tuaient pas à la tâche. Se précipiter tête la première vers le XXe siècle constituait peut-être une priorité pour les métropoles, mais ce siècle-ci convenait fort bien à des endroits comme Calvary.
Peut-être même que, tout bien réfléchi, c’est encore le siècle dernier qui aurait eu leur préférence s’ils avaient pu choisir.
Cette fois, en dépit du titre de la VF (
Mockingbird songs en VO), Ellory délaisse un peu le classique polar (
Seul le silence,
Les neufs cercles) ou le thriller politique (
Vendetta) pour un vrai roman noir, une tragédie où le destin implacable s’acharne sur quelques pauvres vies.
Un détenu sort de prison avec une lettre qu’il a promis de remettre à la fille de son ancien compagnon de cellule ...
[...] – Codétenu ?
– Ouais.
– Et il t’a envoyé perdre ton temps, parce que c’est ce que tu vas faire, à essayer de retrouver une fille qu’il a pas vue depuis plus de vingt ans et qui vit quelque part dans une famille dont il ignore le nom ?
– C’est exact.
– Et toi, t’as accepté ? demanda Riggs avec un sourire moqueur.
– Oui, j’ai accepté.
Les chapitres alternent entre deux drames qui se font écho : celui, fondateur, qui datent des années 50 et celui qui, vingt ans plus tard, est en train de se nouer sous nos yeux.
[...] – Fils, peu importe ce qui est arrivé dans le passé…
– Le passé importe bel et bien, p’pa. J’ai pas toujours pensé comme ça, mais je m’aperçois aujourd’hui que c’est vrai. C’est le passé qui détermine tout. C’est de là que nous venons tous, qu’il soit bon ou mauvais.
Deux belles histoires, deux grands classiques, racontés avec talent.
[...] – Vois-tu, je voudrais pas qu’on me signale du grabuge en ville. [...]
– Y a pas de danger, m’sieur. Je suis pas venu ici pour causer des histoires, avec personne.
– Heureux de l’entendre, mon gars.
Entre deux petites phrases comme ça on entend le murmure du destin implacable :
et ben si, va y’en avoir des histoires ... Bon, faut dire qu’on est un peu là pour ça !
On se glisse entre les pages de ce gros pavé confortable avec la certitude douillette du plaisir à venir comme dans de vieilles pantoufles ou dans un bon gros fauteuil.
[...] « Sacrée histoire », dit le père d’Evie. Commentaire succinct qui parut clore la discussion de manière adéquate et satisfaisante pour tous.
PS : On essaie d’oublier que mister Ellory semble être lui-même un drôle de personnage. Un auteur capable de magnifiques romans mais aussi coupable de viles actions : il est connu pour avoir falsifié des commentaires (élogieux à son endroit évidemment) sur des sites comme amazon, et il a également été repéré comme grand adepte de la scientologie [clic].
Quel grand écart entre l'homme et l'artiste !
Pour celles et ceux qui aiment les tragédies sudistes.
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