L'auteure, le livre (288 pages, avril 2024) :
Maria Malagardis est une journaliste qui a couvert l'Afrique pour plusieurs médias et notamment le conflit du Rwanda. Elle a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet.
Voici l'un d'eux, un roman : Avant la nuit.
Le contexte :
Evidemment, pas question de faire l'impasse sur le rappel du contexte de cette histoire.
Le Rwanda est le théâtre de conflits dits "ethniques" entre Tutsis et Hutus depuis des années, conflits attisés par les colons belges puis par le gouvernement français : pogroms meurtriers et exils forcés se succèdent depuis les années 50.
Le 6 avril 1994, l'avion du président rwandais est abattu en vol (un attentat jamais élucidé).
Dans le même temps, les troupes du FPR (Front patriotique Tutsi) marchent sur Kigali depuis l'Ouganda avec le soutien discret des britanniques tandis que la fameuse Radio des mille collines appelle au massacre des Tutsis. Dans leur grande sagesse, l'ONU, les belges et les français se désengagent.
On aime un peu :
• Le plus intéressant reste sans nul doute l'image de ces casques bleus perdus au cœur d'un conflit qui les dépasse. Leur hiérarchie s'est désengagée depuis longtemps et le commandement ne sait que faire des quelques contingents qui ont été envoyés là-bas, n'attendant qu'un prétexte pour les rapatrier.
Pendant ces pages tristement instructives, le lecteur partage le quotidien de ces expatriés, entre inertie bureaucratique et impuissance politique, complètement démunis face au rouleau compresseur de l'Histoire post-coloniale.
• Mais le grincheux trouvera sans doute le récit un peu brouillon, avec une intrigue peu consistante qui ne sait pas trop sur quels personnages se fixer.
Un peu comme si la journaliste avait trop longtemps hésité entre reportage factuel et romance littéraire.
Mais on pourra aussi se dire que c'est pour mieux retranscrire l'ambiance confuse qui régnait au Rwanda à la veille du massacre.
[...] Sur le papier, le pays où il avait atterri venait de mettre un terme à trois ans de guerre. Les Casques bleus devaient assurer l’application des accords de paix et accompagner une nouvelle ère consacrant le partage du pouvoir. Avec l’opposition et les forces rebelles, qui campaient au nord du pays.[...] Malgré les alertes, l’inertie restait de mise. Après tout, des accords de paix, arrachés au régime en place, n’avaient-ils pas récemment été signés ?[...] C’était un monstrueux bain de sang qui se préparait, en marge des négociations pour les accords de paix. Il ne visait pas uniquement les rebelles, mais aussi leurs supposés « complices », et tous ceux qui appartenaient à l’ethnie minoritaire.[...] Les Français se cachaient derrière cet homme. Ils jouaient un rôle trouble dans cette période tendue. Le commandant de la force de l’ONU avait lui-même dénoncé ouvertement leur collusion avec l’armée locale.
Le pitch :
Maria Malagardis a choisi de nous immerger au Rwanda quelques jours avant que le massacre soit déclenché.
Voici donc la chronique d'un génocide annoncé.
Elle nous invite à suivre les errements de quelques personnages perdus à l'approche de la tempête : des journalistes et leurs "fixeurs", quelques africains de telle et telle ethnie, et (le plus intéressant) quelques casques bleus.
Tout commence avec la découverte de corps d'enfants massacrés ...
[...] Les enfants se trouvaient là, devant eux. Le regard fixe tourné vers le ciel tourmenté. Six petits corps éparpillés sur l’herbe, comme des jouets brisés. [...] Voilà deux jours qu’ils les recherchaient, cinq fillettes et un garçon.[...] Les enfants n’appartiennent pas à l’ethnie des rebelles. Et ça, tu l’as deviné, j’imagine . Qu’est-ce que tu crois ? La guerre a cessé, mais peut-être qu’elle continue en réalité.