dimanche 29 septembre 2019

Dégels (Julia Philips)

[...] Le Kamtchatka n’était plus un lieu où élever des enfants.

Voilà bien un roman inclassable que ce Dégels de l’américaine Julia Phillips.
Et pis d’abord c’est quoi ? Un polar ? Un recueil de nouvelles ?
Un peu de tout cela mais rien de tout cela.
Faut dire qu’on a pas trop de repères bibliographiques : il s’agit de son premier roman.
Ni trop de repères géographiques : ça se passe au Kamtchatka dont on ne connait à peu près rien, même si ça nous rappelle vaguement l’une des contrées du jeu Risk, là-haut dans le coin à droite.
Mais que diable cette américaine est allée faire là-bas ?
Hmm, elle a gagné une bourse (une bourse Fullbright) pour aller écrire au Kamtchatka (elle est passionnée de Russie).
Julia Phillips nous emmène donc dans cette lointaine contrée aux neiges éternelles, une presqu’île qui ressemble plutôt à une île perdue en pleine mer d’Okhotsk : on y accède en bateau ou en avion mais aucune route, ni même piste, ne la relie au continent.
[...] Tout le monde fait comme si le Kamtchatka était une île.
Une région longtemps fermée : c’était l’un des ports d’attache des sous-marins soviétiques.
Un pays où tentent de cohabiter les indigènes et les colons russes.
De la toundra et des volcans où l’on rencontre plus d’ours que d’humains.
Où l’on croise ces minorités ethniques qui forment le peuple du renne : Évènes, Tchouktches, Koriaks, ...
Dépaysement garanti pour un roman choral comme on dit, un roman très féminin aussi, où l’on va croiser quelques femmes aux origines et parcours différents mais qui partagent les mêmes difficultés de vivre dans ce pas si beau pays qu’est le Kamtchatka.
[...] Un foyer solide, un village idyllique, un peuple de principes, une culture évène vivante, une nation socialiste aux accomplissements remarquables. Cette nation s’était effondrée. Il ne restait rien à la place qu’elle avait occupée.
[...] Ça n’aurait jamais pu se produire à l’époque soviétique », avait-elle déclaré. Diana mangeait lentement sa soupe. « Vous ne pouvez pas imaginer à quel point on était en sécurité, les filles. Pas d’étrangers. Pas d’inconnus. Ouvrir la péninsule a été la plus grave erreur que les autorités aient jamais commise. » Elle avait reposé la télécommande. « Maintenant, nous sommes envahis par les touristes, les migrants. Les indigènes. Ces criminels. » 
Pour capter l’attention du lecteur, un fil rouge très ténu : deux jeunes filles, deux sœurs ont disparu.
Les différentes histoires ont toutes un lien tantôt étroit, tantôt lointain avec ces deux enfants et leur disparition.
[...] Je le sais, qu’elle s’est enfuie. La vie dans un village, ce n’est pas ce dont rêvent la plupart des filles de dix-huit ans. Lilia avait tellement de raisons de s’en aller.
Ce fil conducteur parait fragile et on reste bien loin du thriller : la lecture un peu contemplative de ces tranches de vie de femmes n’est guère facile mais c’est aussi ce qui fait le charme du bouquin.

Pour celles et ceux qui aiment les contrées lointaines.
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dimanche 15 septembre 2019

Les morts de Bear Creek (Keith McCafferty)

[...] se demandant sur les os de qui elle était assise.

Nous voici de retour dans le Montana, le Big Skye State (l’envie d’y aller pour de vrai commence à monter sérieusement !) : prenons la canne, enfilons les waders, et repartons pêcher à la mouche aux côtés de Keith McCafferty, de son pseudo détective Sean Stranahan et du [...] Club des menteurs et monteurs de mouches de la Madison.
Après les Meurtres sur la Madison, ce second épisode nous emmène le long de Bear Creek et McCafferty réussit une fois de plus à nous intéresser à ces fameuses mouches avec même un petit résumé de l’Histoire de cette pêche, depuis une religieuse du XV° siècle [clic] !
[...] Sur une rivière, les pensées ne s’empilaient pas les unes sur les autres comme elles ont tendance à le faire sur terre. 
Mais comme si l’auteur cherchait à se renouveler , il nous entraîne ensuite dans les hauteurs pour une drôle de partie de chasse, à la mode du comte Zaroff.
[...] C’étaient des hommes âgés et malades dont la santé n’allait pas s’améliorer, il est donc possible qu’ils aient délibérément cherché une porte de sortie. Il n’est pas exclu qu’ils soient morts dans une sorte de jeu. 
Cette intrigue est beaucoup moins convaincante, et contre toute attente, on préférait les histoires de moulinets et de plumes aux couplets sur les carabines à gros gibier.
Reste la galerie de personnages toujours attachants (avec une nouvelle venue) et une belle écriture digressive où McCafferty, sacré conteur, place toutes sortes de petites histoires.
Il faudra attendre une prochaine traduction (il y a déjà 7 ou 8 huit romans, celui-ci est le second en VF) pour savoir définitivement s’il faut suivre McCafferty tout au long des rivières du Montana.

Pour celles et ceux qui aiment la pêche à la mouche et les carabines à gros gibier.
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dimanche 8 septembre 2019

La pension de la Via Saffi (Valerio Varesi)


[...] Ne jamais revenir là où l’on avait été heureux.

Valerio Varesi n’est pas un inconnu : on avait déjà découvert [clic] le commissaire Soneri dans les brumes du Pô entre Crémone et Mantoue pour un polar où venait se mêler l’Histoire passée.
Revoici le flic taiseux dans le brouillard hivernal de Parme, à quelques pas de la Pension de la via Saffi dont on retrouve la logeuse assassinée.
Le conte de Noël commence mal.
[...] Ça a l’air d’une mort naturelle », conclut Nanetti après son examen préliminaire pendant que les agents s’affairaient tout autour et que l’un d’entre eux prenait des photographies.
Soneri le fixa en mâchouillant son cigare éteint. « Ça a l’air, mais ça ne l’est pas. » 
Et l’Histoire sera de nouveau conviée : celle de l’Italie est faite de luttes entre les milices des fascistes et celles des rouges comme ces Arditi del Popolo.
[...] Ce monde trouble d’affairistes composé d’anciens révolutionnaires convertis à l’argent, d’arrivistes, de maîtres-chanteurs et de toute une faune provinciale grisée par la richesse. 
Si l’Histoire récente italienne est pour le moins agitée, c’est loin d’être le cas du commissaire Soneri qui erre dans les rues de Parme en grignotant des copeaux de fromage : hanté par ses fantômes, il finira bien par croiser la solution de l’énigme sur son chemin, au gré de ses rencontres.
[...] Plutôt que d’action, ses enquêtes étaient faites d’attente.
[...] Dans une enquête, tout était question de rythme et de temps. Et l’enquête qu’il était en train de vivre était marquée de pauses et de soubresauts, comme dans un tango. 
Loin des thrillers ou des page-turners, le héros de Varesi, proche cousin de Brunetti, se rapproche peu à peu d’un Adamsberg (en moins fantaisiste) ou d’un Erlendur (en plus chaleureux).
Et n’oubliez pas que [...] c’étaient bien les femmes qui commandaient dans cette histoire. 
Une histoire empreinte d’une nostalgie désabusée car il ne faut [...] jamais revenir là où l'on avait été heureux.

Pour celles et ceux qui aiment marcher dans les rues de Parme.
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