[...] Tous les hôpitaux de la ville étaient pleins.
C'est en 2005 (notez bien) que l'écossais Peter May écrit son bouquin, un polar sur fond d'épidémie de grippe à Londres. Aucun éditeur n'en veut, nul n'est prophète en son pays !
Quinze ans plus tard, nous voici confinés en mars 2020 et Peter May ressort son tapuscrit qui sommeillait au fond d'un tiroir : cette fois le succès est assuré !
Le plus amusant c'est que l'auteur ne visait pas du tout un techno-thriller à la mode Clancy : c'est un polar qu'il a écrit et la pandémie de grippe ne se voulait qu'un décor original pour une enquête policière.
Aujourd'hui, le lecteur ne sait plus trop quelle lecture en faire : faut-il se laisser porter par un roman policier dont Peter May est coutumier, ou faut-il scruter toutes les ressemblances entre la pandémie de H5N1 imaginée par l'auteur en 2005 et notre Covid des années 2020 ?
Il faut dire que l'auteur s'était rudement bien documenté : test PCR, confinement, masques, distanciation, patrouilles de police, attestations, livraisons à domicile, incinérations en masse, labos et vaccins, hôpitaux provisoires, couvre-feu, bars clandestins, tout y est ou presque, c'est vraiment étonnant.
[...] Maintenant qu'il faisait jour, il y avait un peu plus de véhicules qui circulaient, munis de l'habilitation requise pour se déplacer dans les zones désignées de la ville.
[...] Personne ne croyait plus les chiffres. Il n'existait aucun moyen de les vérifier. De toute façon, même à leur niveau le plus optimiste, ceux qu'annonçaient le gouvernement étaient à peine imaginables.
[...] Tous les hôpitaux de la ville étaient pleins. [...] La maladie avait réduit le personnel d'environ trente pour cent. [...] Personne n'allait plus travailler. Seules de rares boutiques ouvraient quelques heures par jour.
[...] D'ici quelques minutes, dans toute la ville, débuterait le couvre-feu. Le signal qu'il fallait s'enfermer chez soi jusqu'au matin.
L'épidémie imaginée par Peter May est une grippe aviaire et elle est donc beaucoup plus contagieuse et mortelle que notre petit Cov-19 : elle laisse peu de chance aux populations, tout comme la grippe dite espagnole de 1918, et la situation décrite dans le bouquin est donc beaucoup plus dramatique que celle que nous connaissons aujourd'hui.
Cette lecture est l'occasion d'au moins deux réflexions :
- si Peter May a été capable de collecter toute cette documentation pour son roman d'anticipation, que penser de nos sociétés incapables de se préparer à ce genre de situation ?
- paradoxalement, Peter May "confine" son épidémie à Londres et épargne le reste du monde à peine évoqué : visiblement il a loupé la mondialisation (qui ne l'intéressait sans doute pas pour son intrigue londonienne).
Côté intrigue policière, on sait que Peter May ne figure pas parmi nos auteurs préférés et ses polars chinois ou écossais [
clic] ne nous avaient pas laissé un souvenir impérissable : ce n'est pas cette enquête qui va changer la donne avec une écriture pro mais basique et une intrigue qui sort du même labo, plutôt prévisible au point que l'on finit par lire rapidement les derniers chapitres en diagonale. Cette lecture ne vaut donc que pour la surprenante et désormais fameuse anticipation virale écrite en 2005.
Pour celles et ceux qui aiment les virus.
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