mardi 29 juin 2021

Un après-midi d'automne (Mirjam Kristensen)

[...] Je vis en permanence dans l'attente.

Une auteure norvégienne, Mirjam Kristensen, une histoire qui prend place à New-York dans les salles du MET, celle d'une jeune femme ordinaire dont le conjoint disparait subitement sans explications : tout cela avait l'air bien prometteur ...
Rakel laisse donc son époux devant une toile de Georges De La Tour, le temps d'une escale technique aux toilettes.
Lorsque Rakel revient, Hans Olav a disparu sans laisser de traces ni d'explications ...
Rakel attend, Rakel tourne en rond, Rakel ne sait pas trop quoi faire, ...
Elle rejoint de vagues connaissances de sa mère qui ne sauront guère l'aider et les jours passent, puis les semaines.
[...] Je vais me coucher dans ce lit où je dormirai jusqu'à demain matin, et demain soir je me recoucherai dans ce lit, et ainsi de suite. Tout cela est bien réel. C'est vraiment ce qui m'arrive.
[...] Qu'est-ce qui t'arrive ? me dis-je, les bras serrés autour du corps. Je ne suis ni gaie ni triste, je vis en permanence dans l'attente.
Certes on comprend bien ces instants suspendus, cette vie interrompue, cet entre-deux qui s'installe, mais on a vraiment beaucoup de mal à s'intéresser aux affres qui tourmentent gentiment l'amie Rakel et l'on finit par parcourir tout cela un peu en diagonale. 
Mauvaise pioche, dommage.

Pour celles et ceux qui aiment l'introspection.
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lundi 28 juin 2021

Les mains vides (Valerio Varesi)

[...] Vous aviez l’air d’un curé ou d’un communiste.

Chaque région d'Italie a son flic attitré et sa série de polars.
Dans la belle ville de Parme, c'est Valerio Varesi qui met en scène le commissaire Soneri au fil des épisodes [clic].
Les revoici avec une nouvelle intrigue : Les mains vides.
Un titre à prendre au second degré puisque l'intrigue évoque plutôt les mains bien remplies de ceux qui s'en mettent plein les poches : il sera question de beaucoup de fric, celui des mafias qu'il faut lessiver et blanchir, celui des spéculations immobilières sans foi ni loi.
On est toujours content de pouvoir compter sur des valeurs sûres, retrouver de bons amis transalpins comme ces deux-là, Varesi et son commissaire fétiche, avec qui on sait que l'on peut voyager sans crainte.
Cette fois, l'intrigue peine un peu à se mettre en place : le commissaire Soneri ne sait trop s'il doit s'occuper du vol de l'accordéon du pauvre bougre qui anime habituellement la place ou s'il doit s'intéresser au décès d'un commerçant battu à mort (un avertissement, un appel de fonds, qui aurait mal tourné peut-être ?).
Malgré la canicule, comme à son habitude Soneri flâne dans les rues de Parme, des errances sans but qui lui permettent de s'imprégner de sa ville, c'est sa façon à lui d'enquêter si l'on peut dire. La vérité finira bien par lui apparaître au détour d'une vieille maison.
[...] Il n'avait jamais aimé l'été en ville, quand les rues puent la pisse et que des odeurs âcres de transpiration flottent dans les autobus. [...] Heureusement le 15 août approchait et la ville se viderait en laissant derrière elle les vieux et les fauchés. Il se consola en songeant aux rues désertes, à la beauté de la ville enfin silencieuse et aux dîners dans quelque auberge à l'ombre des tonnelles : sa petite villégiature personnelle.
[...] La perspective des complications se renforçait dans son esprit. Il le savait d’expérience : si l’on n’apercevait aucune lueur les premiers temps d’évaluations, l’enquête s’annonçait mauvaise.
Mais les temps changent et Soneri semble bien dépassé par les bandits modernes, les nouvelles mafias de l'est, les nouvelles spéculations immobilières, les nouveaux trafics.
C'est une nostalgie amère et désabusée qui parcourt le bouquin dont l'ambiance est un peu plombée par l'auto apitoiement d'un commissaire dépassé par son époque.
[...] – Un conseil, reprit sérieusement Gerlanda, ne jouez pas les Don Quichotte. Que vous le vouliez ou non, vous faites partie de la police et la police a toujours été du côté des puissants. Depuis quand la police change le monde ?
Finalement les mains vides seront celles de Soneri et c'est un étrange final au goût bien amer qui l'attend dans les derniers chapitres. 

Pour celles et ceux qui aiment le parmesan bien sûr.
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BD : Shi

[...] Le soleil ne se lève jamais deux fois sur le même chagrin.

Belle série (4 épisodes sortis pour une première saison) que ce Shi avec l'espagnol Josep Homs aux pinceaux et le belge Zidrou (alias Benoit Drousie, le père de Ducobu) au scénario.
Tous deux nous content une belle histoire qui mêle habilement un Londres à l'époque victorienne, une histoire contemporaine de marchands d'armes, un peu de japonaiserie et un soupçon de fantastique oriental, bref un cocktail idéal pour le dessinateur !
Tout cela sur l'air connu d'hommes qui n'aimaient pas les femmes, mais à l'heure d'aujourd'hui on sait désormais que ces dames ne se laissent plus faire et c'est leur vengeance qui est au cœur de l'intrigue.
Le dessin reste classique et sans grande originalité mais bien présent pour accompagner ce scénario très réussi avec un texte soigné et bourré de références.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires.
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lundi 21 juin 2021

Solak (Caroline Hinault)

[...] Du vivant, mais pas pour longtemps.

    L'auteure, le livre (128 pages, 2021) :

Petit coup de cœur surpris pour Solak, ce premier roman de l'étonnante bretonne Caroline Hinault avec un titre qui claque comme un coup de fusil.
Certes elle est quand même prof agrégée de lettres mais à première vue, on ne la soupçonnerait pas d'être à l'origine de cette histoire étonnamment virile et féroce.

    On aime :

❤️ La prose de dame Hinault qui est au diapason de cette histoire féroce et virile. C'est fort, puissant, presque lyrique parfois, mais c'est vraiment très prenant, et le moins que l'on puisse dire c'est que la gente masculine ne sort pas grandie de cette terrible et sombre histoire.

      Le contexte :

Une minuscule base militaire et scientifique près du pôle nord.

      L'intrigue :

Nous voici donc hélitreuillés au-delà du cercle polaire, au bord de l'océan arctique.
Ils ne sont que quatre à se partager les baraquements : confinés aux confins du monde, ils se considèrent à part des "terriens" comme ils nous appellent.
[...] On commençait à être beaucoup trop sur cette île. Si je suis resté sur Solak, c’est pas pour tailler la discussion mais supporter ma haine des vivants.
Les soldats sont chargés de veiller sur le drapeau (dont ne saura pas la couleur, même si on l'imagine plus ou moins blanc, bleu, rouge) et de veiller sur le séjour des scientifiques qui guettent le réchauffement climatique.
C'est un peu comme une prison à ciel grand ouvert, perdue dans l'immensité blanche de la banquise.
Dès les premières pages s'allument tous les warnings : l'un des quatre, Igor, repart dans l'hélico mais ... dans une boîte (il s'est fait sauter le caisson un peu avant qu'on arrive) et un petit nouveau débarque pour le remplacer.
Le petit jeune fraîchement hélitreuillé est ... muet (!) et son intégration au sein de cette équipe d'ours mal léchés prisonniers des confins du monde s'annonce pas facile. Faut être franchement barge et misanthrope pour aller se perdre des mois voire des années au bord de la banquise, dans le froid polaire et la nuit sans fin. Chacun traîne sans aucun doute un trop lourd passé qu'il convient d'oublier à Solak.
[...] Ce que je voulais, c’était m’anesthésier, et la banquise pour ça, c’est l’idéal.
[...] Il s’est mis à causer tout seul. On le fait tous. Mais Igor parlait seul avec nous, c’était ça le problème, c’est par le langage, toujours, que ça commence.
[...] L’instant où on comprend ça. Que rien ni personne viendra nous sauver. Qu’on est seul ici. Rien qu’une carcasse chaude sur un continent froid. Du vivant, mais pas pour longtemps.
[...] Des fois, je nous regarde et je pense qu’on est comme le bon, la brute et le vieux schnock, le gosse compte pas, c’est un intrus depuis le début.
C'est le monologue de Piotr, l'un des quatre confinés (des années qu'il est là-bas, un peu comme s'il avait pris perpète en taule) et qui s'adresse tantôt à l'un de ses collègues (rarement), tantôt à la jeune recrue (pas souvent) ou bien qui se parle carrément tout seul (le plus souvent).
Avec son lot de surprises (même à Solak, le passé finit par vous rattraper ...), le final apocalyptique est à la démesure de cette immensité noire et glacée.
[...] Ça fanfaronne les hommes, c’est comme ça.
[...] À croire que les femmes sont nulles en dictature.

Pour celles et ceux qui aiment la nuit même quand elle dure six mois.
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samedi 19 juin 2021

Tout l'or des braves (Clifford Jackman)

[...] Tout homme peut bien aller au diable à sa manière.

Que diable sommes nous venus lire dans cette galère ?
Certainement quelques bonnes mais lointaines critiques lues ici ou là, franchement oubliées après quelques semaines d'attente à la bibliothèque !
Pour Tout l'or des braves, nous voilà donc embarqués en 1720 avec le canadien Clifford Jackman à bord du Saoirse sous les ordres du capitaine Kavanagh.
Sauf que Jimmy Kavanagh est un pirate, ancien compagnon de Barbe Noire, tout comme le ramassis de beachcombers qui forme son équipage !
[...] La perfidie du personnage ne connaissait pas de limites, mais on pouvait lui faire confiance pour gérer une situation de crise.
En mer des Caraïbes, les préparatifs s'éternisent (ils faut bien récupérer les fonds nécessaires pour financer l'opération, avitailler le navire et recruter l'équipage) et, ma foi, on se demande bien ce que l'on fait à bord ...
Mais le Saoirse prend la mer, enfin, et peu à peu on va se laisser prendre au jeu.
C'est parti pour un tour du monde ou presque en compagnie de ces forbans sans foi ni loi, ou plutôt obéissant seulement aux règles et au code d'honneur de leur confrérie, celle des fameux "frères de la côte".
Une aventure pleine de bruits et de fureur : la vie de ces flibustiers, marins et chercheurs d'or, n'était pas de tout repos mais plutôt faite de canonnades, batailles, tempêtes, bagarres, maladies, famines, abordages, ...
[...] Devereux amputait membre après membre,  les rassemblant dans des paniers pour qu'ils soient jetés dans la mer, où la frénésie des requins de récif ne tarda pas à rosir l'eau turquoise.
La vie à bord est rythmée par les soubresauts de la "politique" de ce microcosme viril : les frères de la côte veulent appliquer des règles démocratiques (élection des officiers par exemple) mais Clifford Jackman rythme les chapitres de son bouquin par toute la collection des démocraties, oligarchies, autocraties, et autres tyrannies. Toutes les formes de gouvernement social y passent et l'on se prend à lire cela, non pas comme un traité de philosophie politique, mais plutôt comme un véritable polar.
[...] La mutinerie. Combien de complots ce navire a-t-il déjà connus ?
Un bouquin un peu long et répétitif (près de 500 pages) mais finalement bien prenant et un roman d'aventures à contre-courant de nos lectures habituelles.

Pour celles et ceux qui aiment le pavillon noir.
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L'oubli que nous serons (Héctor Abad)

[...] La lettre adressée à une ombre.

La sortie du film de l'espagnol Fernando Trueba est l'occasion de découvrir ce bouquin de 2006 qui avait belle réputation et qui a surtout le mérite de nous faire voyager en ce pays méconnu qu'est la Colombie.
L'oubli que nous serons est comme une lettre du fils Héctor Abad à son père, médecin hygiéniste assassiné en 1987 à Medellìn.
[...] Ce livre même n’est rien d’autre que la lettre adressée à une ombre.
Une relation père-fils très forte avec un Abad junior seul garçon élevé au milieu d'un véritable gynécée : cinq sœurs (!), sa mère bien sûr, une nonne, des bonnes, des tantes, des grands-mères, ...
Un garçon écartelé entre sa mère enracinée dans son monde ultra catholique d'obédience franquiste (Opus Dei et compagnie, ils font même des processions dans leur maison).
[...] Croyante, très pratiquante, écoutant la messe chaque jour, et toujours avec Dieu et la Très Sainte Vierge aux lèvres.
Et son père à l'exact opposé, docteur et professeur d'université, agnostique, optimiste, le type même de l'humaniste éclairé.
[...] Il dut souffrir à maintes reprises les attaques des conservateurs, qui le tenaient pour un gauchiste nocif pour les étudiants, dangereux pour la société et trop libre-penseur au regard de la religion.
La prose d'Héctor Abad est d'une belle élégance, riche et soignée, et lorsqu'il nous décrit son enfance, ses longues phrases nous bercent d'une douce musique nostalgique. Avouons tout de même que cette première partie du bouquin est un peu longuette, impatients que nous sommes d'en savoir plus sur le bon docteur Abad.
Malheureusement l'auteur aura bien du mal à sortir de son auto apitoiement sur sa condition de fils éploré et d'écrivain inspiré. Même s'il est intéressant à plus d'un titre (la Colombie, le docteur assassiné, le film, ...), le bouquin est plombé par un style et un propos un peu lourds à digérer.
Le titre du bouquin (et du film) est tiré d'un poème de Jorge Luis Borges trouvé dans l'une des poches d'Héctor Abad Gómez lors de son assassinat.
Pour celles et ceux qui aiment les bons docteurs.
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jeudi 10 juin 2021

Quarantaine (Peter May)

[...] Tous les hôpitaux de la ville étaient pleins.

C'est en 2005 (notez bien) que l'écossais Peter May écrit son bouquin, un polar sur fond d'épidémie de grippe à Londres. Aucun éditeur n'en veut, nul n'est prophète en son pays !
Quinze ans plus tard, nous voici confinés en mars 2020 et Peter May ressort son tapuscrit qui sommeillait au fond d'un tiroir : cette fois le succès est assuré !
Le plus amusant c'est que l'auteur ne visait pas du tout un techno-thriller à la mode Clancy : c'est un polar qu'il a écrit et la pandémie de grippe ne se voulait qu'un décor original pour une enquête policière.
Aujourd'hui, le lecteur ne sait plus trop quelle lecture en faire : faut-il se laisser porter par un roman policier dont Peter May est coutumier, ou faut-il scruter toutes les ressemblances entre la pandémie de H5N1 imaginée par l'auteur en 2005 et notre Covid des années 2020 ?
Il faut dire que l'auteur s'était rudement bien documenté : test PCR, confinement, masques, distanciation, patrouilles de police, attestations, livraisons à domicile, incinérations en masse, labos et vaccins, hôpitaux provisoires, couvre-feu, bars clandestins, tout y est ou presque, c'est vraiment étonnant.
[...] Maintenant qu'il faisait jour, il y avait un peu plus de véhicules qui circulaient, munis de l'habilitation requise pour se déplacer dans les zones désignées de la ville.
[...] Personne ne croyait plus les chiffres. Il n'existait aucun moyen de les vérifier. De toute façon, même à leur niveau le plus optimiste, ceux qu'annonçaient le gouvernement étaient à peine imaginables.
[...] Tous les hôpitaux de la ville étaient pleins. [...] La maladie avait réduit le personnel d'environ trente pour cent. [...] Personne n'allait plus travailler. Seules de rares boutiques ouvraient quelques heures par jour. 
[...] D'ici quelques minutes, dans toute la ville, débuterait le couvre-feu. Le signal qu'il fallait s'enfermer chez soi jusqu'au matin.
L'épidémie imaginée par Peter May est une grippe aviaire et elle est donc beaucoup plus contagieuse et mortelle que notre petit Cov-19 : elle laisse peu de chance aux populations, tout comme la grippe dite espagnole de 1918, et la situation décrite dans le bouquin est donc beaucoup plus dramatique que celle que nous connaissons aujourd'hui.
Cette lecture est l'occasion d'au moins deux réflexions :
- si Peter May a été capable de collecter toute cette documentation pour son roman d'anticipation, que penser de nos sociétés incapables de se préparer à ce genre de situation ?
- paradoxalement, Peter May "confine" son épidémie à Londres et épargne le reste du monde à peine évoqué : visiblement il a loupé la mondialisation (qui ne l'intéressait sans doute pas pour son intrigue londonienne).
Côté intrigue policière, on sait que Peter May ne figure pas parmi nos auteurs préférés et ses polars chinois ou écossais [clic] ne nous avaient pas laissé un souvenir impérissable : ce n'est pas cette enquête qui va changer la donne avec une écriture pro mais basique et une intrigue qui sort du même labo, plutôt prévisible au point que l'on finit par lire rapidement les derniers chapitres en diagonale. Cette lecture ne vaut donc que pour la surprenante et désormais fameuse anticipation virale écrite en 2005.

Pour celles et ceux qui aiment les virus.
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Dragon bleu, tigre blanc (Qiu Xiaolong)

[...] Les fonctionnaires incorruptibles, une espèce rare.

Voilà bien longtemps (2011 !) que l'on avait quitté Qiu Xiaolong et son inspecteur Chen de Shangaï.
L'auteur est un dissident chinois exilé aux US depuis l'affaire de la place Tian'anmen : inutile de préciser que son regard est plutôt critique sur sa patrie natale (son père et lui-même enfant, ont pas mal souffert de la Révolution Culturelle de Mao).
Pour cet épisode, Dragon bleu, tigre blanc, Xiaolong s'inspire d'une affaire de corruption qui a défrayé la chronique chinoise en 2012 : Bo Xilai, personnalité politique de haut niveau, se retrouve brutalement déchu de ses fonctions après le meurtre d'un homme d'affaires britannique. Trahi par l'un de ses policiers, voici le trop charismatique Prince Rouge et son épouse (que l'on surnommait les Kennedy chinois) jugés et emprisonnés. Règlement de comptes dans les coulisses ou compromission de celui qui passait jusqu'ici pour un incorruptible ?
Le bouquin débute par une "promotion" de notre cher incorruptible inspecteur Chen Cao : il se retrouve propulsé Directeur d'une obscure commission aux pouvoirs inexistants. Cela ressemble fort à une mise à l'écart.
[...] Chen avait la réputation d’être un policier honnête et efficace et son licenciement aurait pu entraîner bien des spéculations.
[...] Sa mutation était peut-être liée à une des récentes affaires confiées à la brigade des affaires spéciales – spéciales signifiant politiquement délicates… Son rôle consistait à minimiser les dégâts. Mais il le prenait trop à cœur. D’où ses ennuis actuels.
[...] Tout est politique en Chine. Trop selon moi, d’ailleurs.
On retrouve avec plaisir Chen Cao et ses amis : le Vieux Pêcheur, son fils Yu le collègue joueur de go, Peiqin dans ses cuisines, la jolie Nuage Blanc, ... ainsi que la description des menus plaisirs de la vie à Shangaï (et ici à Suzhou également).
Chen Cao est désorienté par sa mise à l'écart mais le lecteur également : l'action peine à se mettre en place et l'on a l'impression que ce sont les amis de Chen qui mènent la danse plutôt que l'inspecteur lui-même qui tourne un peu en rond.
Perdu au cœur d'un labyrinthe de corruptions et de prévarications, l'inspecteur Chen finira par dénouer les fils qui nous mèneront à une étrange fin comme seule la philosophie chinoise peut les imaginer.

Pour celles et ceux qui aiment la Chine.
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lundi 7 juin 2021

À l'aveugle (Lance Hawvermale)

[...] Ce désert est plein de secrets.

Le texan Lance Hawvermale nous invite à parcourir le désert d'Atacama (entre Chili et Bolivie) en compagnie d'une drôle d'équipe : un futur docteur es-étoiles atteint de prosopagnosie (il ne différencie pas les visages), un écrivain de SF en panne d'inspiration, des jumeaux frère et sœur dont l'un est atteint du syndrome de Down (il est trisomique), et quelques chercheurs et scientifiques qui hantent le désert le plus haut, le plus aride et le plus pur du monde pour préparer une expédition sur Mars.
L'histoire de À l'aveugle commence avec la découverte d'un sac à dos contenant un cadavre découpé en morceaux, chose pour le moins étrange dans ce désert loin de tout ...
[...] On dit que ce désert est plein de secrets qui n'attendent que d'être exhumés.
Débute alors une drôle d'enquête, de curieuses investigations, des équipées en 4x4, des ennuis avec des des flics plus ou moins militaires, puis des militaires plus ou moins flics, bref une aventure à la façon de Alice détective au cœur de l'Atacama (Caroline Quine est d'ailleurs citée dans le bouquin).
Les fantômes qui hantent ce désert semblent sortir des heures sombres du Chili quand la DINA de Pinochet se livrait aux pires exactions : un décor bien sombre pour notre fine équipe que l'on suit agréablement comme de grands enfants que nous sommes restés.

Pour celles et ceux qui aiment les traversées du désert.
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dimanche 6 juin 2021

La chance vous sourit (Adam Johnson)

[...] « Tu as pensé quoi de cette nouvelle ? » m’a demandé mon mari.

Avec ce recueil de nouvelles, le moins que l'on puisse dire c'est que l'américain Adam Johnson n'a pas froid aux yeux et qu'il s'attaque à des sujets plutôt casse-gueule : un trafic de pédopornographie, un mari avec une femme paraplégique, un retraité de la Stasi, deux transfuges de Corée du nord, ...
Avec ce titre tout à fait mensonger, La chance vous sourit, c'est sombre, dérangeant et pas bien gai : mieux vaut être en bonne forme pour lire ce bouquin.
Adam Johnson a beau éviter les fausses notes sur les thèmes sensibles évoqués plus haut, et nous faire grâce d'une belle écriture, d'une ironie mordante et d'une dérision savoureuse, tout cela ne suffit pas vraiment à tenir à distance la noirceur du monde qu'il nous dépeint, notre monde d'aujourd'hui.
Une ou deux nouvelles valent le détour (les plus "romancées" et les moins "vraies", avec une distance qui les rend plus sympas à lire) : George Orwell était un de mes amis où l'on rencontre un ancien directeur de prison de la Stasi qui vit toujours à côté de son "lieu de travail" transformé en musée mémorial et surtout La chance vous sourit, la nouvelle qui donne son titre au recueil où l'on a le plaisir de découvrir deux transfuges nord-coréens arrivés à Séoul avec un parcours qui prend le contre-pied de tout ce qu'on pouvait attendre sur ce thème très à la mode.
Une nouvelle pleine de tendresse pour ses personnages, pleine de nostalgie touchante où les fuyards qui ont trouvé le "monde libre" regrettent encore leur pays natal ...
[...] La coupure de courant tous les soirs, cette façon dont une couverture de nuit s'étendait sur vous et la personne avec vous, permettant aux conversations intimes, retenues tout le jour, de se délier enfin.
Une sacré galerie de personnages.

Pour celles et ceux qui aiment le monde moderne.
D’autres avis sur Bibliosurf.