[...] C’était le KGB qui vous choisissait.
Mieux qu’une fiction de
John Le Carré,
L’espion et le traître de
Ben MacIntyre raconte l’histoire vraie de
Oleg Gordievsky, un agent du KGB qui alimenta l’Ouest d’infos cruciales pendant des années, le versant Est de Kim Philby en quelque sorte.
Cette quasi biographie est un gros pavé de 500 pages.
Les deux premières parties, longues et minutieuses, très documentées, décrivent par le menu la carrière de Oleg, ses premières années de kagébiste, ses doutes lors de l’invasion de la Tchécoslovaquie en 68, ses contacts avec le MI6 britannique, son ascension au sein du KGB, ...
[...] Le bureau 635 ne conservait que les dossiers en activité. Ils étaient stockés dans des cartons, trois par étagère, deux dossiers par carton ficelé et scellé à la pâte à modeler.
❤️ Comme pour nous récompenser de notre patience studieuse, la dernière partie flirte avec le thriller lorsque le nom de la taupe arrive aux grandes oreilles du KGB.
Oleg est rappelé à Moscou, les interrogatoires se succèdent, la pression monte, ...
Oleg dépérit, perd plusieurs kilos, mais résiste aux aveux dans l’attente d’une exfiltration.
Gordievsky n’a pas trahi le système soviétique pour de l’argent : il l’a fait par conviction politique pour apaiser les tensions est-ouest et pour amener son pays vers la démocratie.
Il est vrai que la quantité phénoménale d’informations classifiées qu’il a transmis au MI6 a très certainement infléchi le cours de l’Histoire. C’est la trame du bouquin de MacIntyre.
[...] Ce pilier du KGB n’était pas seulement un fidèle serviteur du Renseignement soviétique. C’était aussi un espion britannique. Recruté une douzaine d’années auparavant par le MI6, le contre-espionnage anglais, l’agent au nom de code NOCTON se révéla être un des agents secrets les plus précieux de l’histoire. L’immense somme d’informations qu’il procura à ses officiers traitants changea le cours de la Guerre froide.
On en retiendra deux épisodes peu connus :
1- En novembre 1983, quelque semaines seulement après que les russes aient abattu le vol coréen KAL 007, l’OTAN opère des grandes manœuvres particulièrement réalistes avec des simulations de frappes nucléaires. L’URSS est en pleine panique (le paranoïaque Andropov est aux commandes) et croit dur comme fer que ces manœuvres cachent le fait que les américains (le va-t-en guerre Reagan au pouvoir) vont réellement appuyer sur le bouton.
À titre préventif, ils sont à deux doigts, c’est le cas de le dire, de prendre les devants. La meilleure défense, c’est l’attaque. Oleg Gordievsky transpire et s’efforce de faire comprendre aux alliés de l’OTAN l’état d’esprit des soviétiques.
Selon certains, cette crise méconnue nous aurait amenés encore plus près de l’apocalypse que l’affaire des missiles de Cuba.
2- L’année suivante, un ‘jeune’ cadre soviétique se rend à Londres pour rencontrer Margaret Tatcher. Il s’appelle Mikhaïl Gorbatchov. Grâce aux infos fournies aux deux camps par Oleg Gordievsky, les entretiens entre les deux dirigeants furent de qualité et cette rencontre diplomatique fut un grand succès, propulsant Gorbatchov sur le devant de la scène internationale. Quelques temps après, il pourra prendre la tête du pays.
[...] On compte sur les doigts de la main les espions qui ont changé le monde : Oleg Gordievsky est du nombre. Il dévoila les rouages du KGB à un moment charnière de l’histoire, révéla non seulement ce que le Renseignement soviétique faisait ou ne faisait pas, mais ce que le Kremlin pensait et planifiait. Résultat ? Il transforma la façon dont l’Occident appréhendait l’URSS.
De l’espionnage et de l’Histoire, le cocktail (un
long drink !) est bien dosé .
Pour celles et ceux qui aiment les espions.
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