vendredi 31 décembre 2021

Inavouable (Zygmunt Miłoszewski)

[...] Y' a un truc qui cloche, dit-elle.

Le polonais au nom imprononçable, Zygmunt Miłoszewski, est de retour avec une nouvelle série, un peu plus thriller et un peu moins polar que celle que l'on avait découverte avec le procureur Teodore Szacki il y a déjà quelques années [clic].
Nous faisons donc connaissance avec le docteur Zofia Lorentz, docteur en histoire de l'art, spécialisée dans la récupération d'œuvres "égarées" qu'elle se charge de réintègrer au patrimoine national.
[...] Le docteur Lorentz était une personne querelleuse, intransigeante, dotée d’une intelligence pernicieuse et incapable de compromis.
Avec Inavouable, elle part en quête du célèbre portrait de jeune homme peint vers 1515 par Raphaël, tableau réputé pour être l'équivalent masculin de la Joconde.
Une (vraie) peinture conservée au musée de Cracovie jusqu'en 1939 avant l'arrivée des nazis, perdue depuis, mais sans doute pas pour tout le monde : toutes les hypothèses sont permises et l'auteur entend bien avancer la sienne !
Depuis ses débuts, Miloszewski n'a rien perdu de sa liberté de ton : ses propos iconoclastes et ses saillies mordantes font toujours mouche, n'épargnant personne et surtout pas ses propres compatriotes, même lorsqu'il s'attaque à des sujets sensibles comme ceux de la dernière guerre.
[...] C’était dommage qu’ils soient nés dans ce pays qui n’avait jamais eu de bol. Vraiment, on avait de la peine à croire qu’ils avaient vécu ici toutes ces années en compagnie des Juifs. Les deux peuples les plus malchanceux du monde côte à côte, comme dans une putain de réserve naturelle de perdants.
[...] Pour les marchands d’art d’Amsterdam et de Paris, ce fut la meilleure période de l’histoire. Quand les Américains ont chassé les Allemands, tout le monde les pleurait à grosses larmes.
— Vous plaisantez ?
— Pas le moins du monde.
Une fine équipe accompagne le docteur Lorentz dans sa quête : un espion qui cache ses talents de Tom Cruise derrière un look d'inspecteur des finances, une voleuse suédoise au sang chaud - sorte de Fantomas des galeries d'art, et l'ex du docteur Lorentz - un dandy marchand d'art ...
Leur mission s'apparente à celle des célèbres Monuments Men de Eisenhower et le récit de Miloszewski est monté comme un film hollywoodien : avec ce scénario Spielberg pourrait sans problème tourner Les aventuriers de la Peinture Perdue.
Bien entendu, la mission de "sécurisation" du tableau ne se déroulera absolument pas comme prévu car attention, une peinture peut en cacher une autre ...
[...] Tout le monde n’a pas à approuver notre mission, ni la manière dont nous allons l’exécuter.
[...] — Y' a un truc qui cloche, dit-elle.
Humour, suspense, histoire, aventures, le cocktail est plutôt réussi, le style de Miloszewski est toujours aussi décapant voire dérangeant, et l'on apprend plein de choses sur le marché de l'art et ses trafics (et pas seulement ceux des nazis).
Le bouquin est un peu long (quelques voyages en Europe rallonge inutilement la sauce) mais le final est aussi intéressant que surprenant.

Pour celles et ceux qui aiment les peintures.
D’autres avis sur Bibliosurf.

samedi 25 décembre 2021

BD : Sangoma

[...] Et surtout, on ne remue pas le passé.

Après Zulu Caryl Férey nous invite à nouveau en Afrique du Sud post-apartheid.
La nation construite dans la douleur peine encore à trouver ses couleurs "arc-en-ciel" pour sortir de l'antagonisme noir & blanc et pas sûr qu'un remède de Sangoma (un guérisseur, un sorcier) suffise à lui redonner des couleurs.
Férey et son dessinateur, Corentin Rouge, nous plongent au cœur des discussions sur la redistribution des terres accaparées.
Pendant les débats houleux au parlement, un meurtre est commis dans une exploitation vinicole.
C'est un flic blanc qui va mener l'enquête : Shane Shepperd traîne son look de Bob Morane entre les townships et une trop jolie maîtresse black.
Tout cela nous vaut de belles pages sur les vignobles du Cap ou ses townships.
[...] Personne ne veut faire un pas vers l'autre, comme si les positions s'étaient figées du temps de l'apartheid.
[...] C'est plus l'apartheid, mais on s'échine pareil pour gagner de moins en moins. La ferme est une exploitation, oui, et c'est nous qu'on exploite. La réforme agraire va changer les choses, je vous le promets !
[...] Le meurtre de cet ouvrier agricole est repris en boucle sur les réseaux sociaux pour raviver de vieux conflits.
Comme on pouvait s'en douter avec Férey, le texte est très explicatif mais l'album réussit à condenser dans ses quelques 150 pages, une intrigue complexe où tous les personnages sont reliés les uns aux autres : Bob Morane (!) aura bien du mal à démêler les mensonges, ceux d'aujourd'hui comme ceux du passé.

Pour celles et ceux qui aiment le monde en noir et blanc.
D’autres avis sur La Bédéthèque.

mercredi 22 décembre 2021

Les huit montagnes (Paolo Cognetti)

[...] Il n'y a rien de mieux que la montagne pour se souvenir.

On a voulu faire la connaissance de l'italien Paolo Cognetti et on a commencé avec Les huit montagnes.
L'auteur y retrace une amitié, depuis l'adolescence  jusqu'à l'âge adulte.
L'essentiel se passe en montagne, dans les Dolomites, au pied du Mont Rose.
Paolo Cognetti nous y parle de sa famille où chacun avait son altitude préférée : la mère aimait la forêt, lui préférait les alpages un peu plus haut et le père enfin était attiré par la pierraille et la glace des sommets.
Cela nous vaut de belles pages sur la montagne mais reste très autobiographique : ce n'est pas vraiment notre tasse de thé et on a eu du mal à se passionner pour les souvenirs du sieur Cognetti.
Dommage, car sa prose est celle d'une belle plume.
[...] J'avais appris à poser les questions des adultes, en demandant une chose pour en savoir une autre.
[...] Il n'y a rien de mieux que la montagne pour se souvenir.
[...] C'était ma mère qui nous donnait des nouvelles l'un de l'autre, habituée qu'elle était à vivre parmi des hommes qui ne se parlaient pas.
PS : La félicité du loup, sera plus réussie.

Pour celles et ceux qui aiment la montagne.
D’autres avis sur Bibliosurf.

vendredi 17 décembre 2021

Fenua (Patrick Deville)

[...] On voudrait toujours être ailleurs que là où on est.

Patrick Deville n'est jamais aussi bon que lorsque sa prose érudite et lumineuse parvient à se faire oublier derrière la puissance d'une histoire qui n'est pas la sienne comme dans le remarquable Peste et choléra.
Ici l'écriture de l'écrivain-voyageur s'avère un peu moins légère quand il raconte ses propres périples comme ici à Tahiti, au Fenua (le Fenua, la terre ou le pays en VO tahitienne, comme lorsque l'on dit bienvenue au pays).
Reste tout de même une belle langue, érudite et subtile, et un de ces bouquins qui rendent le lecteur un peu plus intelligent pendant quelques pages.
En Polynésie, nous allons évidemment croiser les routes des géants de la mer, de la littérature et même de la peinture : Bougainville, Cook, Melville, la dynastie des Pomaré, Stevenson, Segalen, Loti et la famille Gauguin et bien d'autres encore.
Celles d'illustres inconnus également comme le chirurgien de marine Gustave Viaud, premier photographe de Tahiti. Le bon docteur nous présentera son frère Julien qui se fera un nom plus tard : celui de Pierre Loti !
Deville est toujours très habile à nous surprendre avec des anecdotes amusantes, des détails étonnants et les liens mystérieux ou les faces oubliées de figures illustres que l'on ne connait finalement que sous les traits stéréotypés d'images d'Epinal.
Comme dans tous ses bouquins, Deville nous donne une pétillante leçon buissonnière d'histoire-géo-culture : il nous mène par la main sur des chemins de traverse à débroussailler, des sentiers à défricher et déchiffrer.
Il passe du coq au fil et de l'âne à l'aiguille, de la littérature à la peinture, de l'histoire coloniale à l'exploration navale, d'un siècle à l'autre.
Ces sautillements culturels pourront dérouter certains lecteurs et les pages seront inégales selon que l'on s'intéressera plutôt à tel ou tel autre personnage voyageur mais tous ces morceaux de biographies forment un parcours pétillant d'intelligence.
On y croise même Elsa Triolet ou Simenon ! À croire que toute l'intelligentsia française s'était donné rendez-vous au milieu du Pacifique !
Il sera bien sûr beaucoup question de peinture et de Gauguin. Le bouquin lui-même est comme un petit musée où l'on déambulerait devant une galerie de tableaux : d'un illustre peintre à un autre écrivain, on navigue d'île en île de cet immense archipel, des îles de la Société aux Marquises jusqu'à celle de Pâques, d'une époque à l'autre.
[...] On voudrait toujours être ailleurs que là où on est, arpenter les recoins de ce monde qui est notre geôle.

Pour celles et ceux qui aiment le Pacifique.
D’autres avis sur Bibliosurf.

dimanche 12 décembre 2021

BD : Zaï zaï zaï zaï

[...] Vous avez la carte du magasin ?

La tournée du spectacle monté par Paul Moulin (on vient de le voir et c'est une adaptation difficile mais sympa et très vivante) est l'occasion de ressortir de nos étagères la BD de Fabcaro (aka Fabrice Caro) : Zaï zaï zaï zaï.
Il y a même un film qui va sortir en février 2022 avec Jean-Paul Rouvre !
L'album date lui de 2015 mais n'a pas pris une ride, bien au contraire ! 
Cette histoire farfelue (mais en apparence seulement) résonne d'autant plus fort dans notre monde d'après, comme l'on dit désormais.
Le scénario absurde part d'un fait divers : un jeune homme se retrouve à la caisse d'un supermarché en ayant oublié sa carte de fidélité ...
Les vigiles interviennent, le jeune homme s'enfuit et c'est la cavale, la Une des journaux télévisés, la psychose dans les rues, ...
Fabcaro épingle pas mal de travers de notre société bien pensante et de consommation : le trait est féroce, décalé, percutant, très actuel, dérangeant et politiquement incorrect.
Et chacun en prend pour son grade : les flics et les journalistes, les profs et les complotistes (oui, déjà en 2015), les ados rebelles et les vieux cons, les bobos et même Monsieur et Madame Toutlemonde (c'est à dire vous et moi).
Bref, ça fait du bien.
[...] - Voilà, hier je suis allé faire les courses, j'ai utilisé ma carte et ...
nous ne sommes plus qu'à 37 points de l'appareil à raclette !
- Ooooh Stéphane ! Parfois j'ai peur que tout cela ne soit qu'un rêve.
- Mon amour je t'aime tant.


Pour celles et ceux qui aiment les cartes de fidélité.
D’autres avis sur la BDthèque.

vendredi 10 décembre 2021

Grand calme (Giles Blunt)

[...] C'est une très mauvaise idée.

Décidément, l'année 2021 aura été riche en explorations polaires !
Le canadien Giles Blunt nous invite dans ses terres, ou plus précisément dans ses terres arctiques au nord du Groenland et des îles Ellesmere.
Soyons plus précis encore, puisque ce ne sont pas tout à fait des terres mais des morceaux de banquise à la dérive le long du gyre de Beaufort, sur lesquels sont implantées les "stations dérivantes" où des baraques hébergent pendant de longs mois de quasi solitude, quelques chercheurs et leur labo.
Des régions où règne habituellement un Grand calme.
Dès les premières pages, ça sent pas bien bon malgré le vent glacé, le jour où débarque sur la banquise l'épouse de l'un des chercheurs, une scientifique elle aussi.
[...] Un passager est sorti de l'avion alors que nous approchions.
C'est qui ça ? ai-je demandé.
Rebecca Fenn - la femme de Kurt.
Sa femme ? Je croyais qu'ils étaient séparés.
Oui, mais elle est là pour un projet perso. C'est strictement professionnel, du moins à entendre Kurt.
C'est une très mauvaise idée.
Plus au sud (si l'on peut dire !), dans un coin reculé et gelé de l'Ontario, un duo de flics tombe sur le cadavre d'un homme assassiné dans un motel isolé. Il était avec sa maîtresse qui a disparu et que l'on retrouvera bientôt morte de froid.
Et il y aura d'autres cadavres dans la neige.
Qu'est-ce qui peut bien relier ces deux intrigues (à part le froid) ?
Voilà un départ qui semblait prometteur mais malheureusement la glace ne prend pas et l'ennui guette le lecteur. 
Un lecteur qui a bien du mal à s'intéresser aux scientifiques perdus sur leur morceau de banquise et ça traîne en longueur.
Un lecteur qui trouve inutile la répétition vraiment lourdingue de passages trop racoleurs où la jolie fliquette affronte le tenancier d'un club échangiste plus ou moins SM : c'est répétitif et graveleux, d'autant que le lecteur se doute bien que l'affreux jojo ferait un suspect bien trop évident.
Un lecteur qui devine d'ailleurs assez vite (un indice déposé bien en évidence) comment les deux histoires vont se rejoindre, du moins dans les grandes lignes.
Le dernier quart du bouquin voit les intrigues se dénouer enfin mais cela ne suffit pas à racheter le tout un peu indigeste.
[...] - On a la moindre idée d'où il a pu aller ensuite ? demanda Jerry.
- Un endroit froid.
- Ça pourrait être n'importe où.
- En effet.

Pour celles et ceux qui aiment frissonner (de froid).
D’autres avis sur Bibliosurf.

mardi 30 novembre 2021

La femme au manteau bleu (Deon Meyer)

[...] Vous avez déjà entendu parler de Rembrandt ?

Avec ses gros thrillers, Deon Meyer est une valeur sûre du roman sudaf et plus largement du rayon polar.
Le voici qui nous offre un petit (moins de 200 pages) interlude.
La femme au manteau bleu nous emmène toujours en Afrique du Sud, au Cap, où le duo d'enquêteurs habituels, les "Hawks" Cupido et Griessel, hérite du cadavre d'une femme blanche retrouvée nue au bord d'une route et lavée à l'eau de Javel.
Les premiers éléments de l'enquête montre que la dame était une britannique, spécialiste du marché de l'art, venue au Cap pour un tableau d'un peintre hollandais du XVII°, Carel Fabritius, élève de Rembrandt et plus tard maître de Vermeer, le peintre du célèbre Chardonneret (oui, celui de Donna Tartt).
[...] - Qui ? demande Cipido.
- Fabritius, dit le professeur, légèrement déçu.
- Nous ne savons pas de qui il s'agit, reconnaît Griessel.
- Le Chardonneret ?" insiste Wilke encore plein d'espoir.
Ils secouent la tête.
"Donna Tartt ?" murmure le professeur, dont le ton suggère qu'il s'attend à leur réaction.
Leurs visages indiquent que ce nom ne leur dit rien.
"Vous avez déjà entendu parler de Rembrandt ?
- Naturellement." La mine de Cupido s'éclaire. "Tout le monde connaît Rembrandt.
- Eh bien ! Carel Fabritius était un de ses élèves. A vrai dire, c'est le seul de ses élèves à avoir développé un style propre. Si vous me posez la question, je vous dirais que c'était le meilleur des élèves de Rembrandt.
Les héros de Deon Meyer, Cupido et Griessel, étaient plutôt coutumiers jusqu'ici des luttes fratricides et des corruptions galopantes qui gangrènent la nouvelle nation arc-en-ciel d'aujourd'hui : le monde de l'art n'est pas vraiment leur tasse de thé, l'histoire des colons hollandais non plus mais une enquête reste une enquête et ils mèneront rapidement celle-ci à son terme.
Deon Meyer s'offre une petite récréation sympathique et sans prétention.

Pour celles et ceux qui aiment la peinture hollandaise.
D’autres avis sur Bibliosurf.

lundi 29 novembre 2021

La nuit tombée sur nos âmes (Frédéric Paulin)

[...] Il ne reviendra pas de Gênes comme il y était venu.

    L'auteur, le livre (288 pages, 2021) :

Chroniques d'une catastrophe annoncée.
Frédéric Paulin quitte ses mémoires algériennes [1] pour se rapprocher un peu plus du jour d'aujourd'hui et nous rappeler les tragiques événements de 2001, lors du sommet du G8 à Gênes.
Mieux vaut réviser un peu son Histoire très contemporaine avant d'attaquer La nuit tombée sur nos âmes, pour pouvoir profiter pleinement du bouquin [2] [3] [4].

    On aime :

❤️ Un thriller passionnant comme on les aime, appuyé par une rigoureuse enquête de journaliste comme on les aime : que du bonheur pour ce salutaire travail de mémoire contemporaine.
❤️ Un devoir de mémoire indispensable parce que quelques semaines plus tard, le monde entier oubliera Gênes lorsque deux tours s'écrouleront à New York.
❤️ Un rappel salutaire : c'était hier tout juste et l'actualité nous montre que le fascisme n'est jamais aussi loin qu'on voudrait bien le croire.

      Le contexte :

En 1999, état d'urgence et couvre-feu s'abattent sur ce qu'on a carrément appelé la bataille de Seattle lors du sommet de l'OMC et la planète découvre la détermination altermondialiste (... et celle de l'autre camp).
En 2000, le sommet du FMI à Prague cristallise à nouveau manifestations et répression.
En juin 2001, à Göteborg le sommet européen se solde par un mort par balle (ce sera le sommet de l'angoisse dans la soi-disant si tranquille démocratie suédoise).
Ce sont les années de la naissance des fameux black blocs, du moins de leur naissance médiatique.
Autant dire que quelques semaines après la Suède, en juillet 2001, les puissants sont sur les dents et pètent de trouille à l'approche du sommet gênois : l'escalade de la violence et de la répression est à son paroxysme et chacun des camps affute ses armes pour en découdre, au sens propre souvent.
George Bush dormira même sur un navire de l'US Navy ancré dans la baie.
Frédéric Paulin était sur place à Gênes et en est revenu bouleversé par des scènes dignes des dictatures fascistes sudaméricaines : la boucherie de l'école Diaz, les tortures de la caserne de Bolzaneto et bien sûr le décès de Carlo Giuliani abattu par un carabinier pris au piège.

      L'intrigue :

Paulin s'empare de ces événements et les met en perspective dans un sacré roman.
Aux côtés des 'vrais' protagonistes de l'époque, il développe tout son art pour camper une galerie de personnages de tous bords et nous faire (re-)vivre de l'intérieur ces événements que l'on a oubliés seulement vingt ans après.
Nous voici donc en Italie en compagnie d'un couple de jeunes altermondialistes qui écument les sommets, celui de Gênes après celui de Göteborg.
Un militant du MSI italien devenu conseiller en sécurité du nouveau gouvernement de Berlusconi compromis avec les néo-fascistes.
[...] Carli sait que ses chefs sont pour la plupart incompétent, que sans le retour au gouvernement de Berlusconi ils n'auraient jamais pu se retrouver à gérer un tel événement. Pour lui, le choix de Gênes, une ville aux ruelles tortueuses construite sur un terrain escarpé, est une aberration. Seule la zone de réunion des huit chefs d'état a d'ailleurs été sécurisée. Les autres quartiers ont été abandonnés. Les émeutiers, les rouges, les noirs et tous les étrangers réduiront la ville en miettes si bon leur semble.
Un jeune conseiller en communication du cabinet Chirac. 
[...] La guerre froide est terminée, les antagonismes est-ouest se sont dissipés. Maintenant, le temps de l'opposition nord-sud est venu. Et ça, ça fascine Chirac.
Un duo de flics de notre DST. Une journaliste qui voulait jouer les reporters de guerre.
Tout le monde est en place pour trois jours de violence déchainée et l'on tourne tourne les pages sans pouvoir reposer le bouquin.
On peut aussi, pour se mettre dans l'ambiance, jeter un œil sur le film américain inspiré des événements de Seattle (qui n'arrive pas à la cheville du bouquin de Paulin).
Un livre qui éclaire également les violences policières plus récentes et l'incapacité (plus ou moins assumée) de nos polices à préserver la sécurité en même temps que la liberté de manifestation.

Pour celles et ceux qui aiment l'Histoire.
D’autres avis sur Bibliosurf.

dimanche 28 novembre 2021

Les heures furieuses (Casey Cep)

[...] Qu'était-il advenu du livre de Harper Lee ?

    L'auteur, le livre (400 pages, 2021, 2019 en VO) :

Casey Cep est une journaliste américaine et Les heures furieuses est son premier roman. Dans le style "non-fiction" elle s'attaque à un mythe littéraire : Harper Lee !

    On aime :

❤️ La prose de Casey Cep, éclairante et méticuleuse, adossée à un gros travail patient de journaliste ce qui nous donne quelques belles digressions sur l'Histoire des États-Unis : les débuts de l'assurance-vie, la diffusion du culte vaudou, et cette ségrégation que les états du sud tardent un peu à abandonner ....

      Le contexte :

Comme celui de la page blanche, le syndrome Harper Lee est bien connu : le premier roman de l'auteur est un best-seller qui connait un grand succès. Mais ce premier roman sera le dernier de l'écrivain désormais incapable de produire une autre ligne, sans doute étouffé par un succès trop rapide ou trop précoce.
C'est ce qui arriva donc à Harper Lee après son trop célèbre roman Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur.
Avec Les heures furieuses, la journaliste Casey Cep prend le sujet par un autre angle, celui d'une enquête : Harper Lee a forcément écrit un autre manuscrit, d'autant que quelques années après son premier roman à succès, elle avait bien pris soin d'assister à un autre grand procès à la fin des années 70 toujours en Alabama, un sujet en or et donc la trame idéale pour ce fameux second roman.

      L'intrigue :

Le 18 juin 1977, le révérend noir William Maxwell est abattu de trois balles de revolver devant des centaines de témoins réunis pour les obsèques d'une victime du révérend.
Le "pieux révérend" était quand même soupçonné de plusieurs meurtres et une rumeur persistante lui attribuait des pouvoirs vaudous.
[...] Trois cent personnes avaient assisté à la scène. La plupart étaient présentes aujourd'hui à son procès, non pour découvrir les raisons de son acte - tout le monde les connaissait, et certains s'étonnaient que personne ne l'ait commis plus tôt - mais pour comprendre la troublante série de décès qui avaient précédé celui dont ils avaient été témoins.
Malgré la quantité de témoins, l'assassin avéré du révérend diabolique sera finalement acquitté !
Casey Cep s'attaque donc à un double mystère : ces procès aux verdicts surprenants et ce qu'aurait pu être le second roman d'Harper Lee sur ces procès.
[...] Si la question qui captivait la salle d'audience ce jour-là était de savoir ce qu'il adviendrait de l'homme qui avait abattu le révérend Willie Maxwell, un autre mystère captiverait les esprits des décennies encore après le verdict ; qu'était-il advenu du livre de Harper Lee ?
C'est dense, copieux mais jamais indigeste grâce à une écriture fluide et agréable : l'auteure visiblement passionnée, réussit à nous inviter comme des jurés aux procès et à nous intéresser à ses (vrais) personnages, à l'histoire de cet Alabama ségrégationniste et rétrograde, et pour finir à la romancière Harper Lee.
Une première partie du bouquin est consacrée à l'énigmatique révérend noir soupçonné d'avoir tué ses épouses et plusieurs de ses proches pour toucher leurs assurances-vie, un serial-killer avant l'heure.
[...] La mort du révérend Maxwell : trois mariages, cinq parents décédés dans des circonstances étranges, aucune condamnation, et un homme qui avait finalement mis un terme à tout ça dans la chapelle ce jour-là.
La seconde partie nous donne rendez-vous avec l'avocat Tom Radney, un blanc progressiste (un profil rare en Alabama !) qui avait obtenu les fameux acquittements du révérend ... et qui, à la surprise générale, obtiendra également celui de son assassin ! Un procès encore plus surprenant que ceux imaginés par les meilleurs romanciers.
Ces deux histoires (celle du révérend et celle de l'avocat) sont savoureuses et fort bien racontées mais avouons que l'on est venu là pour Harper Lee tout de même : c'est donc le sujet de la seconde moitié du bouquin enfin consacrée à l'auteure et son mystérieux deuxième roman.
C'est une véritable biographie de Nelle Harper Lee, depuis son enfance avec un petit voisin nommé Truman Capote. On découvrira d'ailleurs qu'Harper Lee fut l'assistante de Capote pour son enquête sur le true-crime De sang froid et que la contribution de la dame fut essentielle à ce monument littéraire.
On y apprend beaucoup de choses sur l'écriture du roman de T. Capote (de quoi donner une furieuse envie de le ressortir de la bibliothèque) et sur celle de l'Oiseau Moqueur bien sûr, mais aussi sur la dépression d'Harper Lee qui suivit son immense succès et enfin sur la genèse d'un second roman qui ne verra jamais le jour.
[...] Pour quiconque la connaissait, c'était depuis longtemps une évidence. Lee n'éprouvait pas seulement des difficultés à écrire son deuxième roman; elle éprouvait des difficultés à vivre.
[...] Pendant dix-sept ans après la publication de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, les lecteurs se demandèrent ce que Lee écrirait ensuite; au cours des années qu'elle passa à frapper aux portes des habitants du lac Martin, certains savaient précisément ce
qu'elle écrirait, mais se demandaient quand. Beaucoup connaissait le titre. Une femme déclara même avoir vu une jaquette de livre.
[...] Finalement, les rumeurs au sujet du révérend s'apaisèrent, comme elles l'avaient toujours fait. À ce moment-là, après tout, il était mort depuis près de quatre décennies, et son avocat depuis cinq ans. Et bientôt, la femme qui essaya d'écrire leur histoire s'éteindrait aussi.
C'est le premier roman de la journaliste Casey Cep et il connait un grand succès, bien mérité. Aïe aïe aïe, espérons que cette jeune auteure ne sera pas victime à son tour du syndrome Harper Lee !

Pour celles et ceux qui aiment les procès et la littérature.
D’autres avis sur Bibliosurf.

mercredi 24 novembre 2021

Nous ne négligerons aucune piste (Lucien Nouis)

[...] Des suspects parfaits pour une partie de Cluedo.

Joli plaisir de lecture que celui de découvrir un auteur bien de chez nous au rayon polar.
Un auteur du "terroir" comme on dit, d'Occitanie, un auteur cévenol pour être précis.
Pour autant, Lucien Nouis n'a rien d'un écolo gnangnan des campagnes : le bonhomme est quand même prof de littérature et de philo aux US !
Avec Nous ne négligerons aucune piste, alors oui, grand plaisir que celui de découvrir une très belle plume bien taillée et parfois acérée quand elle s'attaque au microcosme d'un petit village cévenol.
[...] Ça sentait la droite ultraconservatrice. Bordarier se demanda comment un couple gay avait réussi à y trouver sa place.
Alors oui, grand plaisir que celui de découvrir un nouveau flic récurrent (le second épisode est déjà paru), un flic qui nous change un peu des olibrius disjonctés et hallucinés habituels.
Le commissaire Bordarier, père presque tranquille façon Maigret, est un flic à l'ancienne, bon vivant et philosophe : si l'on veut tenter un cousinage contemporain, Bordarier serait plutôt un lointain parent du sud de la famille du norvégien William Wisting plus que de celle de Harry Hole pour rester en Norvège.
Ou encore, pour continuer les rapprochements géographiques hasardeux, un cousin lumineux du sombre islandais Erlendur avec qui il partage les soucis que peut causer une fille difficile.
[...] Bordarier reprit seul le chemin de l’hôtel, méditant sur le groupe qu’il venait de découvrir et se disant qu’ils auraient été des suspects parfaits pour une partie de Cluedo.
Même les collègues flics de Bordarier sont plutôt atypiques : l'un est un ancien moine tibétain, l'autre une éleveuse de chiens ! C'est dire si on est là pour s'amuser !
Une sympathique enquête de province (ou dans les territoires, comme l'on dit désormais).

Pour celles et ceux qui aiment l'Occitanie.
D’autres avis sur Bibliosurf.

lundi 8 novembre 2021

Artifices (Claire Berest)

[...] On n'est pas dans un polar.

Nouvelle découverte que celle d'Artifices, de Claire Berest.
Les dieux du polar savent qu'on a fréquenté pas mal de flics disjonctés, azimutés, hallucinés, mais son héros Abel Bac tient le pompon (ou la queue du Mickey pour paraphraser l'auteure).
Suspendu de ses fonctions depuis quelques semaines (lui-même ne semble pas trop savoir pourquoi, ou bien fait semblant de ne pas), il s'est réfugié dans son appartement, ne sort que la nuit pour errer dans les rues et acheter de la lotion anti-poux, et passe ses journées entouré de ses orchidées qu'il arrose de Doliprane et nettoie au coton-tige quand les angoisses deviennent trop pressantes.
[...] Abel fait peur. Ce n'est pas son visage, mais ce qui ne voit pas. Ce n'est pas cette paire d'yeux lavables en haute mer.
[...] Son champ d'orchidées.
Il en possède quatre-vingt-treize, qui s'épanouissent sur la totalité du salon. À même le sol, juchées sur les rares meubles, sur les rebords des fenêtres, dans les pots suspendus au plafond. Bientôt cent. Si aucune ne meurt.
[...] Personne n'est sans histoire, foutre merde, ou alors c'est que c'est une putain de plante en pot !
[...] - T'as quoi, quarante-cinq ans à tout péter ? La vie n'est pas finie, mon frère. Ça va être encore long et chiant à te planquer à rien foutre dans ton appart.
- Trente-neuf ans. J'ai trente-neuf ans.
- Tu fais plus, désolée.
Il faut quelques pages pour s'habituer à ces petites phrases courtes et sèches, à cette écriture hyper moderne, au risque de paraître datée dans quelques années mais tant pis. Quelque chose qu'on écoute comme des dialogues ou plus souvent des monologues intérieurs, mais certainement pas comme une belle histoire racontée par une auteure classique.
Pour autant, Claire Berest affiche crânement son côté intello : on scande les épigraphes des chapitres avec une fable de La Fontaine, on cite des mots latins, on emploie des mots chics à la mode comme coruscation, et parfois on s'égare jusqu'à expliquer au lecteur ignare ce qu'est un MacGuffin.
Un côté intello et parisien assumé, d'autant plus que le roman nous invite dans le monde de l'art contemporain : il est fait référence à l'artiste serbe Marina Abramovic et ses troublantes performances des années 70.
Le pseudo-mystère policier débute avec un beau cheval blanc retrouvé une nuit dans une salle de Beaubourg : une performance artistique, un happening ? Peut-être mais alors de ceux qui ravivent de très mauvais souvenirs dans l'esprit torturé d'Abel.
Voilà un point de départ qui n'aurait pas déplu au commissaire Adamsberg de Fred Vargas.
Autour de l'intrigue, gravitent quelques femmes.
Camille la collègue flic, qui cherche désespérément à renouer le contact avec Abel pour le sortir de son enfer.
Elsa la voisine du dessus, étudiante en arts, qui cherche désespérément à nouer le contact.
Mila, une artiste qui a le sens de la provocation et de la performance, une artiviste dont on ne comprend pas tout de suite le lien avec tout cela.
C'est elle, Mila, qui nous vaudra les plus belles pages, en fin de bouquin, lors de son séjour parisien chez Carole.
[...] Mila avait dix-huit ans et elle survivait, se forgeant pour elle-même une vie assez proche de celle d'un poisson d'aquarium gagné dans une fête foraine. Elle se nourrissait en attrapant des choses comestibles et prêtes à l'emploi dans le frigidaire de Carole. Elle tournait en rond.
[...] C'est rare. On n'est pas dans un polar.
Non effectivement, on n'est pas dans un polar classique et les puristes du genre seront peut-être déçus.
Plutôt dans un roman parisien, une galerie d'art ou un café littéraire, une peinture moderne où se croisent quelques beaux personnages bien dessinés.
Dans ce titre Artifices il y a donc de l'art, des masques et du 14 juillet.
[...] - Quel était le but exactement ?
- Je vous demande pardon ?
- C'est quoi le but de tout ça ?
- Eh bien ... c'est l'art.
- OK, madame, on va tout reprendre du début.
Allez, on quitte Claire Berest avec un dernier clin d'œil de Camille, la fliquette :
[...] C'est paradoxal : il n'y a jamais eu autant de séries policières proposées sur les plateformes de streaming, et une telle détestation viscérale de sa profession.

Pour celles et ceux qui aiment les orchidées et l'art contemporain.
D’autres avis sur Bibliosurf.

samedi 6 novembre 2021

Trop de morts au pays des merveilles

[...] Je veux savoir toute la vérité. Ça restera entre nous.

On avait bien aimé l'escapade que nous avait proposée le breton Morgan Audic lorsqu'il nous avait transporté en classe polar du côté de Tchernobyl avec De bonnes raisons de mourir.
Enfin suffisamment pour se pencher avec bienveillance sur son premier roman : Trop de morts au pays des merveilles.
Malheureusement le plaisir n'est pas au rendez-vous et l'on est tombé dans un roman de gare, façon Harlan Coben, vite écrit, vite lu, vite oublié.
Le personnage principal est un avocat qui vient de perdre sa femme et la mémoire (un accident après la disparition de sa femme). Est-ce lui qui a tué sa chérie ou bien un affreux serial-killer qui sévit dans le coin ?
Ah, quel mystère !
En tout cas les flics sont persuadés qu'il est coupable, faut dire que tout l'accuse.
[...] Tout le monde vous a cru, quand vous avez affirmé être amnésique. Et au fond, vous l’êtes peut-être réellement. Peut-être que vous avez oublié le meurtre. Mais ça, je m’en contrefous. Les faits sont là. Vous avez assassiné votre femme, monsieur Andersen.
Le personnage de l'avocat n'est absolument pas crédible et les seconds rôles sont dessinés à l'emporte pièce.
Le dernier tiers du bouquin s'emballe dans des péripéties rocambolesques encore moins plausibles.
Bref, c'est plutôt raté et on vous conseille d'oublier cet épisode pour garder l'envie de découvrir plutôt celui de Tchernobyl.
On relèvera juste une anecdote historique sur l'orphelinat d'Orgemont qui appartenait à la CGT, et qui connut, dans les années 70, une fin peu glorieuse dont le syndicat ne doit pas être très fier.

Pour celles et ceux qui aiment Alice.
D’autres avis sur Bibliosurf.

vendredi 5 novembre 2021

Denali (Patrice Gain)

[...] La nuit s'était posée sur la rivière.

On continue de parcourir les aventures racontées par Patrice Gain qui cette fois, nous emmène aux US au pied du Denali.
Le Denali c'est le McKinley, 6200 mètres et plus haut sommet d'Amérique du nord, un sommet qui a repris son nom indigène il y a quelques années.
À quinze ans, le jeune Matt se retrouve quasi orphelin : son père est décédé dans l'ascension du Denali, sa mère ne s'en remet pas et se retrouve internée en psychiatrie, son frère bascule dans la délinquance et, pour faire bonne mesure, sa grand-mère qui l'avait pris en charge vient de passer l'arme à gauche. 
Pas cool, la vie de Matt perdu dans un chalet au pied des Bitterroots mountains.
Et justement on trouve que l'auteur en a fait un petit peu trop dans le registre du pauvre orphelin pris dans l'engrenage terrible d'une vie impitoyable.
Il reste quand même un bel exercice de style auquel Patrice Gain excelle : le frenchy sait faire du nature-writing comme les meilleurs américains.
[...] J'ai cherché une zone facilement accessible et je me suis installé. J'ai fait un trou dans la glace, allumé un feu à côté, puis j'ai monté une mouche sur une soie que j'ai laissée flotter à la surface de l'eau. La nuit s'était posée sur la rivière. Seules les cîmes étaient encore baignées d'une pâle lumière rose. Les truites sont venues se positionner sous le halo du feu et en une demi-heure j'avais effectué trois belles prises. Je les ai fait cuire en écoutant la nuit et le craquement du bois. Des oies cherchant un abri s'étaient présentées dans l'axe de la rivière à basse altitude. J'étais apaisé et pleinement conscient de ce que je vivais. La rivière.
Roman noir, roman d'apprentissage, pêche à la mouche et randonnée, mauvaises fréquentations, secrets de famille, ... l'auteur ratisse large mais tout comme Le décevant Scorpion, c'est loin d'être le meilleur bouquin de Patrice Gain.

Pour celles et ceux qui aiment la pêche à la mouche.
D’autres avis sur Bibliosurf.


La captive de Mitterrand (David Le Bailly)

[...] Compagne cachée de chef d’État : drôle de destin.

Avant d'ouvrir La captive de Mitterrand, on savait bien que le journaliste David Le Bailly n'avait jamais obtenu d'Anne Pingeot qu'elle se confie à lui ou même accepte une simple interview. 
[...] – Il n’y a pas à discuter ! Vous trouvez un autre sujet et vous me laissez tranquille ! »
[...] En attendant une hypothétique confession, contentons-nous de menus indices.
Même vingt ans après la disparition de Tonton, Madame Pingeot entend bien rester pour toujours en dehors de l'Histoire.
La fausse biographie ou l'enquête infructueuse risque donc bien de laisser le lecteur sur sa faim.
Mais on avait été emballé par notre lecture précédente : L'Autre Rimbaud et on a quand même voulu tenter une nouvelle aventure avec cet auteur obnubilé par les oubliés et effacés de l'Histoire.
Et on a bien fait car, même en l'absence de scoops ou de révélations, Le Bailly nous a sorti un bon bouquin qui se lit avec avidité pour peu que l'on soit intéressé à revisiter ces fameuses années Mitterrand.
C'est d'ailleurs presque un portrait en creux de Tonton plutôt que de son amoureuse qui voulait rester cachée (ou qu'il voulait laisser cachée).
[...] Compagne cachée de chef d’État : drôle de destin. Romanesque, forcément.
[...] Une personne est demeurée résolument dans l’ombre depuis tout ce temps, et cette personne, c’est vous. « C’est un choix de vie », avez-vous un jour déclaré.
[...] Une personnalité qui, de manière étrange, et presque injuste si elle n’en était la principale responsable, est restée une inconnue pour ses contemporains.
[...] Cette femme a excellé dans l’art de l’effacement ?
[...] Il en faut de l’acharnement pour atteindre ce point de non-existence, se fondre dans le vide, le néant, l’anonymat le plus total lorsque l’on vit si longtemps au côté de l’homme le plus connu de France, le président de la République.
Tous deux avaient vingt-sept ans d'écart et lorsqu'ils se sont connus à Hossegor elle n'était qu'une gamine, une toute jeune fille, lui n'était encore que ministre. Leur amour résistera à tout, tout au long de ces quelques trente années.
[...] Sa cause à elle, sa joie et sa douleur, c’est un homme, celui qu’elle a décidé d’aimer quand elle avait vingt ans, celui qu’elle n’a jamais pu quitter. Le hasard a voulu qu’il devienne président de la République, voilà tout.
Les portraits brossés par Le Bailly sont assez acides : tous deux sont ambitieux, c'est le moins que l'on puisse dire, et ni la trajectoire de Mitterrand parti de la droite lointaine jusqu'à enfourcher finalement et opportunément le cheval socialiste, ni l'arrogance de Dame Pingeot ne plaident en leur faveur.
Le bouquin se termine bien entendu avec la maladie et le décès de Mitterrand et ce fut là un autre secret tout aussi bien gardé que ses amours : il avait appris son cancer quelques mois seulement après sa première élection de 81.
On se demande un peu éberlué, comment de tels secrets ont pu rester cachés aussi longtemps : certes l'époque ne connaissait pas encore twitter ou instagram mais tout de même ...
Une bonne histoire, formidablement racontée comme Le Bailly sait si bien le faire, qui fera le bonheur des nostalgiques des années 80.

Pour celles et ceux qui aiment les années Mitterrand.
D’autres avis sur Babelio.

dimanche 24 octobre 2021

La naufragée du Lac des Dents Blanches (Patrice Gain)

[...] C'est à cause d'un naufrage.

Patrice Gain est un professionnel de la montagne né au bord de la mer : c'est dire s'il est à son aise pour nous conter cette histoire qui trace un trait d'union entre deux naufrages, à son aise pour nous faire vivre la traversée de la mer d'Irlande tout comme une marche dans les neiges et les glaces.
Deux marins pêcheurs perdent leur bateau au large de Belle-Île et se retrouvent en villégiature dans un chalet de Haute-Savoie.
Nos deux naufragés vont en repêcher une troisième, dans le Lac des Dents Blanches : une black perdue en pleine montagne.
[...] - Merde, dit Léon, une Noire !
[...] - C'est une naufragée. Je viens de la repêcher sur la rive du lac.
Saamiya fuyait les shebabs de Somalie avant de tomber dans le lac. Quelques pages racontent son épopée, récit incroyable de la misère et du malheur : la jeune femme était en chemin pour récupérer sa petite fille auprès d'une ONG suisse.
Le quatuor (nos trois naufragés sont accompagnés d'un vieux montagnard bougon) le quatuor improbable se met donc en route ...
[...] - Pourquoi vous faites tout ça pour moi ?
- Parce que t'es tombée là où nous étions, près du lac, à bout de force et que tu avais besoin d'aide, je suppose.
Avec humour, c'est une fable, une feel-good story que nous conte Patrice Gain, une fable bienveillante pour les petites gens comme cette trop jeune mère somalienne et les trois vieux schnocks qui l'accompagnent dans sa quête.

Pour celles et ceux qui aiment les contes de Noël.
D’autres avis sur Babelio.

Ultramarins (Mariette Navarro)

[...] Il faut peut-être croire à un dérèglement du système.

Ultramarins, le premier roman de Mariette Navarro, femme de théâtre lyonnaise, connait un certain succès et l'on en parle beaucoup.
Une ambiance maritime qui rappelle celle d'Usodimare et un décor de porte-containers (c'est le sujet de l'année) comme dans Une loge en mer.
Une commandante de la marine marchande, se laisse surprendre à transgresser les ordres et les protocoles et autorise une baignade en mer pour son équipage. Tous moteurs stoppés, elle reste à bord et observe sa vingtaine de matelots patauger dans les eaux.
[...] Elle considère  cette vingtaine d'hommes qui vont où bon leur semble, où ils peuvent, comme ils peuvent, parce qu'ils l'ont décidé, parce que tout à coup leur mission n'a plus eu d'importance.
Lorsqu'ils remontent à bord, ils sont 21 et l'on ne sait trop qui est l'intrus puisqu'on n'avait pas vraiment pris le temps de faire la connaissance des nouveaux depuis l'embarquement.
Bientôt d'autres mystères s'invitent à bord, désorientent le cap et les machines.
Une parenthèse s'est ouverte, façon triangle des Bermudes et l'auteure a fait sienne la citation apocryphe des sages grecs : il y a trois sortes d'hommes, les vivants, les morts et les marins.
[...] - Est-ce que vous pensez possible que notre bateau ... que notre bateau ait développé une sorte d'autonomie, de personnalité propre ? [...]
- Je crois commandante, que ce serait une vision un peu romantique. Qu'il faut peut-être croire à un dérèglement du système, après l'arrêt imprévu de ce matin.
L'auteure a adopté l'écriture très à la mode en ce moment (et cela devient horripilant) qui est celle d'une distanciation descriptive, comme si l'on voulait nous dépeindre une carte postale à grands coups de ILS (les marins), de ELLE (la commandante) et de ON (quand il faut embarquer l'auteur et son lecteur).
Une femme à la barre, un parfum de brise marine, quelques containers comme épices, un brin ou deux de mystère, un léger soupçon de loufoquerie, tous les ingrédients de la recette du succès sont là.
Mais, tout comme dans le bouquin de Magali Desclozeaux, cette écriture distanciée pour paraître élégante a un revers : le lecteur ne se trouve à aucun moment happé par les vents du large, il regarde la carte postale de loin, admire peut-être l'exercice de style, mais reste à quai sans partir en voyage.

Pour celles et ceux qui aiment les porte-containers.
D’autres avis sur Bibliosurf.

samedi 23 octobre 2021

Trio (William Boyd)

[...] On est des acteurs après tout.

On ne présente plus William Boyd, prolixe étendard de la littérature britannique contemporaine, dont récemment on avait adoré Les vies multiples d'Amory Clay (et un peu moins disons-le, son roman d'espionnage : La vie aux aguets).
Cette fois l'auteur nous invite sur le tournage d'un film pour suivre un Trio de personnages. Nous sommes en 1968 sur les plages so british de Brighton, bien loin du tumulte du monde.
Elfrida, l'épouse délaissée du réalisateur, est en panne d'inspiration littéraire et carbure à la discrète vodka-orange dès le saut du lit.
Talbot, le producteur marié et père de famille, ne sait trop comment faire son coming-out.
Anny, la starlette américaine, collectionne les amants en cachette et surtout intéresse le FBI et la Special Branch britannique : son ex-mari, un américain apprenti terroriste, s'est échappé de prison.
Bref, chacun protège soigneusement une vie secrète et s'efforce de jouer un autre rôle en public, on est sur un tournage.
[...] - Vous avez toujours bien caché votre jeu, Talbot.
- Nous cachons tous notre jeu, non ? Nous sommes des mystères.
[...] On est des acteurs après tout.
Le ton  est léger, on n'est pas loin de la comédie et tout cela prend des airs de série télé avec des personnages attachants.
Pour reprendre un titre connu, on a là un peu de sexe (très peu), un peu de vidéo (le film) et beaucoup de mensonges, vraiment beaucoup, c'est le thème du bouquin.
La plume de Boyd est agréable, toujours aussi fluide et classique, mais il manque à tout cela le souffle épique qui animait la vie d'Amory Clay.

Pour celles et ceux qui aiment les mensonges.
D’autres avis sur Bibliosurf.

vendredi 22 octobre 2021

Le sourire du scorpion (Patrice Gain)

[...] Goran avait parlé d'ours et de loups.

Quelle déception !
Patrice Gain est un auteur que l'on apprécie beaucoup : il faut absolument lire Terres Fauves et De silence et de loup
Mais il faut tout autant éviter Le sourire du Scorpion : l'histoire un peu cucul d'une famille en vacances, partie faire du rafting au Monténégro (les canyons de la rivière Tara). 
Le père disparait dans les eaux des rapides. 
Le guide monténégrin est bien mystérieux. 
[...] Goran avait parlé d'ours et de loups.
Ouh là là ! On pense évidemment à Délivrance (qui est d'ailleurs abondamment cité) mais on en est si loin. 
Et pour faire bonne mesure, c'est raconté à hauteur d'ado (les deux jumeaux de la famille). 
Alors on attend impatiemment le vague twist qui terminera le dernier quart du bouquin mais qui ne s'avère pas d'une grande force non plus (le lecteur a toujours plusieurs chapitres d'avance sur les gamins). 
Mais que ceux qui seront déçus par cet ouvrage (pourtant primé à Lyon en 2021 au festival Quai du polar ???), ne manquent pas de lire les autres ouvrages de cet auteur, qui sont remarquables. 

Pour celles et ceux qui aiment le rafting et le camping.
D’autres avis sur Bibliosurf.

jeudi 21 octobre 2021

Le souffle de la nuit (Alexandre Galien)

[...] Notre tueur est passé à la vitesse supérieure.

Âgé d'à peine 30 ans, le jeune Alexandre Galien  s'est vu décerner le prix 2020 du Quai des Orfèvres pour son roman Les cicatrices de la nuit.
On fait sa connaissance ici directement avec la suite : Le souffle de la nuit.
Ex-flic, l'auteur s'y entend pour décrire le quotidien des flics de la PJ parisienne, ceux qui résidaient il y a peu encore au mythique 36 Quai des Orfèvres.
Les clichés abondent, les flics du "groupe" chargé de l'enquête, les techniques d'investigation, l'humour à l'emporte-pièce, les rivalités entre polices, et même un arrière-plan d'intrigue politique tendance Françafrique ... on connait la musique et ses standards, les mêmes que dans les bonnes séries télé et les bons polars, un air connu et rebattu mais tout le monde aime bien fredonner cette chanson dont chacun connait les paroles par cœur.
Au programme : un tueur de flics, quelques prostituées de Vincennes, des rites vaudous et les mafias du Nigeria (les cults).
[...] Notre tueur est passé à la vitesse supérieure ...
Cette fois-ci, il n'a pas fait dans le détail : il lui a enfoncé son couteau dans le ventre, lui a tranché la gorge, et lui a fourré une touffe de cheveux dans le gosier. On dirait qu'il a expédié le travail, comme on bute une sentinelle.
Du standard donc, un peu façon Frank Thilliez, en moins intense peut-être, mais c'est écrit de façon pro et on ne boude pas son plaisir.

Pour celles et ceux qui aiment les poupées vaudous.
D’autres avis sur Bibliosurf.

mercredi 20 octobre 2021

L'autre Rimbaud (David Le Bailly)

[...] Le mensonge est le ciment de la famille.

C'est une drôle d'idée que celle passée par la tête du journaliste David Le Bailly que de vouloir tracer le portrait de Frédéric Rimbaud, le frère aîné d'Arthur : L'autre Rimbaud.
Ce qui intéresse Le Bailly c'est de faire la lumière sur les personnages restés dans l'ombre, oubliés de l'Histoire et même gommés ou effacés de l'Histoire (il a écrit un autre roman sur la maîtresse de Mitterrand, Anne Pingeot, la mère de Mazarine).
Arthur est né près de Charleville-Mézières un an après son frère Frédéric. Ils grandissent à l'ombre menaçante de leur mère, une maîtresse femme, sans aucun doute castratrice, le père est parti.
Évidemment tout le monde ignore aujourd'hui que le si célèbre poète Arthur avait un frère aîné : Frédéric est un oublié de l'Histoire, et même plus, les secrets de famille et les mésententes ont fait que Frédéric a été gommé ou effacé de l'Histoire, jusque certaines photos qui ont été retouchées par sa sœur Isabelle pour le faire disparaître ! 
Alors qu'Arthur aura vécu la plus grande partie de sa vie loin des siens jusqu'en Abyssinie, c'est Frédéric resté au pays que l'on s'efforce d'oublier.
[...] Par un curieux phénomène, l'aîné, pourtant resté à Roche, avait été déchu, quand le cadet, exilé au bout du monde, occupait avec majesté la place de dauphin.
[...] Il sait que le mensonge est le ciment de la famille. Ce qu'elle a trouvé de mieux pour se protéger.
Jusqu'à sa descendance qui sera privée des droits d'auteur.
Voilà bien de quoi attiser la curiosité de David Le Bailly ... et de ses lecteurs.
Au travers de l'enquête menée par le journaliste pour éclairer la vie du frère caché, presqu'un polar, on découvre en contrepoint le côté obscur des portraits de Verlaine ou d'Arthur Rimbaud.
Un Verlaine colérique et à demi pédophile, un Arthur qui abandonnera très vite la poésie pour se consacrer à la science, la géographie ou divers commerces et traficotages en Afrique.
Des portraits à charge peut-être, pour mieux réhabiliter un Frédéric oublié par les historiens et les biographes, mais David Le Bailly ne prétend être ni historien ni biographe : son travail est celui d'un enquêteur et d'un romancier.
[...] Aidée par Isabelle, la mère avait dévoré ses fils.
Les deux femmes s'étaient emparées de l'œuvre d'Arthur, en avaient détourné le sens et l'esprit.
De lui Frédéric, elles avaient pris le peu qu'il avait laissé, ses enfants.
Une sombre histoire de famille laissée dans l'ombre par la lumière trop éclatante de la légende du poète maudit : aussi une leçon instructive sur la façon dont s'écrit l'Histoire.

Pour celles et ceux qui aiment la famille.
D’autres avis sur Bibliosurf.

mardi 19 octobre 2021

Affronter l'orage (Larry Brown)

[...] Une histoire d’amour n’a jamais une fin facile.

Mauvaises nouvelles.
Oui, de très mauvaises nouvelles envoyées du sud des US par l'ami Larry Brown.
Des nouvelles des petites gens, l'Amérique d'en-bas, celle des laissés pour compte qui se débattent sans espoir de fin entre quelques toxiques : un couple mal assorti souvent et l'alcool bien sûr presque toujours.
Misère sociale et misère affective de quelques éclopés de la vie en pleine galère pour lesquels l'auteur développe toute son empathie.
Des nouvelles très noires, désespérées même, mais voilà, c'est très bien écrit alors on poursuit la lecture à nos risques et périls.
Affronter l'orage est l'une d'elles, celle qui ouvre le recueil et c'est l'une des plus réussies et des plus sombres, tout en non-dit et d'entrée, le ton est donné.
[...] Je ne sais pas ce qui me pousse à être aussi méchant avec elle. Comme si c’était sa faute.
[...] Je ne suis pas un salaud au point de ne pas voir qu’elle m’aime.
Bien sûr, certains portraits peuvent friser la caricature mais dans chaque nouvelle, un petit "plus" souvent non-dit, un brin étrange, fait de chaque tableau une belle peinture un peu sombre.

[...] Elle picole tous les jours. Même le dimanche. Surtout le dimanche. Le dimanche c’est le pire, parce que tout est fermé. Si elle ne passe pas au magasin d’alcools le samedi soir, elle se retrouve en état de manque le dimanche après-midi.
[...] Elle ne veut faire de mal à personne. Qu’est-ce qui déconne autant, dans sa vie, pour qu’elle soit dans cette galère ? Qu’elle fasse mourir son bébé et son mec à petit feu ? Et elle aussi. Mais c’est plus fort qu’elle.
[...] Il prend le whiskey, s’en verse d’abord un petit verre, puis un autre plus copieux. Il n’est que dix heures du matin. Il devrait déjà avoir abattu pas mal de travail.

Mieux vaut être à jeun et avoir le cœur bien accroché avant de parcourir la galerie de portraits de l'ami Larry Brown où l'on retrouve ces petites phrases sèches et décalées typiques de la littérature américaine contemporaine.
Les nouvelles sont construites de manière très elliptiques, pleines de non-dits ou de sous-entendus, laissant au lecteur le soin d'imaginer peut-être le pire selon ses propres angoisses.


Pour celles et ceux qui aiment l'alcool.
D’autres avis sur Babelio.

De silence et de loup (Patrice Gain)

[...] Un froid de loup, je suppose.

On avait découvert Patrice Gain avec un coup de cœur pour son thriller en Alaska : Terres fauves lues en 2019.
Visiblement adepte des régions froides, il nous invite aujourd'hui à voyager en Sibérie, un pays fait De silence et de loup.
[...] Dehors, il fait froid. Un froid de loup, je suppose. Pas seulement parce que je le vois dans le cadre de la fenêtre qui fait face à mon couchage. Il reste là.
Après un terrible drame familial et personnel, la journaliste Anna met les voiles vers la Sibérie (l'extrême nord-est, la mer de Laptev près de la Iakoutie, à quelques encablures du pôle) pour accompagner une équipe de scientifiques qui doit hiverner sur un bateau pris par les glaces ...
[...] Comment un si petit bateau pouvait-il affronter un tel déchainement ?
[...] Cette expérience de vie confinée avec un petit groupe d'individus devrait être ton laboratoire. C'est là que se cachent tous les mystères de la nature humaine.
Décidément, ces espaces glacés et isolés sont propices à faire naître un climat angoissant : comme sur les îles Farallon, comme à Kerguelen, le lecteur plongé dans un huis-clos à ciel ouvert, au cœur d'une nature déchaînée, anticipe un drame car forcément, seul un drame peut mettre un terme à l'intrigue en train de se nouer et cela donne des bouquins très "prenants" par leurs décors en pleine nature sauvage et leurs histoires généralement bien sauvages également.
[...] La promiscuité, la nuit polaire et l'isolement sont l'ossature et le contexte idéal pour un roman noir.
Effectivement l'expédition va tourner rapidement au cauchemar comme tant d'autres aventures polaires et l'expédition de la Jeannette (1879) sera d'ailleurs évoquée : nous sommes en effet dans les mêmes eaux.
Mais le lecteur comprendra bientôt que les ours ou les loups polaires ne sont pas les créatures les plus dangereuses et la journaliste Anna qui croyait échapper à son terrible passé sera bientôt rattrapée par ses fantômes.
[...] Est-ce que prendre le large c'est fuir ?
L'écriture de Patrice Gain est soignée et très agréable, la lecture de son roman très noir en est facilitée et c'est heureux car c'est pas gai du tout du tout : les ours et les loups sont de bien sympathiques bestioles en comparaison de l'homme ...
Décidément Patrice Gain est un voyageur à suivre.

Pour celles et ceux qui aiment le froid.
D’autres avis sur Bibliosurf.

dimanche 17 octobre 2021

BD : Voyage aux îles de la Désolation

[...] La vie semble plus pleine, quand on est riche de toutes ces rencontres.

Après l'aventure mi-thriller, mi-polaire et mi-scientifique proposée par Mikaël Hirsch avec Notre-Dame des Vents, il nous fallait prolonger la saison australe avec le Voyage aux îles de la Désolation d'Emmanuel Lepage.
Lepage que l'on connait depuis son Tchernobyl, est une sorte de cousin voyageur ou reporter de Davodeau.
Tous deux excellent dans l'art de tracer le portrait des "gens" qui nourrissent leurs rencontres et Lepage s'en donne à cœur joie une fois embarqué à bord du Marion Dufresne (le bateau ravitailleur des TAAF, les Terres Australes et Antarctiques Françaises).
C'est donc un reportage en très belles images dans ces mers et îles polaires où l'on retrouve toute l'ambiance du bouquin de Hirsch, le mode de vie de ces marins et ces scientifiques, le travail titanesque du bateau ravitailleur qui fait périodiquement la liaison entre La Réunion et ces îles perdues (Kerguelen bien sûr, mais aussi Crozet, Saint-Paul ou Amsterdam). Et le vent rugissant et omniprésent.
Un bel album de voyage où l'on découvre l'histoire de ces TAAF.

Pour celles et ceux qui aiment les îles désertes.
D’autres avis sur la BDthèque.