La menace du dragon chinois.
Scoop inédit : ce qu'il y a de bien avec les polars, c’est qu’ils 
permettent de voyager facilement et de découvrir de nouveaux pays.
Comment ça, « on se répète » ?!

On avait déjà parlé de 
John Burdett avec l'excellent 
Bangkok 8, qui comme l'indiquait le titre du billet, nous emmenait en Thaïlande.
Cette fois, l'avion atterri à Hong Kong, en 1997 à la veille de la 
restitution à la Chine de l'ancienne colonie britannique, vestige de la 
guerre de l'opium lorsque les blancs exploitaient
    l'immense marché chinois.

On retrouve quelques clés de lecture propres à Burdett et notamment le choc des cultures qui oppose
    finement des chinois de Chine ou de Hong Kong, des Britanniques et même des Américains ou des Australiens.
[...] Chan aimait l'odeur des livres 
chinois, subtilement différente des livres occidentaux. Pas de photos 
sur les couvertures, pas de racolage commercial - tout était
    dans le texte imprimé. C'est cela que les livres devraient toujours 
sentir : le papier, la reliure et les mots, pas les fanfreluches.
Ce récit (écrit en 1997 pendant les événements de Hong Kong) nous a 
semblé un petit peu moins maîtrisé que l'humour ravageur de Bangkok (qui
 date de 2003) mais les quelques passages un peu
    faciles (genre yacht, sexe and sun) sont vite lus au bénéfice d'un 
bouquin très intéressant : le rayon polars de l'année 2008 commence avec
 une belle surprise.
Le typhon qui menace l'île de Hong Kong au début du bouquin est 
rapidement oublié : ce n'est qu'une allégorie de la menace plus 
sérieuse, celle de la Chine à qui vont être restitués ces
    territoires abandonnés par les anciens colons britanniques.
[...] Chan avait lu un poème contemporain 
dans lequel le vent était comparé à la ruée d'un milliard d'hommes 
invisibles écrasant tout sur leur passage. Le poète n'avait
    pas besoin d'être plus précis : dans la mythologie ancienne, le vent
 est une manifestation du Dragon, et le trône du Dragon appartenait à 
l'empereur de Chine.
À deux mois de l'échéance de juin 1997, il reste six millions de 
secondes : une pour chacun de ces habitants de l'île qui campent devant 
l'antre du Dragon chinois.
[...] À cinquante kilomètres au nord 
vivaient 1,4 milliard d'êtres humains dont l'attention collective était 
rivée sur Hong Kong, deux mois avant sa restitution à la
    République Populaire de Chine. C'était comme vivre dans une 
soufflerie mentale : vous sentiez le vent d'une envie et d'une haine 
incontrôlables accumulées de l'autre côté de la frontière.
    Quelqu'un a dit que Hong Kong est un lieu emprunté vivant en sursis.
 Ce sursis se mesurait maintenant en heures : quinze cents pour le 
moment, et filant vite. Les communistes arrivaient, ils
    étaient presque là.
Tout cela prend des allures de fin de siècle et tout le monde s'apprête à basculer du colonialisme anglais (une « 
dictature éclairée » !) à la dictature tout
    court.
[...] En Chine, Hong Kong n'est qu'une décoration de Noël, et Noël sera bientôt fini.
Le livre a été écrit, on l'a dit, en 1997 et depuis, il s'est avéré 
que le dragon chinois avait finalement bien appris des leçons du 
capitalisme et que les erreurs du passé (notamment
    l'effondrement de Shanghaï après sa reconquête en 1949) n'ont pas 
été reproduites : dix ans après, Hong Kong continue son expansion 
florissante, même sous le drapeau rouge.
Mais ça l'auteur ne le savait pas encore.
Dans ce décor géo-politique soigneusement dessiné, John Burdett 
trame une intrigue policière riche et complexe qui entremêle argent sale
 (on est à Hong Kong !), triades et mafias occidentales
    (russes, italiens, ... il y en a pour tous les goûts), politique, 
drogue et même nucléaire.
La prose sans pitié de John Burdett fait souvent mouche et l'on renifle même parfois des parfums de 
Michael Connelly, belle référence.
Chacun en prend pour son grade : les colons britanniques finissants,
 les expatriés de tout poil venus s'enrichir ou s'exotiser, et bien 
entendu les redoutés chinois, qu'il s'agisse des cadres
    corrompus de l'armée populaire ou des anciens fanatiques des Gardes 
Rouges dont les échos des atrocités commises pendant la 
Révolution Culturelle résonnent encore.
Il n'y avait pas grand monde à sauver en 1997 à Hong Kong ...
[...]- Franchement je donnerais dix ans de ma vie pour rester à Hong
    Kong. 
- Sur ce rocher pollué, infesté de chinetoques, superficiel, grossier, matérialiste, étouffant ? 
-
 Vous savez pourquoi ? Parce
    qu'il grouille de vie, nuit et jour. Il en déborde. Les gens courent
 dans tous les sens pour gagner leur croûte, personne n'a le temps de 
rester assis à gémir. L'Angleterre est au Vallium,
    l'Amérique au Prozac. Ici, les gens se comportent encore en êtres 
humains. Il y a de la jeunesse, de l'ambition, de l'énergie. 
Quatre-vingts pour cent de la population ont moins de trente
    ans.
Même si on a plutôt mis en avant dans ce billet le côté 
historique, voilà bien un polar «tous publics» et de quoi renforcer l'idée d'une petite escale à l'occasion d'un futur voyage
    ...<
Pour celles et ceux qui aiment découvrir les «charmes» de l'Orient. 
    L'avis (que l'on partage) de Jean-Marc.