mercredi 19 mars 2014

BD : Ma révérence

Crime et châtiment, version BD.

On s’était promis de redonner une belle place à la BD en 2014 …
Alors remercions Hannibal de nous avoir mis sur la trace des braqueurs Vincent et Gaby, deux losers de banlieue, mis en scène et en images par Wilfrid Lupano (scénario) et Rodguen (dessin(1)) dans l'album : Ma révérence.
Dans une BD on est souvent tiré et attiré par le dessin ou par le scénario. Ici c'est clairement le texte qui sert de locomotive : un texte percutant et enlevé, très dynamique, relevé par une voix off qui ponctue le récit(2), de sacrés personnages, une véritable petite nouvelle (la BD fait quand même 130 pages) qu'on dévore avec avidité.
Les flash-backs et les parenthèses dynamisent tout cela sans qu'on s'y perde un instant, le temps de faire la connaissance d'une belle galerie de portraits.
Mais la qualité remarquable du texte n'enlève rien aux mérites du dessin (c'est d'ailleurs un premier coup d’œil sur les planches qui aura achevé de nous convaincre d'acheter l'album), un dessin qui brille par une mise en page tout aussi dynamique avec des cadrages et des angles de vue très cinéma.
L'ensemble (voix off, ambiance polar, dessin nerveux et moderne, importance du texte, ...) fait un peu penser à l’atmosphère de la BD Le Tueur.
Petit coup de cœur donc pour cette histoire de braquage caritatif : le loser Vincent s'acoquine avec le loser Gaby pour braquer un convoyeur loser qu'ils côtoient dans un bar de losers.

[…] Depuis maintenant un mois, je bois mon café tous les matins à la brasserie des Sports, à côté de Bernard. Il est convoyeur de fonds… Bernard, c’est mon ticket pour les tropiques. Un beau jour, j’ai pris la décision ferme et définitive de m’emparer de tout l’argent que contient son camion et de tirer ma révérence… et ce jour-là, ma vie a changé.

Mais un braquage à la Robin des Bois puisque Vincent et sa conscience élastique ont prévu de redistribuer les fonds en partie aux convoyeurs et en partie en Afrique. Enfin, l'Afrique c'est plutôt Vincent qui va emmener les fonds avec lui pour y retrouver sa doudou et vivre au soleil avec elle ... on est vraiment pas loin du hold-up humanitaire, n'est-il pas ?

[…] - Disons que je vais contribuer à transférer des capitaux régionaux vers les pays en voie de développement.
- Du bizness ? Tu vas faire du bizness ? International ?
- Pas vraiment. Je m’occupe surtout de faciliter les formalités administratives … simplifier les procédures.
- Tu fais ça tout seul ?
- Non j’ai un associé.

Bien entendu, histoire de braquage oblige, rien ne va se dérouler comme prévu.
Dans ce qui est plus un drame social qu'un polar, Lupano s'amuse à empiler les clichés pour mieux les détourner progressivement au fil de l'intrigue.
Et au passage il en profite pour délivrer quelques messages sans prétention sur le racisme, l'homophobie ou les relations nord-sud.

Quelques planches de l’album : [1] [2] [3] [4]

(1) - Rodolphe Guenoden est un picard émigré à Los Angeles où il travaille pour Dreamworks (et Kung-fu Panda entre autres !)
(2) - entre les dialogues des bulles et la voix off, le texte reste donc astucieusement dans le registre verbal pour éviter les explications trop longues qui ne rentrent pas dans le format d'une planche de BD


Pour celles et ceux qui aiment les losers.
D'autres avis sur Babelio. Hannibal nous en avait parlé.

1 commentaire:

Hannibal le lecteur a dit…

Content que ça t'ai plu.
Je constate qu'on partage sensiblement la même analyse.
De Lupano, Le singe de Hartlepool (un peu plus axé jeunesse) me tente assez aussi. A l'occasion peut-être.