jeudi 13 mars 2008

Les demeurées (Jeanne Benameur)

La lecture des mots.

Mais pourquoi donc les auteurs modernes français s'obstinent-ils à Goncourir pour la prose la plus tarabiscotée ?
Voilà donc Jeanne Bénameur sur le podium aux côtés de Philippe Claudel, Tanguy Viel, Muriel Barbery et quelques autres.
[...] Elle dresse les yeux comme un chien sans flair tente vainement de suivre une trace. Quelque chose disparaît. La lumière a manqué. Une fois encore, la mère et la fille ont failli à la lueur dernière. Une fois encore, la petite se sent de trop dans la poussière, devant la porte. Rien n'ira plus bas que la terre.
Soyons indulgents, cette fois, Jeanne Bénameur aurait un alibi : son phrasé alambiqué désarçonne mais c'est (peut-être) pour mieux nous faire pénétrer dans l'esprit tordu de deux «abruties», deux idiots du village comme on dit.
Deux idiotes en l'occurrence : la mère et la fille, Les demeurées.
Et puis fort heureusement, au bout de quelques pages (l'opuscules n'en compte que 80), ça se calme un peu, à moins que l'on s'habitue.
Et la prose savante s'efface un peu pour laisser place à l'histoire. À l'humanité.
Car c'est une histoire poignante, comme on dit.
L'histoire d'une gamine accrochée à sa mère et d'une mère cramponnée à sa fille, car ces deux-là n'ont qu'elles deux pour survivre.
L'histoire d'une gamine que l'institutrice du village, Mademoiselle Solange, se met en tête d'amener à la lecture (Jeanne Benameur a été prof).
Et c'est là que ça se complique.

[...] Dès que les paroles claires de Mademoiselle Solange menacent de pénétrer à l'intérieur d'elle, là où toute chose pourrait se comprendre, elle fuit. D'une enjambée muette, elle se niche où le plâtre du mur se délite, au coin de la grande carte de géographie, près du bureau. Entre les grains usés, presque une poussière, elle a sa place. Elle fait mur. Aucun savoir n'entrera. L'école ne l'aura pas. Elle demeure. Abrutie comme sa mère.

Et sur le chemin de la maison, l'enfant récalcitrante recrache littéralement ses leçons, tous les mots appris de l'instit, pour être sûre qu'ils quittent sa tête.
Car la petite sait bien que ces mots risqueraient de l'arracher à sa mère. Et les deux demeurées veulent demeurer ensemble.
Qui de l'enfant têtue ou de l'institutrice obstinée aura gain de cause ?
On ne vous le dira pas bien sûr, d'autant que la réponse n'est pas si simple et que ce petit bouquin recèle quelques surprises.
On tient là une très belle histoire, un joli conte de Noël, s'il n'était pas si triste, si dur parfois.
Et surtout une très belle histoire de « mots », avec de quoi ravir tous les amoureux des livres et de la lecture.


Pour celles et ceux qui aiment les mots et la lecture.
Sylvie et Calou en parlent.

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