mardi 10 septembre 2013

La terre des mensonges (Anna B. Ragde)

Saga familiale nordique.

On dit que certaines cochettes, lorsqu’elles mettent bas leurs petits, mangent parfois une partie de leur portée : le stress, la fatigue, la peur de ne pas pouvoir les nourrir et les élever, …(1)
Là-haut en Norvège, à la ferme des Neshov, la mère n’a pas vraiment tué ses fils.
Non, pas tout à fait.
L’ainé est croque-mort de l’autre côté de la colline et depuis des années ne met plus les pieds à la ferme.
Le cadet s’est enfui à Copenhague pour mener une carrière d’artiste … et d’homo.
Le troisième enfin est le seul à être resté à la ferme : il élève des cochons et préfère s’enfermer dans la porcherie avec ses bêtes qu’il soigne avec amour plutôt que croiser la mère ou le père à la cuisine.
L’un des trois frères a eu une enfant, il y a bien longtemps, une petite-fille dont personne n’a plus jamais entendu parler. Même pas son père.
Des trois fils, c’est apparemment le seul à avoir connu une femme, Cissi. 
Juste une fois.
Une fois de trop.
Car disons le franchement,  il ne fait pas bon grandir dans les somptueux paysages glacés de Norvège.
[…] Et si seulement elle ne s’était pas servi aussi librement à table, pensa-t-il, c’était ça qui avait tout déclenché. La mère avait fait du pâté de foie et mis le couvert pour le déjeuner, avec de la confiture, du fromage, du pain tout frais et donc ce pâté de foie. Cissi avait beurré sa tartine et coupé ensuite une épaisse tranche de pâté qu’elle avait posée sur son pain. Jamais il n’oublierait l’expression sur le visage de sa mère.
Voici donc La terre des mensonges, le premier volume d’une trilogie de Anne B. Ragde qu’on a déjà croisée ici plusieurs fois  [clic] et [re-clic].
C’est presque Noël, la mère des Neshov est gravement malade et va mourir.
Pour tout le monde, c’est l’occasion redoutée de se retrouver ici.
Même la lointaine ‘petite-fille’ Torunn (elle a la quarantaine désormais) sera du voyage depuis Oslo et va (re)trouver son père et ses oncles dans ce village près de Trondheim.
L’occasion redoutée par tout le monde de raviver les souvenirs, les traumatismes d’un passé écrasant qui les a vu grandir sans amour dans l’ombre du grand-père Tallak.
[…] Il regrettait ce qu’il avait dit à Torunn, mais il espérait qu’elle finirait par comprendre que ce n’était pas un famille dans laquelle on s’offrait des cadeaux de Noël, et que Neshov n’était pas un endroit où rester.
L’écriture d’Anne B. Ragde est toujours aussi fluide et limpide.
Son histoire est forte. Voilà un excellent roman qui n’a peut-être pas le souffle épique et historique de la Tour d’arsenic (plus récent) mais qui reste de la même veine.
On regrette un petit peu l’accumulation de certains clichés, sur le couple homo au Danemark ou sur la misère de la ferme norvégienne, bien loin désormais de l’abondance du passé. Mais cela ne suffit pas à gâcher cette belle lecture d’une très sombre histoire de famille où bien sûr l’on est avide de découvrir peu à peu les secrets du passé, ceux de la naissance de Torunn et ceux plus terribles encore qui expliquent qu’aujourd’hui le père est tant haï et méprisé par ses fils.
Et qu’il se laisse faire.
L’écriture fluide et facile de A. B. Ragde aidant, au fil des pages on finit par se prendre de sympathie pour cette fratrie mal née et pour la petite dernière de la famille.
Allez, on attaque la suite : La ferme des Neshov, dont on reparlera bientôt.
(1) -  gougoule nous dit que c’est ce qu’on appelle le cannibalisme puerpéral - avec le ouèbe on est plus intelligent, ou presque

Pour celles et ceux qui aiment les histoires de famille.
D’autres avis sur Babelio.

Aucun commentaire: