dimanche 12 octobre 2014

L’écrivain national (Hervé Joncour)

La promenade de Narcisse en forêt.

Rentrée littéraire, bouquin à la mode d’un écrivain à la mode, blogs dithyrambiques, … on aurait dû se méfier de L’écrivain national.
Pourtant le pitch était prometteur : un écrivain est invité dans une petite ville de province (réceptions, signatures, ateliers, lectures, cocktails) et se retrouve à côtoyer un fait divers dans une ambiance chabrolienne.
Une disparition mystérieuse ou un meurtre ? Un règlement de compte crapuleux ou l’élimination d’un gêneur ? 
Serge Joncour et son héros (ils ne font qu’un) ont franchi le périph’ et se sont mis en tête de découvrir, pire : de nous faire découvrir, la France profonde. Celle des forêts du Morvan. Celle des notables et des bourgeois, celle où parfois viennent trouver refuge des marginaux et des écolos.
L’auteur sait parfois trouver le bon rythme et nous préparer des saveurs des plus goûteuses :

[…] On suivait des routes onduleuses qui nous soulevaient chaque fois vers un nouveau panorama.
[…] Du côté des pâturages, là où l’on produisait de la viande rouge et du fromage blanc.

Une plume appliquée qui vire quelques paragraphes plus loin à la pire des catastrophes, de celles qui sentent à plein nez les ateliers d’écriture, ceux que justement Serge Joncour évoque dans ses rendez-vous littéraires de province :

[…] Le tragique vient de ne pas anticiper l’inéluctable.
[…] Il ne suffit pas de dire vrai pour que le livre soit sincère.
[…] Elle avait bien trop la couleur du drame pour ne pas être mon soleil masqué.

Passent encore ces prétentions de plumitif qui a oublié parfois de se relire car le rejet vient encore plus sûrement de l’autodérision ironique des premières pages qui se révèle très vite n’être qu’un incorrigible narcissisme. Le jeu tourne court, il n’en reste que le je.
Serge Joncour se met en scène jusqu’à l’écœurement, apitoyé sur son propre sort et celui de son double, héros ou miroir :

[…] En plus d’être isolé, je n’avais personne pour s’apitoyer sur mon sort.

Malgré toute la bonne volonté du monde, il est bien difficile de s’intéresser au sort du héros et de son auteur, de se laisser prendre un moment par une histoire d’amour à peine crédible, de se pencher avec un peu d’empathie sur des personnages falots, de rester captivé par une intrigue policière bien mollassonne. Sans doute une lecture qu’il fallait prendre à un second ou troisième degré que l’on n’a pas trouvé en dépit de nos efforts.
Une découverte (décevante) que l’on doit à Flammarion et à l’opération Masse Critique de Babelio.


Pour celles et ceux qui aiment le Morvan.
D’autres avis plus positifs sur Babelio.


2 commentaires:

BMR a dit…

Un échange avec Serge Joncour sur Babelio :

Serge : Non non, j'ai pas oublié de me relire… Au contraire, je me relis maladivement. C'est donc pire en un sens.
Dîtes-moi, vous êtes d'une nature féroce ! Vous avez le clic allègre sur les critiques des autres.
Mais je vous dois toutefois quelque chose, car c'est bien la première qu'on me prête d'avoir fait un "bouquin", voire un livre, "à la mode". Et ça du coup, ça me touche, voilà même qui me flatte !


Bruno : Bonjour "Sergio" et merci d'avoir pris le temps de me lire !
Effectivement la critique est facile et l'art plus difficile ... d'autant que là je me suis un peu 'lâché' comme l'on dit, chose plutôt rare mais il fallait bien donner un peu de contrepoids à tous vos fans !

Kathel a dit…

Sympa, l'échange avec l'auteur ! ;-)