mardi 8 septembre 2015

Glacé (Bernard Minier)

La vengeance est un plat qui se mange glacé.

Après l'italien Piste noire sur les pentes du Tyrol, restons encore un peu dans la série sports d'hiver.
Dès les premières pages de Glacé, on sent qu'on va se plaire en compagnie de Bernard Minier, même si le titre de son thriller avait de quoi nous refroidir.
Quelques pages et l'on comprend rapidement plusieurs choses.
Bernard Minier écorche volontiers ses victimes mais pas le français. Il écrit bien, c'est clair et propre, tout le contraire de M. Koudero par exemple, pour rester dans le polar français.
Bernard Minier emmène son lecteur au cœur d'un asile psy mais ne le prend pas pour autant pour un demeuré. Il évite de nous expliquer les évidences et nous bâtit une intrigue digne de ce nom, au contraire de J. Expert.
Bref, quelques pages et nous voici tout de suite en confiance, assurés d'un bon gros thriller et de quelques heures de plaisir.
Ah, bien sûr au fil des pages l'auteur devra empiler quelques figures imposées, de celles qui ont un air de déjà-lu ou déjà-vu, mais c'est la loi du genre (et des futures adaptations ciné-tv) et c'est fait toujours dans le même style propre et net, ni trop, ni trop peu.
Généreux, Bernard Minier nous a invités dans ses régions natales aux pieds des Pyrénées. En plein hiver. Glacé.
Et au fin fond d'une vallée enneigée, dans le pays de Comminges, le pays de l'ours, il nous a préparé un décor digne de Shining : celui d'un asile psychiatrique effrayant, flanqué de hautes murailles dignes d'un QHS, et où sont enfermés les pires criminels de notre Europe, ceux qu'aucun autre établissement n'a pu ou voulu garder. Asile psychiatrique, téléphériques, usine hydroélectrique, ... Minier a le sens du décor et nous donne même à lire quelques réflexions de curieux sur le gigantisme cyclopéen de ces constructions montagnardes d'un autre siècle.
Un décor original pour une scène de crime tout aussi insolite : tout commence avec un cheval, un pur-sang, écartelé et dépecé, accroché à un pylône de téléphérique !
Le cheval appartenait à un riche homme d'affaires du pays, sorte de Bernard Tapie local.
[...] - Disons que ça ne ressemble à rien de connu.
- Mince, j'aurais bien aimé voir ça.
- Tu le verras sur la vidéo.
- Ça ressemble à quoi ?
- Un cheval accroché à un portique de téléphérique, à deux mille mètres d'altitude, répondit Servaz.
[...] Jusque là, ils n'avaient qu'une histoire bizarre - la mort d'un cheval dans des circonstances insolites - qui n'aurait jamais pris de telles proportions si, au lieu d'un milliardaire, le propriétaire de l'animal avait été un fermier du coin. Et voilà qu'elle se trouvait reliée - sans qu'il pût comprendre ni comment ni pourquoi - à l'un des plus redoutables tueurs de l'ère moderne.
Mais bien entendu, cela ne fait que commencer et l'on découvrira d'autres mises en scènes de cadavres, humains cette fois : l'auteur prend son temps pour planter son décor et ses personnages, en attendant de faire ressortir de sombres histoires du passé, enfouies jusqu'ici sous la neige ...
Bernard Minier se débrouille habilement des figures imposées par le genre et nous sert un plat glacé, suffisamment épicé et relevé, accommodé d'une sauce originale et personnelle aux puissants arômes de terroir.
C'était là son premier roman (chapeau !) et depuis le bonhomme surfe sur ce succès mérité. On va certainement y revenir, ne serait-ce que pour le plaisir de retrouver Martin Servaz, le flic qui cause en latin !

Pour celles et ceux qui aiment les sports d'hiver.
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