samedi 26 septembre 2015

Le gardien invisible (Dolores Redondo)

Polar pour dame en Euskadi.

On n'a pas toujours eu de chance avec les polars ibériques [1] [2] et les très bons sont plutôt rares [3] [4].
Belle et bonne surprise donc que la découverte de Dolores Redondo, une dame pour changer un peu, qui nous emmène en ses terres natales : le pays basque navarrais, avec ce premier épisode d'une série : Le gardien invisible.
D'entrée de jeu, Doña Redondo (qui a débuté sa carrière avec des romans historiques avant de connaitre le succès avec sa trilogie de polars) puise dans ses connaissances et ancre profondément son intrigue dans l'histoire, les légendes, le folklore et les traditions de son pays : la vallée du Baztán (qui plus bas deviendra la Bidassoa).
Juste sur l'autre versant des Pyrénées que l'on vient de visiter avec Bernard Minier.
Un peu à la manière de certains romans de Fred Vargas qui flirtent avec le fantastique [clic], il sera question ici du basajaun, l'homme des forêts.
[...] Il y a cent ans, cent cinquante tout au plus, il était rare de rencontrer quelqu’un qui déclare ne pas croire aux sorcières, belagiles, basajaun, tartalo et, surtout, en Mari, la déesse, le génie, la mère, la protectrice des récoltes et des troupeaux qui faisaient tonner le ciel à sa guise et tomber une grêle qui plongeait le village dans la plus terrible des famines. À une époque les gens croyaient plus volontiers aux sorcières qu’en la très sainte Trinité, et cela n’échappait pas à l’Église, qui voyait ses fidèles, au sortir de la messe, continuer à observer les rituels anciens que leurs familles se transmettaient depuis un temps immémorial.
[...] Un basajaun… Qu’est-ce que c’est, une sorte de génie de la forêt ? s’enquit James.
– Non, non, un basajaun est une créature réelle, un hominidé d’environ deux mètres cinquante, large d’épaules, les cheveux longs et bien sûr couvert de poils. Il habite dans les bois, auquel il appartient.
Cerise sur le gâteau basque, l'auteure écrit au féminin : bien sûr c'est une fliquette qui va mener l'enquête, mais ce n'est pas tout et l'inspectrice Amaia Salazar semble aussi avoir hérité d'un lourd passé et d'une curieuse famille.
Les sœurs et les tantes d'Amaia ne sont pas là que pour la figuration et on se surprend même, après quelques chapitres, à s'intéresser plus à la famille Salazar qu'à la poursuite du serial-killer !
C'est un comble pour un polar et c'est dire si Dolores Redondo sait écrire !
Une sacré galerie de portraits ibériques avec au centre de la photo de famille, la vieille tata Engrasi qui tire les cartes au tarot mais qui joue également au poker !
[...] La joyeuse bande se réunissait depuis des années pour jouer au poker durant les soirées d’hiver. Avec plus de soixante-dix printemps au compteur, la plus jeune était Engrasi, et la plus âgée Josepa, frôlant les quatre-vingts. Engrasi et trois autres étaient veuves, seules deux d’entre elles avaient toujours leur mari.
Las, au fil des pages, Doña Redondo pousse un peu trop loin les explications répétées sur la mythologie locale, les êtres des forêts, l'enfance douloureuse d'Amaia, les tarots, les ours et j'en passe. Cela plombe un peu le récit qui aurait bien mérité une petite cure d'amaigrissement pour se concentrer sur l'âpreté de la région et la rudesse de ses habitants.
Reste une belle plume, un beau décor, de beaux portraits de dame et finalement une belle intrigue parce que bien sûr le polar reprendra ses droits et le lecteur se fera, c'est le cas de le dire vous verrez, se fera rouler dans la farine.
[...] – Inspectrice, une patrouille a trouvé deux chaussures de fille placées sur le bas-côté, les bouts orientés vers la route. Ils ont appelé il y a un moment, je vous envoie une voiture et on se retrouve là-bas.
– Ils ont trouvé le corps ? demanda Amaia en baissant la tête.
– Pas encore, c’est une zone difficile d’accès.
Doña Redondo n'en est pas restée là et la suite de la trilogie du Baztán devrait nous emmener de nouveau outre-Pyrénées.

Pour celles et ceux qui aiment les yétis.
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