mardi 10 mai 2016

Après le déluge (Joy Castro)

[...] Ça fait potentiellement beaucoup de pervers dans nos rues.

Au plus près, le second roman de l'américaine Joy Castro est en tête de gondole en ce moment, mais comme la série s'annonce prometteuse, on a choisi de commencer par le début.
Par le début de la carrière de Nola Céspedes, journaliste d'origine cubaine au Times-Picayune de La Nouvelle-Orléans.
[...] Notre ville est bâtie sur un sol peu profond ; la nappe phréatique s'étend juste sous nos pieds. Quand ces mêmes troupes britanniques ont perdu la bataille de La Nouvelle-Orléans, elles ont voulu ensevelir leurs morts, mais la boue a rejeté les cadavres ruisselants et pourrissants, comme dans un cauchemar peuplé de zombies. Nous nous fardons et nous sculptons des anges de pierre. Nous buvons de l'absinthe et faisons un double nœud aux rubans de nos masques. Nous embellissons tout ce qui peut l'être. Ici, à La Nouvelle-Orléans, rien de ce qui est enterré ne peut le rester longtemps.
Si vous avez trop côtoyé les flics virils et avinés, suivez les traces de la jeune Nola Céspedes.
Si vous voulez sortir de la boue des marais électriques [clic], venez visiter NOLA (New-Orleans LouisianA) avec la guide Joy Castro.
Nous voici donc quelques temps Après le déluge, après Katrina.
[...] En 2005, quand l'ouragan Katrina a provoqué des coupures d'électricité et que le maire, Ray Nagin, a ordonné l'évacuation de la ville, plus de mille trois cents délinquants sexuels fichés en ont profité pour disparaître des écrans radars. Aujourd'hui, trois ans plus tard, huit cents sont toujours introuvables. [...] Ça fait potentiellement beaucoup de pervers dans nos rues.
Après le déluge donc, la jeune journaliste hispanique Nola entreprend une enquête sur le milieu des délinquants sexuels et pédophiles, un sujet pas trop réjouissant mais sur lequel Joy Castro réussit paradoxalement à broder une lecture bien agréable.
[...] C’est une opportunité exceptionnelle, le genre de reportage susceptible de relancer une carrière – exactement ce dont je rêvais. Mais interroger des violeurs, des pédophiles, des désaxés... Franchement cette pensée me flanque une frousse bleue.
Un bouquin original ou plus exactement un bouquin au ton inhabituel : Nola et ses amies [proches de la trentaine, hispaniques, qué mignonnes…], c'est un peu l'ambiance Sex and the City. Beaucoup de féminité et de légèreté sur une toile de fond pourtant grave.
On a même droit à une visite guidée des meilleurs lieux de la Nouvelle-Orléans et quelques anecdotes historiques fort instructives.
Mais ce bouquin est tout sauf superficiel et l'on découvre une étude assez documentée de ce sujet dit 'de société' et des conséquences de la fameuse loi dite de Megan qui permet de 'ficher' ces délinquants et leurs déplacements.
[...] Presque tous les violeurs sont des hommes, presque tous les pédophiles aussi. Il arrive que des femmes abusent d'enfants, mais la proportion est infime, et dans l'imaginaire collectif c'est une figure masculine qui hante ce créneau effrayant.
[...] Les pédophiles ont tendance à être un peu plus âgés que les violeurs, mais seulement parce qu'un grand nombre d'entre eux ont abusé d'enfants pendant plusieurs années avant d'être arrêtés et jugés.
Bref, un roman inhabituel, très féminin, qui réserve son lot de surprises dont la vie sexuelle de Nola (les fans de foot apprécieront ...) et un dénouement pour le moins étonnant.
[...] Je n'avoue cependant jamais mes aventures sur les terrains de foot.
Cette première excursion en compagnie de Nola nous a donné envie de continuer à découvrir la vie mouvementée de cette jeune journaliste, une hispanique un peu à l'étroit dans ce monde en noir et blanc qu'est la Nouvelle-Orléans.
[...] Jeune, célibataire, et toujours à la limite du découvert bancaire.
[...] Je suis peut-être née ici, mais je n'ai pas l'intention d'y moisir. J'ai pour ambition de rédiger quelques papiers chocs, de me faire remarquer, de boucler mon sac et de porter mes articles à un vrai journal dans une vraie ville.
[...] Je sais qu'on me considère comme exubérante, parce que je suis toujours en train de bavarder, de faire entendre les intonations chantantes qui me restent de l'espagnol appris dans mon enfance, et parce que je choisis toujours des tenues voyantes, des chemisiers trop moulants d'un rouge trop éclatant. Les autres femmes, tirées à quatre épingles, ne manquent jamais de gratifier d'un regard réprobateur l'épais trait d'eyeliner noir qui souligne mes yeux, le gloss bordeaux sur mes lèvres, les grosses créoles en or à mes oreilles, à travers lesquelles je pourrais passer le poignet.
[...] Mon propre isolement en tant qu'Hispanique dans une ville en noir et blanc.
[...] Ces groupes de Latinos qui avaient afflué après Katrina.
[...] Les hommes sont venus en masse, faisant souffler sur La Nouvelle-Orléans un premier vent de panique hispanique.

Pour celles et ceux qui aiment les journalistes.
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