samedi 31 août 2019

L'étrange voyage de Donald Crowhurst (Ron Hall et Nicholas Tomalin)

[...] Un voyage de ce genre, touche presque à la folie.

C’est pas l’homme qui prend la mer ... dit-on.
Mais ce n’est pas non plus la mer qui a pris Donald Crowhurst, ce sont plutôt ses propres mensonges : l’une des plus grandes escroqueries du siècle dernier.
Criblé de dettes, Donald Crowhurst s’engage en octobre 68 dans la première course en solitaire et sans escale autour du monde, en espérant ainsi renflouer ses finances avec le premier prix.
[...] Je suis parti le 31 octobre, dernier jour autorisé par le règlement, et mon départ s'est effectué dans un véritable tourbillon. De ma vie, je n'avais pris la mer dans un tel état d'impréparation. J'ai appareillé sans avoir seulement pu hisser les voiles que j'avais l'intention d'utiliser, ce qui, pour un voyage de ce genre, touche presque à la folie. 
En juillet 1969, 240 jours plus tard, il se prépare à franchir la ligne d’arrivée en grand gagnant devant les autres concurrents qui approchent (Bernard Moitessier en était) ... mais Donald Crowhurst n’a pas quitté l’Atlantique où il cabotait en rond !
Avant l’invention des GPS et autres balises, équipé de sa seule radio, il aura réussi à mystifier tout le monde, à commencer par lui-même peut-être.
Mais la fin sera beaucoup plus tragique.
Ce bouquin déjà ancien est paru juste après, en 1972, et a été rédigé par deux journalistes du Sunday TimesRon Hall et Nicholas Tomalin, qui avaient couvert les événements.
C’est le résultat d’un travail scrupuleux et rigoureux autant dans la recherche des infos que dans la narration qui évite les pièges du ‘roman’ (l’histoire réelle est tellement stupéfiante qu’elle se suffit à elle-même) comme l’aridité du simple compte-rendu journalistique.
[...] Par-dessus tout, il y avait la certitude croissante que sa fraude ne passerait pas inaperçue.
[...] Pratiquement, toutes ses actions au cours de la deuxième moitié de son voyage avaient été consacrées à rendre son histoire vraisemblable. 
Tout l’intérêt du bouquin et de la remarquable enquête des journalistes tient dans la personnalité complexe de l’étrange Donald Crowhurst : ce n’est pas un vulgaire escroc (il n’avait pas pris la mer avec l’idée de tricher), ce n’est pas non plus un simple barjot mythomane.
Et puis il y a la véritable prouesse nautique qui aura consisté à inventer une course plausible et à en rendre compte semaine après semaine sans se fourvoyer ni se contredire !
[...] Sa fraude est, à beaucoup d'égards, la réalisation technique la plus extraordinaire de tout le voyage. 
Avec les deux journalistes, on accompagne au quotidien Donald Crowhurst qui, de petits mensonges en grosses vantardises, s’enfonce peu à peu dans les profondeurs de ce qui finira par devenir une véritable folie. Jusqu’à sa fin tragique. Stupéfiant.
[...] Il aura été écrasé par les pressions accumulées de la situation cauchemardesque dans laquelle il se trouvait, par la solitude, par un environnement hostile, l'effort épuisant que réclamait son mensonge.
[...] Ce qui précipita finalement la folie de Crowhurst, nous ne le savons pas de façon sûre. 
Dommage que la fin de ce bouquin, mi-enquête journalistique, mi-roman d’aventures, soit plombée par quelques chapitres que l’on feuillette rapidement : les deux auteurs se sont laissés embarqués dans une exégèse des textes mystiques écrits par le navigateur solitaire pendant les derniers jours de son périple ...
Cette histoire extraordinaire aura paradoxalement donné quelques films très ordinaires : Les quarantièmes rugissants (1982 de Christian de Challonge avec Jacques Perrin), Deep Water en 2006 et plus récemment Le jour de mon retour (ou Mercy de l’anglais James Marsh en 2018 avec Colin Firth).
Isabelle Autissier a également écrit un roman librement inspiré de cette étonnante histoire.
La Golden Globe vient de fêter ses cinquante ans et se pratique toujours avec des voiliers à l’ancienne.

Pour celles et ceux qui aiment les navigateurs solitaires, même un peu fous.
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