[...] On sait tous comment ça va finir.
Un très court roman noir, le récit d'une fusillade. Une douzaine de personnages dans un bar écrasé de chaleur. Il y aura huit tirs, une quinzaine de balles et très peu de survivants.
Un montage très cinéma pour les chapitres de ce véritable scénario de court-métrage.
L'auteur, le livre (176 pages, mars 2025) :
Le bordelais Guillaume Guéraud (né en 72) s'est laissé tenté par le cinéma avant de se lancer dans l'écriture : son style très visuel, très graphique, s'en ressent énormément.
On le découvre ici avec cette courte histoire : La dernière étape, que l'auteur dédie à Sam Peckinpah et Johnnie To.
Le canevas et les personnages :
La dernière étape, c'est l'enseigne d'un rade paumé, un resto routier, au bord d'une départementale anonyme du sud de la France, écrasée de chaleur. Un bled perdu en pleine canicule, façon Bagdad Café.
« La Dernière Étape est l’unique construction de ce coin paumé. Loin de la mer, loin de la ville, loin de tout. »
« La Dernière Étape est l’unique construction de ce coin paumé. Loin de la mer, loin de la ville, loin de tout. »
Rares sont ceux qui y font étape sauf aujourd'hui, au menu du jour c'est "règlement de comptes".
Melvin est sorti de taule la veille, sa chérie Jennifer est venue le chercher à sa sortie de prison et ils reprennent leur business au café.
Mais Melvin est un voyou, un vrai gangster et, avant ses vacances en taule, il avait eu le temps de trahir son boss, Karim Kazmir, un autre bandit. Une trahison plutôt moche qui appelle la vengeance.
Tout le monde sait que Kazmir va débarquer pour la savourer, sa vengeance, même s'il fait très chaud et que le vengeance se déguste généralement froide.
Au rendez-vous, il y a là deux flics qui sont venus, non pas pour protéger Melvin (après tout ...), mais plutôt pour alpaguer l'insaisissable Kazmir.
« [...] Au mauvais endroit au mauvais moment. Il croyait s’être préparé au pire mais rien ne lui sera épargné. Même ce qui n’arrive jamais, ou ce qui n’arrive qu’aux autres, lui tombe dessus. Ici et maintenant. »Vers 14h30, juste avant les premiers coups de feu, il y a là moins d'une douzaine de personnes.
Melvin et Jennifer, les deux flics, Kazmir qui débarquent avec deux autres porte-flingues et quelques clients de passage. Peu de personnages mais beaucoup sont armés. On va pouvoir compter une demi-douzaine de flingues et une quinzaine de balles seront tirées.
Unité de lieu, de temps et d'action, tout va se dérouler en quelques minutes à peine.
Un carnage. Il y aura très peu de survivants.
Alors, par ordre de sortie de scène :
. Slimane, l'adjoint du flic coréen,
. Sanchez, le chauffeur du gangster qui vient réclamer sa vengeance,
. Lee Kang-Ho, le flic d'origine coréenne, surnommé le kangourou,
. Arthur, l'oncle d'Amérique,
. Marco, un roumain, éclaireur ou avant garde du gangster qui vient réclamer ...,
. Jennifer, la chérie de Melvin,
. Melvin Miller, le tenancier libéré de prison hier, celui qui a trahi le gangster qui vient ...,
. Karim Kazmir, le gangster qui était venu réclamer sa vengeance.
♥ On aime beaucoup :
➔ D'habitude au cinoche on présente les acteurs par ordre d'entrée en scène, par ordre d'apparition à l'écran. Guillaume Guéraud nous prend à contre-pied : on va découvrir ses personnages par ordre de "sortie" de la scène, par ordre de disparition.
Avec une astucieuse construction faite de très courts chapitres (trois ou quatre pages).
Un chapitre pour décrire l'un des tirs : le gars qui sort son flingue, le modèle de son arme, le type de munitions, le doigt sur la gâchette, le percuteur sur la douille, l'explosion de la poudre, l'éjection de la balle, sa vitesse, sa trajectoire, variable selon l'habileté du tireur.
Un chapitre au ralenti, très visuel, graphique, façon Potemkine ou Sergio Leone pour rester au cinéma.
Et puis l'impact.
Au choix : une bouteille du bar, une tempe droite, un sourcil gauche, un sternum, une artère fémorale, ... il y en aura pour tous les goûts et quelques semaines de boulot pour les légistes et balisticiens.
Au choix : une bouteille du bar, une tempe droite, un sourcil gauche, un sternum, une artère fémorale, ... il y en aura pour tous les goûts et quelques semaines de boulot pour les légistes et balisticiens.
Au bout de la trajectoire, l'autre type, la cible, tombe sur le carreau et meurt plus ou moins vite.
Chapitre suivant, on fait la connaissance du gars que l'on vient de voir étendu raide mort : ses quelques heures avant la fusillade, quand, comment, pourquoi est-il venu.
On revoit avec lui sa dernière étape en quelque sorte.
Et ainsi de suite. Huit tirs. Huit enchaînements de chapitres.
➔ Mais ce serait trop facile d'en rester là, alors Guéraud a glissé une petite surprise. Une cerise qu'on n'a pas vu venir sur le gâteau, trop occupé qu'on était à compter les balles et les cadavres, assourdi par le bruit des détonations (mais que les paresseux se rassurent : il y a même un "générique de fin" à la findu film du bouquin qui liste les armes et les tirs !).
➔ Et puis c'est un bel exercice de style, un "à la manière de", de ces polars noirs des années 70-80, ceux de JP. Manchette ou FH. Fajardie : une prose sèche, factuelle, sans plus d'état d'âme que les tireurs.
Un bel hommage au style de l'époque et une savoureuse gourmandise pour les amateurs du genre.
➔ Mais ce serait trop facile d'en rester là, alors Guéraud a glissé une petite surprise. Une cerise qu'on n'a pas vu venir sur le gâteau, trop occupé qu'on était à compter les balles et les cadavres, assourdi par le bruit des détonations (mais que les paresseux se rassurent : il y a même un "générique de fin" à la fin
➔ Et puis c'est un bel exercice de style, un "à la manière de", de ces polars noirs des années 70-80, ceux de JP. Manchette ou FH. Fajardie : une prose sèche, factuelle, sans plus d'état d'âme que les tireurs.
Un bel hommage au style de l'époque et une savoureuse gourmandise pour les amateurs du genre.
➔ Ah, et puis celle-là que j'aime bien et que je vous ai gardée pour la fin : « La fin de la civilisation, c’est le capitalisme. Quand il a commencé à produire des bombes atomiques et des gobelets en plastique…».
Pour celles et ceux qui aiment les balles perdues.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce à La Manufacture de Livres (SP).
Ma chronique dans les revues Benzine et ActuaLitté.
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