mercredi 20 février 2008

38, rue Petrovka (Alexandra Marinina)

Navarro au pays des soviets.

À Moscou, juste à la fin de la guerre de 45, en pleine démobilisation, l'équivalent de notre 36, quai des Orfèvres se situe là-bas au 38, rue Pétrovka.
On n'a pas souvent l'occasion d'explorer la littérature policière russe et on avait déjà été plutôt déçu par Alexandra Marinina.
Folio a eu la bonne idée de rééditer cet aimable polar des frères Vaïner, même si nous avons découvert depuis, qu'ils sont beaucoup plus connus pour L'évangile du bourreau, qu'on ne manquera pas de lire prochainement, c'est promis.
Le 38, rue Pétrovka, c'est donc le siège de la brigade criminelle de Moscou alors que les soldats reviennent à peine du front.
[...] Dans la rue Kirov, des ouvriers retiraient les panneaux de contre-plaqué qui avaient protégé les murs de verre de l'imposant édifice de la Direction des statistiques pendant les longues années de guerre.
Nous voici plongés dans un Moscou où flotte comme un parfum de nostalgie des années 40/50, quand la révolution socialiste se relevait avec enthousiasme des désastres de la guerre et entreprenait d'éradiquer le crime en vue de l'avènement d'un monde meilleur.
À cette époque et en ce lieu, les criminels sont bien sûr hors-la-loi comme partout ailleurs mais, ce qui est bien pis, ils font preuve d'un comportement tout à fait anti-socialiste à s'approprier ainsi, à titre individuel, le bien collectif du peuple !
Le bouquin (écrit en 1983, à la toute fin des années Brejnev) plaira aux amateurs de séries télé (il a d'ailleurs été adapté pour une série à succès de la télé russe) puisqu'il est construit un peu à la manière de La Crim' et autres Navarro : une équipe d'enquête et ses petits soucis, une bluette amoureuse, une ou deux intrigues principales et quelques investigations mineures, tout cela s'entrecroise plutôt habilement.
L'écriture est simple et l'intrigue tout autant mais le charme exotique vient évidemment de la description minutieuse de la vie quotidienne du Moscou d'après-guerre : les tickets de rationnement, la démobilisation, les réunions du Komsomol (nos héros n'ont pas trente ans), le redémarrage des usines et de l'économie, les Zis (qui ne deviendront les Zil qu'à la déstalinisation), le régime pomme de terre/vodka, les appartements communautaires, ...
[...] Mikhaïl Bomzé était seul dans la cuisine de l'immense logement communautaire. Il était assis sur un tabouret bancal devant sa table - il y en avait neuf à la cuisine - et mangeait des patates bouillies accompagnées d'oignons. 
[...] Je jetai sur la poêle un moceau de saindoux, fouettai les oeufs en poudre dans un bol, l'émulsion jaune grésilla sur la fonte noire, et je rapportai de ma chambre une miche de pain de seigle et six morceaux de sucre qui me restaient encore. Comme Bomzé avait du thé, le petit-déjeuner fut des plus réussis.
Petit polar sympa au pays des soviets.

Pour celles et ceux qui aiment le rouge et le noir.

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