jeudi 19 novembre 2015

De chair et d'os (Dolores Redondo)

Les sorcières : il ne faut pas y croire mais il ne faut pas dire qu'elles n'existent pas.

Après Le gardien invisible, on n'a pas attendu bien longtemps (pas assez peut-être) pour repartir dans la vallée du Baztán en compagnie de Dolores Redondo, à la chasse aux sorcières et autres créatures fantastiques : celles auxquelles il ne faut pas croire mais dont il ne faut pas dire qu'elles n'existent pas.
La recette est la même qui mêle l'enquête policière sur des crimes bien réels et le retour de superstitions anciennes ancrées dans les traditions du pays.
Cette fois, c'est un Tarttalo qui prend la suite du basajaun de l'épisode précédent : une sorte de cyclope, version locale de celui d'Ulysse.
[...] — Un tarttalo, c’est un être mythologique, non ?
— Je crois… oui, un cyclope de la mythologie gréco-romaine, et basque aussi, c’est tout ce que je sais. Où voulez-vous en venir ?
[...] Il ne faut pas croire qu’elles existent, il ne faut pas dire qu’elles n’existent pas », cita Engrasi en référence à un vieil adage sur les sorcières, qui avait été si populaire à peine un siècle plus tôt. 
Notons que pour une fois, il est préférable d'avoir lu l'épisode précédent avant d'attaquer celui-ci : la trilogie d'Amaia Salazar est un tout très homogène.
Entre Pampelune et le petit village d'Elizondo, on retrouve d'ailleurs la plupart des personnages de Dolores Redondo : la tante Engrasi, le veule Montes, le gai Jonan et bien d'autres.
Quant à Amaia et son artiste de mari, ils viennent tout juste d'avoir un bébé : et quand on connait le sombre passé de l'ama, on ne s'étonnera pas que la toute nouvelle maternité de Chef Salazar soit plutôt difficile ...
Et tout comme dans le premier tome, c'est encore un peu là que le bât blesse : Doña Redondo en fait des tonnes, se répète beaucoup et nous lasse un peu. Visiblement elle a encore oublié de faire dégraisser son plat à la cuisson.
À force de digressions répétitives, les affres de la maternité nous deviennent bientôt insupportables et l'on est pris d'une envie furieuse de balancer et le mari et le bébé avec l'eau du bain pour se concentrer sur Chef Salazar et son enquête. C'est d'autant plus dommage que cela fait pourtant partie de l'intrigue.
En dépit de ces longueurs, on apprécie toujours l'écriture fluide de l'auteure et le décor historique habilement entremêlé à l'intrigue (et on laissera passer un peu plus de temps avant d'apprécier le dernier épisode).
[...] Trois crimes apparemment sans lien entre eux, commis par trois assassins vulgaires dans des lieux différents, la même amputation à chaque fois, le membre amputé qui disparaît dans la nature, les trois meurtriers qui se suicident en prison ou sous surveillance, et laissant tous les trois un message identique écrit sur les murs, le nom d’une bête dévoreuse de bergers, de jeunes filles et de moutons. La chair des innocents. Le message inscrit sur la pierre, sauvagement, en lettres de sang : « Tarttalo ».
Outre l'effrayant Tarttalo, il sera ici question des cagots, ces parias de la société moyenâgeuse.
[...] — Je ne suis pas historienne, Jonan, mais je sais qu’à cette époque toute l’Europe empestait la chair brûlée vive.
— C’est vrai. Mais dans le cas des cagots, la ségrégation a duré pendant des siècles.
Et on aura même droit à un petit tour dans un asile psychiatrique de haute sécurité qui rappelle étonnamment celui de Bernard Minier de ce côté-ci des Pyrénées !

Pour celles et ceux qui aiment les yétis basques.
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