mardi 19 avril 2016

Condor (Caryl Férey)

[...] Hostile. Le monde était devenu hostile.

Notre auteur national d'ethno-polars Caryl Férey, continue son tour d'Amérique du Sud et après son Mapuche argentin, nous emmène au Chili où l'on se doute qu'avec un tel guide, ce ne sera certainement pas une promenade de santé.
Il sera encore question ici d'indiens mapuche et bien sûr du sombre passé d'un pays qui a bien du mal à gérer l'héritage de violence économique et sociale : Caryl Férey a convoqué les dictatures et la tristement célèbre Opération Condor [clic] qui sert de décor à un thriller très actuel.
En fait, Caryl Férey convoque un peu tout de le monde et nous sert un best-of d'empenadas à la chilienne.
Plusieurs passages nous évoqueront par exemple Les évadés de Santiago ou encore le No du référendum.
[...] La dérégulation tous azimuts que les Chicago Boys expérimentaient au Chili était une nouvelle forme de capitalisme où l'État non seulement se désengageait de l'économie et des services publics, mais bradait le pays entier au secteur privé.
[...] « Ils » avaient privatisé la santé, l'éducation, les retraites, les transports, les communications, l'eau, l'électricité, les mines.
[...] Les Chicago Boys de Guzmán avaient passé le pays au tamis de la cupidité.
[...] Le monde avait changé. Les défenseurs du « Non » lors du référendum ne s'y étaient pas trompés : personne ne voulait revoir les images de la Moneda en flammes, la répression, la torture. Trop anxiogène.
Sans compter que ça démarre à la Zulu avec de pauvres gosses d'un bidonville décimés par une nouvelle drogue et que la cavale qui s'ensuivra rappelle bigrement celle de Mapuche. Autant dire que les empenadas sentent un peu le réchauffé.
[...] On a eu le résultat des analyses tout à l'heure, annonça-t-elle. La cocaïne est quasi pure. Quatre-vingt-dix-huit pour cent, d'après le flic des narcotiques.
— La coke d'El Chuque ?
— Mm, mm, fit-elle, la bouche pleine.
— Comment cette petite racaille peut se trimballer avec un produit pareil dans les poches ? s'étonna Stefano.
— C'est aussi la question qu'on se pose. Et d'après le copain flic d'Esteban, cette coke est un vrai danger public. On n'a pas de preuves pour le moment, mais ça expliquerait l'hécatombe parmi les jeunes de La Victoria.
[...] — Ça n'explique pas le lien entre la cocaïne et l'achat de terres dans la région, dit-il. Jamais Edwards ne se serait fourvoyé dans une histoire de drogue. Il y a autre chose, forcément, un business avec Schober…
— Sa nouvelle société minière ? avança Stefano.
Ajoutons à cela qu'au fil des années, la prose de Férey se fait de plus en plus prétentieuse et alambiquée : le vol de ce Condor multiplie les passages en voltige, au style pompeux gorgés d'effets ampoulés ou au lyrisme poétique qui finissent par irriter.
[...] Même les courants d'air faisaient figure de survivants.
[...] Un nuage blanc passa dans son esprit. Une série d'anamorphoses au brouillard aveuglant qui la tinrent en haleine.
Et puis soudain, au détour d'un chapitre, comme si l'oiseau se laissait rattraper par la puissance et la  violence de son histoire, on plonge en piqué pour un thriller prenant et efficace : Caryl Férey n'a pas perdu la main.
Un bouquin très inégal qui n'apporte finalement rien de bien nouveau depuis Mapuche.
Une déception après les auteurs chiliens lus récemment [clic] comme Boris Quercia ou Ramón Díaz Eterovic.
Ah, petit coup de cœur personnel de MAM & BMR pour la fin du parcours qui emmène le lecteur jusqu'à San Pedro de Atacama, au bord du désert trop salé du même nom - un de nos plus beaux voyages [clic] - pour un final aux allures de western.
[...] Manque plus qu'une attaque d'Indiens à cheval, ironisa Porfillo pour détendre l'atmosphère.
Ah encore, on ne peut résister au plaisir de deux autres petites citations :
[...] Le carabinier avait quarante-neuf ans, une vingtaine d'hommes sous ses ordres, dont la moitié était aussi corruptible qu'une banque d'investissement.
[...] Autant croire au protocole de Kyoto.

Comme d'habitude avec cet auteur : pour celles et ceux qui aiment voyager, y compris dans le passé récent.
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