dimanche 17 juillet 2016

Puerto Apache (Juan Martini)

[...] Et tout ce que tu espères, c’est qu’il y ait de meilleurs moments à vivre.

Qui donc avait dit, à propos des favelas :
[...] Nous sommes le problème du XXI° siècle.
Les habitants du bidonville de la villa miseria Puerto Apache, près de Buenos Aires (sans doute inspiré de la Villa 31 ou de la Villa Rodrigo bueno à la Costanera Sur), se sont approprié le slogan et ont affiché cette banderole à l'entrée de leur bidonville.
Et à l'heure où les JO pas très riants de Rio tentent (bien mal) de masquer ce problème du XXI° siècle,  Juan Martini nous invite à une balade toute indiquée dans l'équivalent argentin des favelas : les villas miserias ou villas de emergencia.
Avouons qu'il faut quelques pages pour s'habituer au texte (un récit raconté à la première personne) sec et violent, qui ne fait guère de concessions et ne laisse guère de place au confort du lecteur. Mais le cap franchi, on se laisse ensuite porter par les aventures de celui qu'on surnomme le Rat.
[...] Y’a pas longtemps, j’ai vu un film où un mec demandait pardon d’être né riche. C’était pas un film argentin : ici, personne aurait ce genre d’idée.
[...] On doit bouffer, comme tout le monde. On essaie de gagner notre vie, comme presque tout le monde.
[...] Et tout ce que tu espères, c’est qu’il y ait de meilleurs moments à vivre.
[...] À Puerto Apache il y a, je sais pas, vingt ou trente blocs. On a tracé les rues, on a tiré au sort, on a donné à chacun sa parcelle, mais on a rien brûlé. S'il y avait des arbustes ou des plantes à déplacer, on les a déplacés. On est pas venus ici pour tout saccager. On est venu ici parce que les gens ont besoin d'un endroit pour vivre. Nous, on est réglos.
Le Rat est dans de sales draps. Des amis ne lui veulent pas que du bien, il vient de se faire tabasser et les nanas (bon déjà que y'en n'a pas qu'une) les nanas, c'est pas tout à fait ça non plus.
C'est noir, c'est violent. La balade dans les villas miseria n'a vraiment rien de touristique.
Mais c'est plutôt très bien écrit, même si l'on regrette quelques répétitions un peu trop introspectives. Quelques longueurs qui ne nous empêcheront pas de goûter les saveurs d'un récit fait de digressions qui s'accrochent les unes aux autres, de récits qui s'emboîtent les uns dans les autres et de toute une galerie de personnages qui eux aussi, semblent s'accrocher les uns aux autres : le Rat, le Pélican, le Vieux, Madame Jeanne, le Tordu, le Moustachu, Toti, la belle et lointaine Marù, ...
[...] Il y a des fois où on ne pense à rien. C’est des moments rares, parce qu’on a presque toujours la tête encombrée.
[...] Parfois, sans qu’on s’en rende compte, la vie bifurque et nous fait prendre un chemin différent. Quand ça se produit, il faut être prêt à embarquer. À monter dans le train de la vie, pour aller là où il nous emmène. On n’a pas toujours assez d’argent pour payer les péages. La vie aussi des fois, elle a un train au-dessus de nos moyens. C’est pas si différent de ce qui arrive avec les femmes.
[...] Qu’est-ce que ça fait, de venir d’un pays qui n’a pas la mer ?
[...] Moi, j’aime bien savoir comment on écrit les mots. C’est une manie que j’ai, voire une obsession, comme disait ma mère. La pauvre. Elle peut même plus lire le journal. Heureusement qu’elle a la télé pour se tenir au courant de ce qui se passe. « Toi, mon petit Pablo, tu as un truc avec les mots », qu’elle me disait quand j’étais petit.
Tout comme son Rat, Juan Martini a visiblement 'un truc avec les mots' et sa prose originale mérite le détour par les villas miserias de Buenos Aires.

Pour celles et ceux qui aiment les bidonvilles.
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