vendredi 1 mars 2019

Doggerland (Elisabeth Filhol)

[...] Une sorte de gué au milieu de la mer.

La Mer du Nord comme vous ne l’avez jamais lue ...
Il est des lectures qui vous laissent avec l'impression d'être, pendant quelques heures, un peu plus intelligent.
Doggerland est de ces bouquins.
La magie du titre choisi par la française Elisabeth Filhol évoque celle des litanies hypnotiques des bulletins de la météo marine : Humber, Fisher, German, Dogger, …
Le Dogger Bank c'est en effet ce gigantesque banc de sable entre Ecosse et Pays-Bas, vestige des moraines glacières d'il y a quelques milliers d'années : vingt mètres de fond seulement, convoités par les chalutiers jadis, par les compagnies pétrolières aujourd'hui et demain par les planteurs d'éoliennes géantes.
[...] Ce qui reste du Doggerland, le Dogger Bank, gît par quinze à trente mètre de fond, à cheval sur le 54e parallèle. Certains y voient une aire poissonneuse, d’autres une élévation du plancher marin propice à l’ancrage des infrastructures offshore, c’est une sorte de gué au milieu de la mer du Nord.
Un territoire régulièrement chahuté par les tempêtes hivernales comme celle de décembre 2013, Xaver, que l'on va suivre tout au long de ces pages.
Attention tout de même : qu'elle nous explique les phénomènes scientifiques à l'oeuvre ou qu'elle explore les sentiments de ses personnages, Elisabeth Filhol est bien fidèle à sa tête de premier de la classe et sa prose est donc exigeante qui allonge de longues phrases, parsemées de détours explicatifs et de virgules respiratoires, enrichies d'argumentations et de circonvolutions qui finissent par former une savante musique à laquelle il faut habituer notre oreille, par composer un rythme que notre œil doit apprivoiser.
Comme le grand tableau noir où la craie fiévreuse du scientifique gribouille et enchevêtre des formules interminables et complexes mais d'où soudain émerge la compréhension.
Avec cet étrange roman, entre fiction scientifique et romance amoureuse, Elisabeth Filhol tente de faire revivre l’Atlantide du nord ...
C’est aussi un bouquin à ranger dans notre rayon cli-fi (climate-fiction) histoire de nous habituer peu à peu, à l'inexorable montée des eaux qui ont déjà submergé nos lointains ancêtres du Doggerland.
[...] Ça monte, on s’organise. On oublie d’une fois sur l’autre. Chaque submersion, chaque raz de marée est sans précédent dans la conscience collective.

Pour celles et ceux qui attendent la fin du monde.
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