samedi 12 décembre 2020

Regarder le noir

[...] Je me suis assis et j’ai regardé.

C'est devenu à la mode : réunir quelques grandes plumes du monde du polar et leur confier un cahier des charges pour chacun(e) une nouvelle.
Avec Regarder le noirYvan Fauth a choisi la vue, le regard, la vision, l'un de nos cinq sens.
Les yeux sont un organe sensible, critique, fragile. 
Alors de toute évidence, ça va faire mal ! D'autant que la tradition veut qu'on tienne là des nouvelles "à chute" et que dans le noir, les chutes sont généralement plus effrayantes !
Le lecteur qui croirait pouvoir survoler tout cela d'un regard détaché, se fourre le doigt dans l'œil !
On ne va évidemment pas classer les nouvelles de ce recueil et leurs auteur(e)s, exercice futile et sans grand intérêt, mais plutôt essayer de donner quelques envies de lire.
La palme de l'horreur revient à l'une des grandes plumes du moment, Olivier Norek, qui sait raconter les histoires, les grandes comme les petites, et qui ouvre le bal avec une nouvelle absolument horrible après avoir bien promené son lecteur qui n'aura rien "vu" venir !
La palme de l'anticipation sera pour Claire Favan, autre tête d'affiche, avec une petite histoire venue d'un futur proche où le permafrost décongelé a libéré du mercure et empoisonné l'atmosphère de la planète. Les survivants de l'époque perdent leurs yeux (entre autres) et leur position dans la hiérarchie sociale est déterminée par leur dernier test d'acuité visuelle !
[...] Son prestige vient aussi du fait qu’il est un 80 %. Nul ne peut rivaliser avec lui, puisque la chaîne de commandement repose sur le champ visuel. La plupart des responsables se situent entre 45 et 25 %, les inférieurs sont des exécutants. Les 0 % sont affectés aux tâches les plus ingrates
[...] Les femmes sont tellement préoccupées par la survie de leur progéniture qu’elles prennent très au sérieux les qualités de reproducteurs de ceux avec qui elles se mettent en couple.
Ça fait un peu réfléchir quand même et donne un autre "point de vue" sur le réchauffement climatique.
La palme de la meilleure nouvelle sera peut-être pour Amélie Antoine que l'on ne connaissait pas (mais que l'on va découvrir de ce pas) et qui nous donne une histoire triste mais fort bien écrite qui met en lumière notre cécité, celle qui nous évite (ou nous épargne) la vue des petites gens et des SDF.
Bien sûr comme dans tout recueil choral de ce type, il y a un côté un peu artificiel à réunir tout cela et certainement deux ou trois nouvelles ne trouveront pas grâce à vos yeux.
Mais il serait bien dommage de passer à côté sans y jeter ... un œil !

Pour celles et ceux qui aiment voir plus loin que le bout de leur nez. 
PS : il existe également un autre recueil intitulé "Ecouter le noir" ...
Un autre avis en Belgique.

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