[...] Délires de vieux con.
Une idée de départ originale et captivante (la relecture du film Rocky et de la carrière de Stallone) qui se prend les pieds dans le tapis d'un délire nauséabond. On n'a sans doute pas tout compris !
❤️🤍🤍🤍🤍L'auteur, le livre (576 pages, janvier 2026) :
Les éditions Séguier nous ont déniché : Underdog, le premier roman d'un auteur autodidacte venu du sud-ouest, Bruno Marsan.
Le pitch et les personnages :
Underdog désigne le perdant d'un combat de chiens, celui qu'on donnait perdant d'avance dans les paris.
Le mot désigne donc des individus méprisés, insignifiants qui se trouvent dans une situation difficile.
Chien battu, outsider, tocard, loser, ...
Les histoires ne manquent pas et Bruno Marsan va nous mettre en perspective celle d'un acteur de second plan, un dénommé Sylvester Stallone qui écrivit le scénario du film Rocky en 1976.
Un film qui raconte le combat de boxe entre un champion du ring et un outsider (Rocky) interprété par un autre tocard, celui qui se faisait appeler Sly pour contourner son prénom qui rappelait trop, à l'époque, le loser de Titi et Grosminet : depuis son enfance, Sylvester se faisait malmener, à cause de ses handicaps, quelques difficultés scolaires et d'élocution ainsi qu'une déformation faciale dues à une naissance difficile.
De l'autre côté du ring, Bruno Marsan évoque ce qui ressemble bien à sa propre histoire familiale : celle de Richard, un enfant du sud-ouest, né dans les montagnes du fin fond du Béarn, un orphelin élevé par sa grand-mère.
« La vie était rude, et je ne le savais pas ; elle était heureuse, mais je m’en doutais. Il ne me venait pas à l’esprit qu’elle ne le serait pas toujours. »
Richard Moreira partira vers l'ouest, rejoindre une Amérique mythique sur les traces de Rocky. Il y connaîtra plusieurs vies.
♥ On n'aime pas vraiment :
➔ On aime redécouvrir Rocky, son auteur et interprète : Bruno Marsan nous propose sa relecture du film et des débuts de Stallone, jusque dans les coulisses du tournage, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il réussit à nous donner une furieuse envie de le revoir, ce film. C'est sans doute le point fort (poing ?) du livre.
➔ Ce roman janusien (l'américain Stallone et le français Richard) est original et captivant. Dans ce parallèle, Stallone est à la fois un modèle et un miroir pour le petit frenchy descendu de ses montagnes béarnaises pour traverser l'Atlantique. D'autant plus que tout laisse penser que le parcours de Richard est en bonne partie autobiographique.
➔ Cette double biographie était la bonne idée du livre mais la carrière de businessman de Richard prend de plus en plus de place jusqu'à envahir le bouquin au fil des digressions. Et il faut dire qu'on a pas vraiment apprécié les diatribes féroces mais bien trop convenues de Marsan contre les bobos, les bullshit jobs, le complotisme woke et l'ultra-libéralisme étasunien. Cette tranche de vie de Richard Moreira (sa 'réussite' sociale), amère et cynique, n'est certainement pas la partie la plus intéressante du bouquin.
« Mais voilà que je reprends mes délires de vieux con, dont j’ai déjà encombré ces pages et l’esprit du lecteur. »
Et dans ce même registre new-yorkais, on n'a pas trop compris pourquoi l'auteur usait et abusait de l'américain sous-titré : cette afféterie inutile rend la lecture beaucoup moins fluide et c'est dommage.
Dommage que l'auteur se soit laissé aller, au lieu de s'en tenir à son excellente idée de départ, la relecture de Rocky.
Et puis sur la fin, ça se lâche vraiment pour devenir presque nauséabond. Voici quelques extraits qu'on ose à peine citer :« Je ne croyais pas un seul instant que les femmes, les homos, les Noirs puissent faire mieux que les vieux hétéros blancs. Pas du tout. Mais il était naturel qu’ils exercent ce pouvoir à leur tour ; qu’ils créent, eux aussi, de la richesse et de la beauté.[...] Oui, pour le moment, tout était un peu sale, infantile, ridicule, agressif ou violent, comme dans toute libération. Ils déboulonnaient ; ils étaient nihilistes par balbutiements, par hésitation ; ils ne savaient encore où aller ; ils étaient en transition – comme disaient ceux qui changeaient de sexe. Mais certains y arriveraient. »
« La France a élevé des ponts, des lycées, des boulevards en Algérie ; les anciens colonisés s’en servent toujours , ça n’empêche pas les immigrés de reprocher encore à la France de les avoir asservis. Les hommes ont inventé la courtoisie, et célébré la beauté féminine dans la peinture, le cinéma et la littérature ; ça n’empêche pas les femmes de ne retenir que la réification dont elles ont été les victimes. Elles ont de bonnes raisons de dénoncer la domination masculine, comme les anciens colonisés la domination coloniale, même si tous le font avec anachronisme. »
« Si intelligente qu’elle soit, une femme amoureuse se transforme toujours plus ou moins en idiote. Elle s’entête et refuse de comprendre. »
Le lecteur s'affole un peu, se dit qu'il ne faut pas confondre l'auteur et son personnage, bla bla bla, se dit qu'il n'a pas tout compris, qu'il y a du second degré quelque part, et on finit par parcourir les derniers chapitres en diagonale, pressé d'arriver à un retournement explicatif, à une conclusion salvatrice ...
Et bien non.
Pour celles et ceux qui aiment les perdants.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Séguier (SP).
