[...] L’affaire du trafic de captagon.
Et si la drogue devenait une arme de destruction massive ?
Ce polar, très documenté, nous emmène en Syrie et au Moyen-Orient, au cœur du trafic de 'captagon', la drogue des djihadistes.
❤️❤️🤍🤍🤍L'auteur, le livre (368 pages, octobre 2024) :
Le breton Pierre Pouchairet fait partie de ces flics passés de l'autre côté du miroir, ceux qui ont troqué leur insigne contre la plume. On découvre (tardivement il est vrai) cet ancien officier des stups qui a œuvré en France mais aussi au Moyen-Orient. Autant dire qu'il connait un peu son sujet !
Avec Captagonia, il nous emmène au cœur d'un juteux trafic de drogue, celui du dérivé du Captagon, une pilule que l'on a coutume (à tort) d'appeler la drogue des djihadistes.
Le roman a reçu le Prix du roman d’espionnage décerné par l’Amicale des anciens des services spéciaux de la Défense nationale et vient d'être ré-édité en poche.
Le contexte :
À l'origine, le Captagon est un médicament psychotrope à base de fénétylline (une sorte d'amphétamine) vendu au début des années 60 par la firme allemande Degussa Pharma Gruppe.
Après son interdiction à cause des risques et des effets secondaires, c'est la Bulgarie qui se lance dans la contrefaçon dans les années 90, mais avec son entrée dans l'Europe (2004), la production va devoir s'exporter ensuite au Liban et en Syrie.
« En se lançant dans la production de captagon, la Syrie s’était transformée en narco-État. »
« La drogue a généré entre trois et six milliards de bénéfices pour l’État syrien l’année dernière , soit dix pour cent de son PIB. »
Le produit actuel est utilisé comme un substitut bon marché à la cocaïne et c'est au Moyen-Orient et notamment dans la péninsule arabique (en Arabie Saoudite via la Jordanie) que l'on trouve le plus de 'consommateurs'.
Le livre prémonitoire a été publié quelques semaines avant la chute du régime baasiste fin 2024, et quelque temps après, le chef du groupe rebelle syrien qui a défait Bachar El-Assad, déclarait que l’ancien président avait « semé le sectarisme et le captagon ».
L'auteur, qui s'est soigneusement documenté, ne mâche pas ses mots et n'hésite pas à désigner clairement les coupables :
« En se lançant dans la production de captagon, la Syrie s’était transformée en narco-État.[...] La drogue a généré entre trois et six milliards de bénéfices pour l’État syrien l’année dernière, soit dix pour cent de son PIB.[...] Une grande partie du trafic est organisée par Maher El Assad, le frère de Bachar, mais il n'est pas le seul. D'autres entités militaires sont impliquées.[...] Le trafic était organisé et encadré par le Mukhabarat, les services secrets syriens. »
Le pitch et les personnages :
Dans ce livre sur le front de lutte contre la drogue, l'Europe doit faire face à une menace sans précédent.
« [...] L’idée était bien de diversifier la clientèle en s’attaquant au commerce européen, peu touché par le captagon.
[...] Le chef de l’antenne du FSB à Damas, c’est lui qui a imaginé et proposé à Moscou un plan [...]. Pour les Russes, l’idée est de mener ce plan machiavélique loin de leur territoire.
« Il y aurait des milliers de morts. On ne peut pas en évaluer précisément le nombre, mais je pense qu’il pourrait s’agir de dizaines, voire de centaine de milliers de victimes.
[...] L’affaire du trafic de captagon, bien que classée secret défense, était aujourd’hui en tête de toutes les préoccupations. »
Interpol, la DGSE et plusieurs autres services plus moins secrets lancent une opération en Jordanie puis en Syrie, pour enrayer le trafic de drogue vers l'Europe.
C'est Maïssa Thabet, une fliquette franco-palestinienne, qui se retrouve chargée de repérer les trafiquants et leurs labos en Syrie : « elle n’en avait pas terminé avec son nouveau job de Mata-Hari » et elle va devoir jouer les apprentis espionnes.
« Ce qu’on lui demandait n’était ni plus ni moins que de procéder à une action d’infiltration en territoire hostile. Une opération barbouzarde. »
Le lecteur fidèle de Pouchairet pourra également retrouver Léanne Vallauri, l’héroïne des romans bretons de cet auteur, puisque l'intrigue comme la drogue prennent leur source au Moyen-Orient bien sûr avec Dubaï, Amman ou Damas, mais vont se projeter jusqu'en Bretagne.
♥ On aime un peu :
➔ Pouchairet invite son lecteur à un véritable briefing sur le trafic de captagon. L'auteur maîtrise son sujet et ses personnages vont nous expliquer en détail ce qu'est cette drogue, qui la fabrique, qui l'achemine, qui la revend et à qui.
Cet exposé terriblement instructif est tout à l'honneur de cet ancien flic des stups qui dédie même son livre à « tous les hommes de l'ombre qui œuvrent au quotidien pour la sécurité de notre pays ».
Pour s'assurer de notre attention, il imagine même un scénario catastrophe, faisant de cette drogue une arme de destruction massive en Europe. Un scénario tout aussi crédible que celui d'avions allant percuter les tours du World Trade Center.
➔ Si l'aspect documentaire est rigoureusement travaillé (tout cela est vraiment très instructif), le lecteur reste un peu sur sa faim pour ce qui est du volet thriller ou espionnage. L'intrigue de ce polar est un peu lourde à faire décoller et il est difficile de s'intéresser aux différents personnages qui, hormis la fliquette franco-palestinienne, sont dépeints à grands traits un peu stéréotypés.
Si ce livre est assurément à lire comme un dossier très instructif sur une réalité peu connue du public, il ne prétend pas au titre de thriller de l'année mais doit se lire plutôt comme une série B avec quelques retournements rocambolesques de dernière minute. Pour le suspens.
Pour celles et ceux qui aiment comprendre.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio et un article du Monde.
Livre lu grâce à La Manufacture de livres (SP).
Ma chronique dans les revues Benzine et ActuaLitté.
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