mardi 15 octobre 2013

L’hiver du commissaire (Maurizio di Giovanni)

 

Le fantôme de l’opéra.

C'est Jean-Marc qui nous avait mis sur la piste de cette nouvelle série de polars : en Italie (à Naples) et à la période sombre du fascisme (1931).
On commence le défilé des saisons par L’hiver du commissaire Ricciardi de Maurizio di Giovanni.
Le côté historique de l’Italie fasciste nous rappelle bien sûr un autre enquêteur : le Bernie de la Trilogie berlinoise, même si Naples en hiver s'avère beaucoup plus sombre que le Berlin de Philip Kerr.
Et puis  nous voici donc en Italie avec un meurtre commis à l’opéra : voilà de quoi nous connecter à la Fenice de Donna Leon !
Le commissaire Ricciardi partage d'ailleurs avec son collègue Brunetti la même insubordination à un chef tout aussi méprisable !
Avec toutes ces références croisées, autant dire que Maurizio di Giovanni a tout intérêt à tenir ses promesses !
Las … dès les premières pages, l'exercice s'annonce bien difficile :
- une intrigue dans le milieu de l'opéra lyrique, ce qui n'est pas des plus sexy à nos yeux (un grand et gras ténor est assassiné dans sa loge, un individu exécrable auprès de qui la Castafiore ferait figure d'aimable jeune femme … mais un génie du chant lyrique qui a l'oreille du Duce, alors …),
- des images de Naples en plein hiver sous un vent glacial (quand même dommage non ?),
- une enquête à la Agatha Christie (tout le monde avait un mobile et une occasion) ce qui n'est ni très moderne ni très à la mode,
- un petit côté rétro voire vieillot (l'Italie des années 30 à l'arrivée du cinéma parlant) à la fois dans le contexte, le style, l'intrigue,
- un commissaire tristounet qui ne boit pas (mais oui, ça existe ! en tout cas à Naples en 1931), un vieux garçon qui vit chez une vieille tante, qui met un filet sur ses cheveux avant d'aller se coucher et qui a des visions un peu surnaturelles,
aaaargh ... et ben c'est pas gagné, dites donc !
Alors ?
Alors qu'est-ce qui fait qu'on ne lâche pas ce bouquin ?
Comment s'est donc débrouillé Maurizio di Giovanni pour nous cuisiner un bon petit plat, parfumé et goûteux, avec ces ingrédients un peu éventés ? Insondable mystère de la cuisine italienne et peut-être de la littérature !
Faut quand même dire que le cuistot a relevé son mélange improbable d'une épice plutôt originale.
Peut-être vous souvenez-vous de Xavier Bardem qui (dans le film Biutiful d'Inarritu) venait recueillir les dernières après-pensées des morts. Plus prosaïquement, on peut aussi songer à la récente série télé Medium (merci MAM).
Le commissaire Ricciardi est en effet affligé d'un don similaire : il “voit” les derniers instants vécus par ceux qui ont été emportés par une mort violente, et ce depuis son enfance ce qui n'est pas drôle du tout. À chacun de ces flashs, il partage forcément la souffrance de ceux qui passent ainsi de vie à trépas : le titre original indique Il senso de la dolore, le sens de la douleur.

[...] Près d'un chantier, à l'heure de la pause, un gamin avec un chien et deux chèvres attachées à une corde vendait du pain et de la ricotta à un groupe de maçons. l'un d'eux, un peu à l'écart, se tenait la tête courbée dans une position qui n'avait rien de naturel. Le commissaire détourna le regard : encore un des milliers d'accidentés du travail dont ne parlait jamais.

Alors même si ça l’aide un peu dans ses enquêtes (mais c’est plus subtil que ça), depuis toutes ces années passées à voir ces souffrances, le bonhomme n'est pas bien drôle.

[...] Ses subordonnés ne comprenaient pas sa gravité, ses silences : jamais un sourire, jamais un commentaire superflu. Il menait ses enquêtes de manière extravagante, ne respectait pas les procédures, mais en fin de compte il avait toujours raison.
[...] Le divisionnaire se serait volontiers passé de cet étrange homme silencieux, aux yeux tranchants comme des lames de rasoir, qui n'avait pas d'amis, ne se permettait jamais une familiarité, qui, à ce qu'on disait, n'avait ni attache ni inclination sexuelle particulière qui auraient pu le rendre vulnérable.

L'auteur nous délivre au passage quelques indications sur cette difficile époque avec l'Italie fasciste à son apogée (ambiance famille patrie, surtout famille).

[...] Ce n'est pas normal, à trente ans, de ne pas avoir de femme auprès de soi. Par les temps qui courent, pour un peu, ils seraient bien capables d'arrêter les célibataires.

Et c'est par petites touches qu'on découvre la personnalité tourmentée du beau et riche commissaire Ricciardi, à la vie un peu secrète, aux yeux verts insondables.
Aimable figure aussi que celle de son brigadier adjoint qui veille comme un ange-gardien sur son supérieur.
Les “visions” du commissaire, savamment dosées, passent facilement et en douceur, tout naturellement et Di Giovanni échappe finement aux pièges du surnaturel et du fantastique.
Après les révélations des dernières pages sur les pourquoi et comment du meurtre de l'affreux mais génial ténor, on n'a vite qu'une seule hâte : retrouver le commissaire Ricciardi … au printemps.
Bon allez, on essaye de pas s’emballer trop vite et on attend le prochain épisode pour confirmer le coup de cœur, suspense oblige !
Vite, la traduction en français est déjà disponible !


Pour celles et ceux qui aiment l’opéra.
D’autres avis sur Babelio et celui de Jean-Marc.


3 commentaires:

Dominique a dit…

je viens de le noter et les trois romans de l'auteur sont dans ma médiathèque ! j'aime bien changer de héros et l'époque des romans est attractive

dasola a dit…

Bonsoir, j'avais beaucoup aimé ce roman et j'ai vu que le deuxième de la série était paru, il faudrait que je le lise. Déjà, avoir choisi l'Italie fasciste d'avant la guerre est très original comme l'intrigue. http://dasola.canalblog.com/archives/2012/01/04/23158634.html Bonne soirée.

Anjelica a dit…

je le note !