mardi 2 février 2021

Ce genre de petites choses (Claire Keegan)

[...] Il y a des choses qu'il faut ignorer pour pouvoir continuer.

C'est un tout petit opuscule d'une centaine de pages que nous propose l'irlandaise Claire Keegan, quelques pages seulement, quelques journées de Bill Furlong un marchand de charbon, à l'approche de Noël 1985.
La quarantaine bien sonnée, Bill est un travailleur honnête et consciencieux, un bon mari et un bon père de famille entouré d'une bonne épouse et de cinq filles bien élevées.
Lui-même est né de père inconnu : sa mère avait été recueillie par une bonne dame du village. Toutes deux sont décédées aujourd'hui.
À l'approche des fêtes, entre deux tournées de charbon et deux guirlandes lumineuses, Bill est gagné par un léger trouble, un peu de vague à l'âme.
Lorsque sa tournée l'amène au couvent qui abrite une blanchisserie sur laquelle courent certaines rumeurs, c'est son passé oublié qui frappe de nouveau à la porte.
[...] Cet endroit ne valait pas mieux qu'un foyer pour mères et bébés où des filles ordinaires, non mariées, entraient pour être cachées. [...] Leurs enfants illégitimes étaient ensuite adoptés à l'extérieur, vendus à des Américains fortunés.
[...] Les gens disaient beaucoup de choses - et une bonne moitié de ces paroles n'étaient pas crédibles.
La plume de Claire Keegan (visiblement fort bien traduite) se déguste comme un pudding de Noël : ces quelques pages nous font partager les préparatifs des fêtes dans la campagne irlandaise, ce genre de petites choses.
L'auteure s'attache aux pas de son livreur de charbon et avec son conte de Noël nous guide dans les rues du village dominé par la silhouette du couvent.
Et ce n'est que par petites touches discrètes, à peine esquissées, qu'elle convoque l'un des grands scandales de l'Histoire irlandaise catholique : les couvents et blanchisseries des sœurs Magdalene [clic] qui exploitèrent des dizaines de milliers de jeunes filles et firent commerce et profit de leur travail et de leurs rejetons. 
Une terrible et sordide histoire qui ne vit vraiment le jour qu'en 1993. 
Le dernier couvent de la honte ne fermera qu'en 1996. 
Les excuses officielles n'arriveront qu'en 2013.

Pour celles et ceux qui aiment les contes de Noël.
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