dimanche 28 novembre 2021

Les heures furieuses (Casey Cep)


[...] Qu'était-il advenu du livre de Harper Lee ?

    L'auteur, le livre (400 pages, 2021, 2019 en VO) :

Casey Cep est une journaliste américaine et Les heures furieuses est son premier roman. Dans le style "non-fiction" elle s'attaque à un mythe littéraire : Harper Lee !

    On aime :

❤️ La prose de Casey Cep, éclairante et méticuleuse, adossée à un gros travail patient de journaliste ce qui nous donne quelques belles digressions sur l'Histoire des États-Unis : les débuts de l'assurance-vie, la diffusion du culte vaudou, et cette ségrégation que les états du sud tardent un peu à abandonner ....

      Le contexte :

Comme celui de la page blanche, le syndrome Harper Lee est bien connu : le premier roman de l'auteur est un best-seller qui connait un grand succès. Mais ce premier roman sera le dernier de l'écrivain désormais incapable de produire une autre ligne, sans doute étouffé par un succès trop rapide ou trop précoce.
C'est ce qui arriva donc à Harper Lee après son trop célèbre roman Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur.
Avec Les heures furieuses, la journaliste Casey Cep prend le sujet par un autre angle, celui d'une enquête : Harper Lee a forcément écrit un autre manuscrit, d'autant que quelques années après son premier roman à succès, elle avait bien pris soin d'assister à un autre grand procès à la fin des années 70 toujours en Alabama, un sujet en or et donc la trame idéale pour ce fameux second roman.

      L'intrigue :

Le 18 juin 1977, le révérend noir William Maxwell est abattu de trois balles de revolver devant des centaines de témoins réunis pour les obsèques d'une victime du révérend.
Le "pieux révérend" était quand même soupçonné de plusieurs meurtres et une rumeur persistante lui attribuait des pouvoirs vaudous.
[...] Trois cent personnes avaient assisté à la scène. La plupart étaient présentes aujourd'hui à son procès, non pour découvrir les raisons de son acte - tout le monde les connaissait, et certains s'étonnaient que personne ne l'ait commis plus tôt - mais pour comprendre la troublante série de décès qui avaient précédé celui dont ils avaient été témoins.
Malgré la quantité de témoins, l'assassin avéré du révérend diabolique sera finalement acquitté !
Casey Cep s'attaque donc à un double mystère : ces procès aux verdicts surprenants et ce qu'aurait pu être le second roman d'Harper Lee sur ces procès.
[...] Si la question qui captivait la salle d'audience ce jour-là était de savoir ce qu'il adviendrait de l'homme qui avait abattu le révérend Willie Maxwell, un autre mystère captiverait les esprits des décennies encore après le verdict ; qu'était-il advenu du livre de Harper Lee ?
C'est dense, copieux mais jamais indigeste grâce à une écriture fluide et agréable : l'auteure visiblement passionnée, réussit à nous inviter comme des jurés aux procès et à nous intéresser à ses (vrais) personnages, à l'histoire de cet Alabama ségrégationniste et rétrograde, et pour finir à la romancière Harper Lee.
Une première partie du bouquin est consacrée à l'énigmatique révérend noir soupçonné d'avoir tué ses épouses et plusieurs de ses proches pour toucher leurs assurances-vie, un serial-killer avant l'heure.
[...] La mort du révérend Maxwell : trois mariages, cinq parents décédés dans des circonstances étranges, aucune condamnation, et un homme qui avait finalement mis un terme à tout ça dans la chapelle ce jour-là.
La seconde partie nous donne rendez-vous avec l'avocat Tom Radney, un blanc progressiste (un profil rare en Alabama !) qui avait obtenu les fameux acquittements du révérend ... et qui, à la surprise générale, obtiendra également celui de son assassin ! Un procès encore plus surprenant que ceux imaginés par les meilleurs romanciers.
Ces deux histoires (celle du révérend et celle de l'avocat) sont savoureuses et fort bien racontées mais avouons que l'on est venu là pour Harper Lee tout de même : c'est donc le sujet de la seconde moitié du bouquin enfin consacrée à l'auteure et son mystérieux deuxième roman.
C'est une véritable biographie de Nelle Harper Lee, depuis son enfance avec un petit voisin nommé Truman Capote. On découvrira d'ailleurs qu'Harper Lee fut l'assistante de Capote pour son enquête sur le true-crime De sang froid et que la contribution de la dame fut essentielle à ce monument littéraire.
On y apprend beaucoup de choses sur l'écriture du roman de T. Capote (de quoi donner une furieuse envie de le ressortir de la bibliothèque) et sur celle de l'Oiseau Moqueur bien sûr, mais aussi sur la dépression d'Harper Lee qui suivit son immense succès et enfin sur la genèse d'un second roman qui ne verra jamais le jour.
[...] Pour quiconque la connaissait, c'était depuis longtemps une évidence. Lee n'éprouvait pas seulement des difficultés à écrire son deuxième roman; elle éprouvait des difficultés à vivre.
[...] Pendant dix-sept ans après la publication de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, les lecteurs se demandèrent ce que Lee écrirait ensuite; au cours des années qu'elle passa à frapper aux portes des habitants du lac Martin, certains savaient précisément ce
qu'elle écrirait, mais se demandaient quand. Beaucoup connaissait le titre. Une femme déclara même avoir vu une jaquette de livre.
[...] Finalement, les rumeurs au sujet du révérend s'apaisèrent, comme elles l'avaient toujours fait. À ce moment-là, après tout, il était mort depuis près de quatre décennies, et son avocat depuis cinq ans. Et bientôt, la femme qui essaya d'écrire leur histoire s'éteindrait aussi.
C'est le premier roman de la journaliste Casey Cep et il connait un grand succès, bien mérité. Aïe aïe aïe, espérons que cette jeune auteure ne sera pas victime à son tour du syndrome Harper Lee !

Pour celles et ceux qui aiment les procès et la littérature.
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