jeudi 19 octobre 2023

Le dragon du Muveran (Marc Voltenauer)

[...] L’homme qui n’était pas un meurtrier.

    L'auteur, le livre (608 pages, 2016) :

En 2016, Le dragon de Muveran fut le premier roman de Marc Voltenauer, un auteur suisse francophone au parcours original : une mère suédoise, un père allemand, un grand-père pasteur luthérien et des études de théologie à Genève.
Ce fan de polars nordiques lit les auteurs suédois dans leur langue originale : des intrigues dont il a adopté le style, fausse lenteur et vraie profondeur, pour ses propres romans qu'il situe à Gryon, petit village du canton de Vaud au pied du Grand Muveran et des Alpes suisses.

    On aime un peu :

❤️ On aime bien sûr l'exotisme de la langue de nos voisins, le café renversé, les "faites seulement", quand ça joue ou ça joue pas, ...
❤️ Habituellement on est plutôt allergique au décorum ecclésial mais là, on a pu apprécier la richesse de la symbolique biblique utilisé par le tueur et mise en scène sans prosélytisme par un auteur qui faillit bien être prêtre. Un petit parfum exotique en somme !
[...] Les premiers chrétiens utilisaient un principe appelé isopséphie qui associe les noms et les chiffres. Chaque lettre a une valeur numérique en fonction de sa place dans l'alphabet et le chiffre d'un nom est le total de ses lettres. Le 666 représente l'empereur César Néron qui fut un grand persécuteur de chrétiens.
 Bien sûr, il s'agit d'un premier roman : l'écriture manque encore de régularité, de personnalité et la mise en scène n'échappe pas aux tenaces clichés du genre (le médecin légiste, le whisky et les cigares au coin du feu, ...).
[...] Il savait d’expérience que les premières impressions étaient déterminantes pour la suite de l’enquête. La scène du crime était un livre ouvert. Il fallait l’observer, le lire, l’étudier, l’écouter.
[...] Andreas alluma un cigare, un Robusto de Cohiba. Une marque créée à l’origine pour Fidel Castro et les hauts dignitaires du parti communiste cubain. C’était aujourd’hui devenu un objet de luxe, consommé par les hauts dignitaires du libéralisme. Quelle ironie !
Il faut également un peu de temps pour que les personnages prennent de l'épaisseur au fil de courts chapitres qui retracent l'enquête et les interrogatoires : l'inspecteur Auer et Marc Voltenauer prennent leur temps, sans trop se soucier de la vraisemblance, plus attachés à dresser les portraits successifs des différents habitants du village, tour à tour témoins ou suspects. Paradoxalement, ce sont les héros, les enquêteurs autour d'Auer, un peu stéréotypés, qui semblent les moins bien dessinés.
 Tout cela est évidemment un peu long (600 pages !) et l'on regrette que l'auteur n'ait pas cru bon d'en profiter pour consacrer plus que quelques lignes page 614 à un scandale d'état [clic] qui secoua la Suisse bien-pensante : l'affaire de ces [milliers d'enfants placés de force en Suisse jusque dans les années 1980, auxquels la Confédération a rendu hommage postérieurement en leur présentant ses excuses] ... en 2013, une affaire assez similaire à celle de nos enfants de la Creuse qu'un autre livre évoquait récemment.

      L'intrigue :

Au petit matin, dans le temple protestant du village de Gryon, un cadavre est retrouvé en croix sur l'autel, dénudé, poignardé, énucléé, un verset de la Bible sur la poitrine. 
[...] Sur la table de communion, un cadavre était allongé, nu. Les bras étendus étaient perpendiculaires au corps. Les jambes, attachées ensemble à l'aide d'une corde. C'était l'image du Christ crucifié. Un homme. La cinquantaine probablement. Un énorme couteau était planté dans son coeur. Autour de la plaie, du sang séché formait comme un réseau de ruisseaux du haut de la poitrine jusqu'à son sexe. Ses yeux avaient été enlevés. Les orbites ressemblaient à deux trous noirs. A l'extrémité du couteau, une cordelette avec un morceau de papier.
Voilà de quoi bouleverser la population des lieux jusqu'ici tranquilles et mobiliser la police judiciaire de Lausanne : l'inspecteur Andreas Auer a justement élu domicile dans ce village où il vit avec son compagnon journaliste.
La mise en scène pourrait laisser croire que nous sommes tombés [en plein Da Vinci Code] mais plus prosaïquement, le cadavre était celui d'un agent immobilier connu pour quelques vices et pour tremper dans quelques affaires louches. Mais cela ressemble un peu trop à [un homicide digne d'une série télévisée mêlant pouvoir, argent et sexe - les ingrédients indispensables d'un bon audimat] : la vérité sera plus complexe et il faudra fouiller le passé de ce petit village où tout le monde se connait.
[...] La vengeance. Mais l'histoire n'est pas complète. Il y aura une suite. 
- Reste à savoir qui du meurtrier énigmatique ou de l'inspecteur charismatique écrira la fin de l'histoire !,
Il y aura même quelques petits coups de théâtre pour un dénouement intéressant !

Pour celles et ceux qui aiment les montagnes suisses.
D’autres avis sur Babelio.

Aucun commentaire: