mardi 10 octobre 2023

La note américaine (David Grann)

[...] La “Malédiction noire” des Osages.

    L'auteur, le livre (432 pages, 2018, 2017 en VO) :

David Grann se trouve sous les feux des projecteurs en ce moment avec la sortie de son bouquin sur les Naufragés du Wager et puis cette réédition de La note américaine qui coïncide avec la sortie du film de Scorcese, Killers of the flower moon (c'était le titre du bouquin en VO).
Comme il en a coutume, cet auteur de "non-fiction" nous raconte une histoire passionnante, fruit d'une longue enquête fouillée et documentée.

    Le contexte :

Le [péché originel] fondateur des États Unis, un épisode de plus de la déportation et de la spoliation des amérindiens (ici, c'est au tour des Osages) : ce pourrait être l'histoire de l'arroseur arrosé ou plus précisément celle du capitalisme pris à son propre piège.
[...] Au début des années 1870, les Osages avaient été déplacés depuis leurs terres d’origine du Kansas vers une réserve rocailleuse d’Oklahoma, censée être de moindre valeur mais dont on découvrit par la suite qu’elle reposait sur le plus grand gisement pétrolifère des États-Unis.
[...] Pour certains Osages, surtout pour les anciens comme Lizzie, le pétrole était un cadeau empoisonné.
[...] C’est aussi une histoire à peine croyable. Tellement incroyable que l’on se demande au début comment elle a pu avoir lieu au cœur de la modernité et de l’Amérique du XXe siècle.
Mais évidemment, le capitalisme libéral ne pouvait en rester là : on ne pouvait laisser ces sauvages profiter tranquillement de l'aubaine sur laquelle ils avaient été forcés d'établir leur campement. La spoliation systématique allait commencer et tout cela fut parfaitement organisé : mises sous tutelle abusives, extorsions, expropriations, faux en écriture, usurpations d'héritages, corruption des autorités policières et judiciaires, et pour finir, assassinats en règle des propriétaires récalcitrants tout comme des témoins gênants.
Nous sommes dans les années 1920 et l'Amérique a bien du mal à s'affranchir de son far-west sauvage sans foi ni loi.
En coulisses, on assiste à la naissance du FBI dont c'est la première grosse affaire : les hommes de Hoover sont envoyés pallier l'incurie des pouvoirs locaux. Cette police fédérale viendra combler un vide et c'est peut-être là un volet encore plus captivant dans cette passionnante enquête.

    On aime beaucoup :

❤️ Evidemment, on aime le formidable sujet oublié que David Grann a entrepris de sortir des archives poussiéreuses où l'on avait soigneusement enterré cet épisode peu glorieux de l'histoire US.
❤️ On aime l'humilité et la rigueur de cet auteur, spécialiste de non-fiction, qui s'efface derrière la réalité de l'histoire mais qui manie la plume avec suffisamment de brio pour nous emporter dans son récit des faits. 
❤️ On assiste en direct à la naissance de la police étasunienne, bref des institutions et de l'ordre. On reste fasciné par l'impunité dont ont bénéficié les voyous qui avaient entrepris de spolier les amérindiens.

      L'intrigue :

L'or noir des Osages attire toutes les convoitises et les aventuriers qui tentent de les en déposséder par tous les moyens. Jusqu'au meurtre.
[...] Lizzie était décédée d’une manière horrible et contre nature : elle avait été empoisonnée. Et il était aussi certain que les trois morts avaient tous un lien avec le réservoir souterrain d’or noir des Osages.
[...] Le décompte des morts continua à augmenter jusqu’au mois d’août, dépassant la douzaine.
[...] Le nombre de victimes pendant le Règne de la terreur s’élevait officiellement à vingt-quatre, au minimum. Parmi elles, on comptait deux hommes qui avaient prêté main-forte aux enquêteurs.

À la charnière du siècle, le far-west sauvage n'est pas loin : les institutions américaines sont encore un peu à la traîne, ce qui laisse toute latitude aux prévaricateurs. Cupidité et corruption ont force de loi, l'enquête sur les meurtres d'indiens ou de témoins n'avance évidemment pas d'un pouce, même lorsque les Osages font appel à des détectives privés (c'est l'époque des Pinkerton).

[...] La corruption s’était infiltrée dans toutes les institutions du comté.
[...] Les agences de détectives vinrent combler le vide laissé par les shérifs et les départements de police décentralisés, dépourvus de moyens, incompétents et corrompus.
C'est le tout nouveau FBI (qui n'a même pas encore ce nom) avec à sa tête le tout jeune Edgard J. Hoover qui sera chargé d'envoyer en Oklahoma des agents incorruptibles pour dénouer cette sinistre affaire : l'agent spécial Tom White y passera une bonne partie de sa vie.

PS : le titre du film et de l'édition originale du bouquin est tiré d'une légende Osage, [le Xtha-cka Zhi-ga Tze-the, le Tueur des fleurs de Lune].
[...] En avril, des millions de petites fleurs se répandent à travers les Blackjack Hills et les vastes prairies du comté d’Osage en Oklahoma.
[...] En mai, alors que les coyotes hurlent sous une lune pleine et exaspérante, les tiges de ces petites fleurs se brisent, leurs pétales s’éparpillent et sont bientôt enterrés. C’est pour cette raison que les Indiens Osages disent du mois de mai que c’est celui où la lune assassine les fleurs.

Pour celles et ceux qui aiment le FBI et les indiens.
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