lundi 9 octobre 2023

La république des faibles (Gwenaël Bulteau)

[...] On disait : Vive la république !

    L'auteur, le livre (336 pages, 2021) :

D'habitude on n'est pas trop fan des polars dits "historiques", mais celui-ci se passe à Lyon et à une époque pas si lointaine : à la toute fin du XIX°, en pleine affaire Dreyfus, alors que la III° République commence à s'affirmer.
Gwenaël Bulteau, auteur de noires nouvelles, signe là un premier roman plutôt réussi : La république des faibles.

    Le contexte :

Le titre renvoie à un courant de pensée au tournant de ce siècle : quand la République, avec ses idéaux de 1789 et ses Lois, ambitionnait de protéger les faibles (y compris d'eux-mêmes) et, dans le même temps, de se protéger des faibles, en évitant qu'ils ne deviennent des révoltés. De lutter contre la fatalité, le déterminisme, l’hérédité [travaux d'Annie Stora-Lamarre]. 
[...] – On disait : Vive la république ! et le client répondait : Qui prend soin des faibles !

    On aime :

❤️ On aime une galerie de personnages bien campés leur milieu professionnel et domestique : c'est un véritable portrait social de la France de l'époque, quand le mot prolétariat avait encore un sens. 
❤️ On apprécie cette peinture de la France d'en bas de l'échelle, celle des enfants, des femmes, des petites gens, ... 
L'auteur réussit à trouver le ton juste, en évitant pathos et larmes faciles, pour décrire violence et misère ordinaires.
Ces petites gens ne sont guère à la fête et la III° République semble avoir bien du mal à prendre soin des faibles.
Au vu de nos actualités, il n'est pas si évident que nos républiques actuelles aient beaucoup progressé : c'est peut-être là un message, à peine caché, de l'auteur.
❤️ On aime le ton du récit, suffisamment moderne pour notre plaisir actuel, mais qui garde un petit parfum désuet dans le style de l'époque. Le bouquin s'avère très équilibré entre peinture sociale ou politique et intrigue policière.

      L'intrigue :

En ce jour de l'an 1898, un chiffonnier découvre un cadavre décapité dans une décharge à Lyon.
[...] – Un chiffonnier a trouvé un cadavre d’enfant dans la décharge de la Croix-Rousse, commença Soubielle.
[...] – D’après le rapport préliminaire, la victime est un garçon âgé de neuf ou dix ans, dont les vertèbres cervicales ont été sciées à l’aide d’un outil tranchant.
[...] Les priorités sont claires : l’ordre social, la tranquillité publique, la sécurité des commerces. On ne fait pas grand cas de la mort d’un enfant...
[...] Il en fallait des capelines et des képis pour protéger les commerces.
L'auteur nous invite à suivre plusieurs intrigues, histoire d'explorer le contexte de l'époque, quand les fantômes de 1870 n'ont pas encore disparu et que se profilent déjà ceux de la prochaine guerre.
[...] – Les salauds de l’Anti-France, lâcha Dessien. 
– Ah, l’ennemi intérieur ! soupira le flic. 
– Les Juifs, oui, mais pas seulement, les protestants, les étrangers aussi et les internationalistes, tout le syndicat de la trahison acharné à détruire la France.
Avec, en filigrane, un portrait nuancé mais globalement peu flatteur de la police de l'époque (toute ressemblance blablabla).
[...] Ce n’était un secret pour personne que grandissait à l’intérieur de l’institution policière la haine de la république parlementaire et libérale.
[...] Une frange politique nouvelle où s’étaient cristallisés, après l’épisode Boulanger, des valeurs d’ordre et de sécurité ainsi qu’un penchant indéniable pour l’antisémitisme.
Tous les fils de ces intrigues, fort instructives, finiront par se nouer pour un final intéressant.

Pour celles et ceux qui aiment les enfants.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.

Aucun commentaire: