[...] – Ici voiture 28. Reçu, on y va.
L'auteur, le livre (192 pages, mai 2024, 1974 en VO) :
♥ On aime :
[...] Au volant, Felice Cantoni, agent de son état, fume sa première cigarette de la journée. Qui est aussi la dernière : il y a trois semaines, le toubib lui a dit que deux cigarettes par jour c’est déjà trop pour son ulcère. Alors l’agent Felice Cantoni n’en fume qu’une. Une par jour. À bord se trouve aussi Sarti Antonio, sergent de son état. Lui ne fume pas, n’a jamais fumé, mais cumule tout de même colite et ulcère. La colite, surtout, ne le laisse jamais en paix. Y compris maintenant. Il donnerait une heure supplémentaire pour des gogues. Mais où trouve-t-on des gogues à cette heure-ci de la nuit ? Il dit : – Tu peux pas aller plus vite ? Ou bien je dois faire dans la voiture ?
Mais on devine bientôt un obstiné, un rebelle qui n'en fait qu'à son idée en suivant avec entêtement telle piste ou telle autre alors que sa hiérarchie lui demande seulement de clore au plus vite cette enquête sensible, un coupable très approximatif fera très bien l'affaire.
[...] Pour une fois, le sergent Sarti Antonio a vu juste. Je ne dis pas pour une fois histoire de dire que notre sergent est un pauvre crétin qui n’arrive jamais à rien.
[...] – Ce qui m’intéresse c’est de faire ravaler à cet enfoiré d’inspecteur-chef... Il lance un regard circulaire et baisse d’un ton.
– Ce qui m’intéresse c’est de faire ravaler à Raimondi Cesare ses sourires compatissants à mon égard, ses théories à la mords-moi le nœud. Tu le vois le truc ? Et je veux qu’il cesse de me regarder comme si j’étais le crétin de service bon pour la camisole...
• 1974 c'est donc la publication de cette première enquête de Sarti Antonio : mais 1974, c'est aussi l'une des premières de celles qu'on appellera les années de plomb en Italie. C'est en 1974 qu'a lieu l'attentat du train Italicus, qui sera suivi d'une longue et meurtrière série. Le bouquin de Macchiavelli s'intitule d'ailleurs "La piste de l'attentat" en VO, confirmant ainsi que le polar est bien le reflet de la société qui le voit naître, comme le revendiquaient ceux du Groupe 13.
Et l'auteur ne se prive pas dans son prologue de mettre les points sur les "i" et d'annoncer la couleur politique de ses romans engagés. Son double narrateur se fait également son porte-parole à plusieurs reprises dans le roman en y apportant humour et distance.
[...] Tu as relaté l’histoire d’une ville et, derrière elle, à peine voilée, un pan de l’histoire italienne. Pas l’officielle, avec un grand H. Plutôt l’histoire des paumés, comme toi, qui ne sera jamais écrite, même si c’est celle qui compte parce que c’est la nôtre, c’est notre vie. Cinquante ans d’histoire. [...] Le témoignage de ceux qui ont vécu cette époque et qui l’ont baptisée “les années de plomb”.
• Malgré le passage des années, l'écriture de Loriano Macchiavelli est restée vive et alerte : l'humour et l'autodérision cachent mal le sérieux du propos quand il s'agit de critiquer les agissements du pouvoir et de brocarder les autorités à la solde des puissants. On respire même dans les rues de Bologne, un petit parfum désuet, une gouaille réjouissante, une volonté sacrilège, ... tout cela est bien plaisant et il faut espérer que d'autres traductions nous viennent bientôt.
Le canevas :
Pour celles et ceux qui aiment l'Italie.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce aux éditions Le chemin de fer (SP).
Ma chronique dans Benzine et dans 20 Minutes.
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