lundi 3 juin 2024

Malheur aux vaincus (Gwenaël Bulteau)


[...] C’était la guerre, non ? Malheur aux vaincus !

L'auteur, le livre (320 pages, mai 2024) :

Même si les "polars historiques" ne sont généralement pas trop notre tasse de thé, on avait été emballé par le premier roman de Gwenaël Bulteau (un auteur plus coutumier des "nouvelles") qui nous avait emmené à Lyon à la toute fin du XIX° siècle en pleine Affaire Dreyfus. C'était La république des faibles.
Avec Malheur aux vaincus, difficile de ne pas répondre à son invitation en Algérie à la même époque, en 1900. C'était encore "le temps béni des colonies". 
Une occasion de plus pour découvrir une Troisième République pas toujours bien connue.

♥ On aime beaucoup :

 Bulteau reprend la recette qui faisait le charme de son précédent bouquin : quelques "tranches de vie" de la ville et de l'époque avec plusieurs personnages dont les routes vont se croiser, une enquête policière autour de meurtres, et bien sûr de nombreux détails sur l'arrière-plan social et politique. 
Gwenaël Bulteau nous brosse un tableau impressionniste avec quelques touches de ci de là, une touche de politique municipale, une grosse tâche de faits militaires, une touche d'enquête criminelle, et même une touche de romance amoureuse ... 
Comme dans son premier bouquin, l'auteur maîtrise parfaitement l'équilibre entre peinture sociale, contexte politique et intrigue policière.
Ce sont des pages peu glorieuses de notre histoire et un livre empreint d'une tristesse mélancolique : déjà, il plane sur Alger une ambiance de fin de règne ...
[...] De loin, Alger donnait l’impression d’une ville envoûtante et paisible. L’illusion était parfaite. N’importe qui aurait pu se laisser berner et croire qu’en cet endroit il faisait bon vivre.
 Dans cette Algérie de 1900, l'antisémitisme est particulièrement virulent d'autant plus que sont arrivés en ville les réfugiés d'Alsace-Lorraine avec de nombreux juifs parmi eux, voire simplement des noms aux consonances germaniques.  
[...] L’idée d’une boutique de spécialités alsaciennes en plein cœur d’Alger était judicieuse puisqu’il existait une clientèle toute trouvée, celle des réfugiés de la guerre de 1870, à qui les politiciens avaient promis l’eldorado en Algérie.
[...] – Faites attention, madame Hoffmann, les indigènes ont l’air inoffensif, à première vue, mais vous ne les connaissez pas. Vous ignorez ce qu’ils dissimulent en eux. Moi, je les observe depuis des années : ce sont des paresseux, des fourbes, des voleurs. Ils profitent que vous regardiez ailleurs pour vous détrousser. Ils ne valent pas mieux que les Juifs.
 Dans cette nouvelle leçon d'Histoire de France, il est beaucoup question des guerres coloniales menées en Afrique et notamment de la sinistre affaire de la colonne Voulet-Chanoine. Un triste épisode de notre empire colonial qu'on avait découvert dans la BD de Dabitch et Dumontheuil. Une histoire qui se situe quelque part entre la colère d'Aguirre et la folie d'un Marlon Brando apocalyptique. Mais une histoire vraie et des milliers (!) de cadavres hélas bien réels.
[...] La colonne Voulet-Chanoine. L’expédition a fait grand bruit, pour des raisons inhabituelles. Les journalistes se sont fait l’écho d’une rumeur, confirmée du bout des lèvres par le ministère, que le soleil d’Afrique avait sérieusement tapé sur la tête du capitaine Voulet. On a parlé de soudanite aiguë. [...] En tant que militaire, Monsieur avait participé à plusieurs campagnes africaines. Il a pris des villages d’assaut sous le feu ennemi. Il s’est battu au corps-à-corps. Il racontait qu’il avait tué des sauvages à tour de bras. [...] Ce qu’il se passait en Afrique n’intéressait pas grand monde. Les péripéties de la conquête coloniale avaient donc bénéficié d’un enterrement de première classe.

Le canevas :

Alger 1900. L'antisémitisme et le racisme colonial rayonnent sous le soleil africain.
Un notable, ancien militaire est sauvagement assassiné avec son épouse.
Une épidémie d'attaques décime également les encaisseurs de prêts envoyés par les banques.
Le lieutenant Koestler mène l'enquête sans quitter des yeux la belle madame Hoffmann, une alsacienne qui s'est prise d'affection pour quelques petits voyous indigènes.
L'ancien maire d'Alger, Max Régis (véritable personnage), jette de l'huile sur le feu en attisant la haine des juifs et des indigènes.
Entre deux chapitres algériens, l'auteur nous livre quelques uns des hauts faits de la fameuse colonne Voulet-Chanoine dans les sables africains. Quel serait le lien avec les événements d'Alger ?
[...] Mais quel était le mobile ? Une vengeance liée à un événement survenu pendant la mission Afrique centrale ? L’idée était à creuser.

Pour celles et ceux qui aiment les colonies.
D’autres avis sur Bibliosurf et Babelio.
Livre lu grâce à La manufacture de livres (SP).
Ma chronique dans 20 Minutes.

1 commentaire:

dasola a dit…

Bonjour, je compte bien lire ce roman car j'avais aussi aimé La république des faibles et puis j'apprécie les romans policiers historiques. Bon après-midi.