[...] Les hommes, par ici, étaient-ils passés ?
C'est un petit suisse, Bertrand Schmid qui nous emmène au fin fond de la Sibérie, au cœur des années froides du soviétisme.Le long d'une voie ferrée rarement empruntée, quelques ermites éparpillés le long des kilomètres, à plusieurs jours de neige du plus proche voisin : chacun veille au grain le long de son tronçon, déneige la voie et fait en sorte que tout soit prêt pour un hypothétique convoi, façon désert des Tartares.
[...] Les voisins, on les cherchait à trois, quatre, dix jours de marche, sans plus aucun sentier, à l’instinct, en aveugle. Il fallait suivre les rails de l’Ekspress Slavnoye, cette tranchée rectiligne entre les arbres, jusqu’au marquage d’un collègue qu’on espérait reconnaître sur un tronc.[...] Les hommes, par ici, étaient-ils passés ? Le chemin de fer avait été jeté avec le paysage, abandonné dans ce capharnaüm. Il n’y avait plus de carte, plus de lieu, on était là où rien n’existe d’autre que la désolation.[...] La vie, ici, était apparue sur décision politique.
Nous partageons donc le quotidien solitaire et glacial de Vassili, un illettré qui veille consciencieusement sur son aiguillage. Un beau jour, il découvrira des lettres éparpillées le long de la voie ferrée et commencera alors son apprentissage de la lecture.
[...] Que découvrirait-il ? Propos privés, diffamation du Parti ? Contenant son impatience, il en ouvrit une, l’étala proprement, la lissa d’une caresse. L’écriture chevrotait, les lignes sursautaient, parfois des ratures, une tache, un imbroglio. Il soupira.[...] Et chaque matin un rituel. Après l’avoine aux chevaux, après le gruau ou le lard, après les muscles tonifiés par l’eau – souvent, du tonneau, il devait percer la glace –, il s’asseyait, un verre à portée de main, dépliait patiemment le papier, sortait la plume, commençait sa lecture.
La plume de Bertrand Schmid a été taillée et affutée à la poésie et son écriture est imprégnée d'une grande richesse de langue.
Une ambiance intrigante, une belle littérature ... mais il manque à tout cela un souffle pour nous emporter vraiment. La richesse de la prose se fait bientôt lourdeur ampoulée et l'on commence par parcourir les pages en diagonale quand le final devient vraiment trop lyrique. Quel dommage.
Pour celles et ceux qui aiment les belles lettres.
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