vendredi 16 février 2024

Des poignards dans les sourires (Cécile Cabanac)


[...] On a cherché la tête, les mains et les pieds ?

●   L'auteure, le livre (480 pages, 2019) :


Cécile Cabanac appartient à la meute des Louves du polar, le collectif qui entend promouvoir les plumes féminines du polar français. Une excellente initiative !
Des poignards dans les sourires est la première enquête de Virginie Sevran, une fliquette qui a délaissé le Quai des Orfèvres parisien (c'est très tendance !) pour s'exiler dans l'Auvergne de Clermont-Ferrand.
Avec un titre, emprunté au Macbeth de Shakespeare, qui laisse deviner ce que l'on va découvrir derrière la façade bourgeoise d'une famille de province ...

●   On aime beaucoup :

❤️ On aime l'ambiance tendue et féroce qui règne au sein de la famille du disparu, entre la mère, les sœurs, l'épouse et même les enfants : plus dysfonctionnelle, tu meurs.
❤️ Le lecteur sait déjà que le soi-disant disparu est bel et bien mort, poignardé mais on aime découvrir en même temps que le duo de flics, l'entourage du mort/disparu : avec de plus en plus de personnages, la famille proche on l'a dit, mais aussi des pièces rapportées, des associés, des maîtresses (les "caillettes") et même des fils illégitimes, ... 
De plus en plus de témoins qui vont faire autant de suspects potentiels : les témoignages sont accablants et dressent le portrait d'un sacré salopard, ivrogne, coureur de jupons, escroc, ...
❤️ On aime le rythme lent de cette enquête provinciale, presque simenonienne, qui laisse à l'auteure tout le temps d'installer des personnages complexes, tiraillés par leurs contradictions, fragilisés par leurs failles, tourmentés par leurs secrets.
❤️ On ne peut pas parler de page-turner au rythme trépident, mais c'est pourtant un bouquin très prenant qu'on a du mal à lâcher, avide de découvrir ce qui se cache derrière chacun des personnages. 
Et puis quand même, d'accord on n'est pas pressé, mais qui donc a bien pu faire le coup et réussir à débarrasser l'Auvergne du salaud ?
[...] — Ils sont étranges dans cette famille, hein ? 
— Imprévisibles, surtout…
[...] — J’écoute les uns et les autres, je les regarde se positionner sur l’échiquier. Dans ces familles, où on a toujours tout mis sous cloche, caché les cadavres dans les placards… on profite souvent d’une enquête criminelle pour faire le ménage, régler les comptes…
[...] — C’est curieux de voir comment les fissures se mettent soudain à se craqueler les unes après les autres sur notre passage.

●   L'intrigue :

Sans détours, Cécile Cabanac nous plonge au sein d'une famille dysfonctionnelle : la mère est veuve, ses deux filles souffrent d'une enfance maltraitée et leur frère ... a disparu.
[...] Elle sait bien qu’elle n’a pas été une mère idéale. Elle n’a de toute façon jamais ressenti ce besoin viscéral de maternité qu’ont certaines femmes. Elle a pris les enfants comme ils sont venus. Une fatalité.
[...] Ils sont tous réunis dans la grande cuisine de leur mère, ce doit être un de ces 25 décembre où l’on joue à la famille soudée. Les accolades manquent de chaleur, les sourires de sincérité. Une complicité factice s’impose autour de la tablée, étouffante comme une cloche de verre.
[...] Tout le monde boit beaucoup de vin. L’alcool délie raisonnablement les langues, mais l’entraînement familial ne fait craindre aucun écart grave.
Le fils a disparu mais son épouse semble s'accommoder un peu facilement de ce qui ressemble à une fuite.
[...] — Il a peut-être eu un accident ? C’est inquiétant, vous ne trouvez pas ? 
— Non, je ne pense pas. De toute façon, il est parti il y a plusieurs jours. L’air détaché de Catherine est insupportable à Michelle, le sang lui monte aux joues. Sa voix devient plus forte. 
— Comment ça ? Parti où ? 
— Je n’en sais rien ! Il a fait ses valises et il nous a laissés. 
Dans le même temps, les flics découvrent dans la forêt un cadavre affreusement démembré ...
[...] — On a cherché la tête, les mains et les pieds ? 
— Oui, sur un rayon de 100 mètres. Y a rien. On va batailler pour l’identifier.
[...] — Tu as déjà vu une scène pareille ? demande-t-elle en se tournant cette fois vers lui. 
— Non, c’est la première fois que je trouve un corps démembré… (Il reste un temps perdu dans ses pensées.) C’est étrange… J’ai du mal à imaginer que ce type ait eu une vie, des amis, peut-être même des gosses… 
— Le tueur nous l’a livré comme une pièce de viande sortie de l’abattoir…, souffle-t-elle, absorbée par ses propres réflexions. Et ça n’a pas dû être simple à organiser…
On prend plaisir à suivre patiemment cette sympathique fliquette et son coéquipier, à découvrir peu à peu ce que cache chacun des membres de cette famille. 
Et puis on se laissera surprendre par un sombre et beau dénouement.
[...] — Je suis quand même curieux de voir où toute cette enquête va nous mener…
[...] — Mais… Alors, c’est vraiment elle ? bredouille-t-elle.
On est tout près du coup de cœur : cela viendra sans doute avec la suite des enquêtes de Virginie Sevran.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires de famille.
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