vendredi 23 février 2024

L'affaire Bramard (Davide Longo)


[...] Tu as entendu parler des belles ronfleuses ?

L'auteur, le livre (288 pages, février 2024) :

L'italien touche-à-tout (musicien, réalisateur, écrivain, ...) Davide Longo nous est annoncé par les éditeurs et les médias de la Botte comme la nouvelle star du polar italien.
Une promotion marketing bien orchestrée qui suscitait notre défiance maladive ... alors ?

On aime beaucoup :

 Et bien oui, dès les premières pages on devine que l'écriture de Davide Longo sera bien à la hauteur de sa réputation transalpine.
Le polar italien nous a toujours gâté de très belles plumes mais il s'agit souvent de vieux routiers bientôt septuagénaires ! 
Davide Longo n'est plus un gamin (il a dépassé la cinquantaine) mais l'air qui descend de ses montagnes piémontaises est plutôt rafraichissant.
On ne peut que prendre du plaisir à la lecture de cette prose sèche et nerveuse, de ces dialogues savoureux et parfaitement maîtrisés (de véritables gourmandises). 
Mais on réservera notre coup de cœur pour une autre fois parce que ce récit est vraiment un peu trop elliptique, ce qui est habituellement plutôt stimulant mais ce qui là, pourra désarçonner pas mal de lecteurs.
Pour les références littéraires, on a songé à des récits empreints de noirceur et de chagrin contenu comme ceux d'Indridason par exemple. 
 On adore cette ambiance du Piémont italien, un pays de montagnards, des gens de peu de mots, des taiseux. Le récit est tout en ellipses et il semble qu'on démarre avec un lourd passé déjà. Voilà qui nous change des polars trop explicatifs, décortiqués comme des scripts de scénarios formatés pour Hollywood. 
[...] Pendant un long moment, dans la pièce, régna le silence que peuvent produire trois hommes qui ont beaucoup à se dire mais aucune manière qui leur plaise pour le faire.
 On a donc le plaisir de faire la connaissance de ce Corso Bramard, nouveau flic taiseux qui collectionne les livres comme d'autres les vins dans leur cave, et qu'on imagine assez bien siroter un verre de grappa avec le commissaire Rocco Schiavone (celui d'Antonio Manzini), tous deux en train de faire sécher leurs chaussures trempées : les sandales de Corso seront bientôt aussi tendance que les clarks de Rocco !
[...] En sortant ce matin-là, Corso avait fait montre d’un dédain similaire : pas de veste, ni chapeau ni parapluie. Juste une chemise, un pantalon léger et des sandales bien vite trempés.
 On a pu goûter la référence japonisante aux Belles endormies du prix Nobel nippon Yasunari Kawabata, une belle histoire un peu trouble qu'on avait la chance de déjà connaître. Et en relisant nos billets sur cet auteur, on voit bien ce qui a pu séduire l'italien dans l'écriture de Kawabata. 
[...] — Pour moi, c’est de la foutaise, ce truc de vieux qui vont dormir avec des petites filles sans se les taper. Tu y crois, toi ?
— J’y crois parce que c’est déjà arrivé. Tu as lu Kawabata ?
— Qui c’est ?
— Un écrivain japonais.
— C’est toi, l’homme de lettres, râla Isa.
— Bon.
— Bon, quoi ?
— Bon, il est tard, je rentre à la maison.
 On apprécie le soin apporté aux personnages, tout en épaisseur, chacun avec son passé et ses failles. Même cette figure, pourtant bien cliché, de la jeune geek de service, celle au vocabulaire de poissonnière mal embouchée, est dessinée avec application.
[...] — Tu n’as qu’à dormir sur mon canapé, comme ça demain, on ira voir Tabasso, c’est OK pour moi. Du moment que tu ne te la racontes pas. Je ne suis pas Lisbeth Salander, alors ne va pas t’imaginer que je vais me relever en pleine nuit, me foutre à poil et venir te baiser, OK ? 
Corso la fixa, le regard vide. 
— Tu n’as pas lu Larsson ? 
— Non. 
— Les hommes qui n’aimaient pas les femmes. 
— Non. 
Elle toucha l’anneau à sa narine. 
— Bon, enfin, t’as compris.
 Tout cela pour dire qu'on salive d'avance à l'annonce pour début avril d'un second épisode, déjà traduit en français : ce sera Les jeunes fauves où l'on aura grand plaisir à retrouver ce duo improbable que forment Corso Bramard et la jeune Isa, version transalpine de Lisbeth Salander. On tient certainement là le début d'une nouvelle série pour nourrir notre addiction.

Le pitch :

Corso Bramard est un flic rangé des voitures de police : la faute à un passé douloureux quand un méchant serial-killer lui a ravi ses deux chéries, sa femme et sa fille.
Mais l'affreux jojo, un "saisonnier" surnommé Automnal, n'a jamais été attrapé et continue d'envoyer périodiquement des cartes postales à Corso ...
Pourquoi donc le tueur, amateur de camélias, s'acharne-t-il sur notre héros, ravivant ainsi une plaie jamais refermée, un chagrin toujours pas surmonté ?
Et que viennent faire ici ces étranges amateurs d'art japonais ? 
Avec beaucoup de questions et de mystères, l'Automnal est un cold case qui va en faire ressortir un autre, "une  affaire vieille de quarante ans que personne n’avait envie de rouvrir", l'histoire des "belles ronfleuses" qui seraient comme une déclinaison italienne des Belles endormies du japonais Kawabata.
Comme beaucoup d'autres flics de littérature, Corso se laisse guider par son flair affûté et porter par les évènements d'une intrigue qui va piano jusqu'à un très inattendu dénouement.

Pour celles et ceux qui aiment les flics taiseux.
D’autres avis sur Bibliosurf et sur Babelio.
Livre lu grâce à 20 Minutes Books et aux éditions JC Lattes Le Masque.
Mon billet dans 20 Minutes.

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