mardi 16 avril 2024

La route (Cormac McCarthy)


[...] Que la mort et ses jours à elle aussi seront comptés.

L'auteur, le livre (288 pages, 2024, 2006 en VO) :

Pourquoi revenir sur ce monument littéraire sur lequel tout a été dit (et sans doute son contraire aussi) ?
Parce que les éditions Points ont eu la bonne idée de profiter de la BD de Manu Larcenet pour ressortir le texte intégral de Cormac McCarthy illustré de quelques planches de Larcenet, un collector.
L'occasion de lire ou relire ce monument littéraire qu'est devenu La route, et bien sûr de découvrir ensuite la superbe BD que Manu Larcenet en a tiré.

On aime vraiment très beaucoup :

 Un récit d'une noirceur sans fond faite de désespoir et de solitude.
Il n'y a plus de noms, même plus de mots, il n'y a que l'homme et le petit, une solitude insondable, plus personne à qui parler, même les dialogues entre l'homme et le petit sont rapportés dans un style indirect.
Après plusieurs années d'errance, ce n'est même plus la fin du monde : le monde est désormais terminé, on est déjà au-delà.
La question n'est plus de survivre, comment survivre.
Non, la question est désormais : faut-il vraiment survivre ? Pour quoi survivre ?
Je crois bien que c'est le premier bouquin où je suis tenté, je veux dire vraiment tenté, d'aller jeter un œil sur les dernières pages pour voir si une lueur d'espoir pouvait s'y cacher ....
 Le génie de McCarthy c'est d'avoir écrit son bouquin avec une seule image, celle de cet homme et son petit sur la route avec leur caddie, une image qu'il nous repasse sans cesse, encore et encore, pendant toutes ces pages.
Mais quelle image puissante ! Une image qui vaut un Pulitzer, une image si pleine de sens désespéré, si lourde de terribles sous-entendus, qu'elle imprègne durablement le lecteur et même tout le monde littéraire.
Il y a du Moby Dick dans cette image.
Quelques mots, quelques lignes et tout est dit :
[...] Une heure plus tard ils étaient sur la route. Il poussait le caddie et tous les deux, le petit et lui, ils portaient des sacs à dos. Dans les sacs à dos il y avait le strict nécessaire. Au cas où ils seraient contraints d'abandonner le caddie et de prendre la fuite. Accroché à la barre de poussée du caddie il y avait un rétroviseur de motocyclette chromé dont il se servait pour surveiller la route derrière eux.
 Comme les temps qui y sont décrits, ce roman a quelque chose de définitif, qui condamne tous les récits passés et à venir de survivalisme et qui surtout condamne définitivement notre soi-disant humanité.

L'intrigue :

La fin du monde a eu lieu. On ne sait pas comment, mais cela commence même déjà à dater, d'une bonne dizaine d'années. 
Quelques survivants, quelques moribonds, errent sous la pluie sur les routes couvertes de cendres, comme cet homme et son enfant.
Ils vont vers le sud, cherchant un peu de nourriture, en évitant quelques misérables hordes à la Mad Max.
[...] Ils attendaient, assis sur le remblai. Rien ne bougeait. II passa le revolver au petit.
Prends-le toi, Papa, dit le petit.
Non. Ce n'est pas ce qui était convenu. Prends-le toi.
II prit le revolver et le garda sur ses genoux et l'homme descendit.
Ah cette terrible chorégraphie du revolver avec l'enfant, plusieurs fois répétée ...
[...] Quand on sera tous enfin partis alors il n'y aura plus personne ici que la mort et ses jours à elle aussi seront comptés. Elle sera par ici sur la route sans avoir rien à faire et personne à qui le faire. Elle dira : Où sont-ils tous partis ? Et c'est comme ça que ça se passera. 

Pour celles et ceux qui aiment les survivants.
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