jeudi 16 juin 2016

Disparue à Las Vegas (Vu Tran)

[...] L’Amérique, c’est de l’huile et de l’eau. Les choses se mélangent, bien sûr ...

Ce bouquin est un peu tout sauf un des polars de l'étagère sur laquelle il est souvent rangé.
Même si ça commence de la même façon : Robert, un flic d'Oakland ne vit pas très bien depuis que sa femme (une vietnamienne qu'il appelle Suzy) l'a quitté.
Un beau jour il est contacté par un mafieux de Las Vegas : c'est lui que Suzy avait rejoint mais elle vient à nouveau de disparaître. Le mafieux (un vietnamien lui aussi) fait appel à Robert pour retrouver 'leur' femme.
Il l'appelait Suzy. Eux l'appellent Hong. Mais de toute façon on ne la verra jamais : c'est un peu l'arlésienne du bouquin. Et aussi tout l'intérêt de ce roman où tout le monde court après Suzy, où tout le monde parle de Miss Hong, mais qui est-elle vraiment, et quels sont ses secrets ?
Vu Tran, né à Saïgon en 75, est lui-même un vietnamien immigré aux States et son roman (son premier roman) est certainement nourri d'histoires de famille.
[...] — Il y a vingt ans, dit-il, mes parents et moi avons fui le Vietnam par bateau. Quatre-vingt-dix personnes dans un petit rafiot de pêche conçu pour une vingtaine de passagers, peut-être. Nous avions mis le cap sur la Malaisie.
[...] L’Amérique, Monsieur Robert, n’est pas le melting-pot que vous, les Américains, aimez montrer au monde. L’Amérique, c’est de l’huile et de l’eau. Les choses se mélangent, bien sûr, mais elles finissent toujours par se séparer, et ceux qui se ressemblent se retrouvent toujours.
Et Vu Tran va nous entraîner dans une histoire très forte, marquée de l'empreinte de Suzy-Hong, celle que l'on ne verra jamais mais qui attire tous les papillons autour d'elle.
Qui était réellement cette femme, qu'a-t-elle vécu, quelle fut son histoire depuis qu'elle a quitté Saïgon sur un petit bateau pour la Malaisie, qui a-t-elle laissé derrière elle ?
Ce bouquin est un superbe portrait de femme - et de mère - un portrait en contre-jour.
Heureusement, Suzy-Hong a laissé quelques pages d'un carnet qui nous en apprendra beaucoup sur ce que fut son périple lorsqu'elle a été obligée de fuir la fin de la guerre.
[...] Un jour, le garçon m’a demandé ce que j’écrivais et quand je lui ai dit que c’étaient des lettres, il m’a demandé à qui elles étaient adressées. J’ai simplement souri et j’ai dit : À quelqu’un qui ne les lira jamais. Ça l’a satisfait, comme s’il comprenait exactement ce que je voulais dire.
[...] Qui sait ce qui rend quelqu’un heureux ? m’a-t-elle dit. Le plus souvent, ce n’est pas ce qu’on pense, et presque jamais ce qu’on veut.
Un bouquin inclassable qui navigue dans des mers troubles entre enquête policière et histoires d'amour. Où le lecteur suit les différents personnages dans le sillage laissé derrière elle par l'énigmatique et inaccessible Suzy-Hong.
Au loin la silhouette de cette femme semble s'éloigner quand on pense s'en approcher et se fait plus compliquée quand on croit deviner une partie des secrets.
Qu'est-ce donc qui pousse le lecteur et les personnages (et peut-être l'auteur ?) à courir ainsi après l'énigmatique Suzy-Hong comme d'autres courent après les poissons-dragons arowana (Dragonfish est le titre du bouquin en VO), le poisson le plus cher du monde [clic], connu pour apporter le bonheur dans le foyer de celui qui le possède ?
[...] Un poisson-dragon. Une espèce très menacée à l’état sauvage. Ils sont censés porter bonheur, chasser les démons, réunir les familles. Les Asiatiques y croient toujours, ils adorent ça. Nos clients sont prêts à débourser plus de dix mille dollars pour un spécimen rouge tel que lui.
Mais si l'on peut certainement casser sa tirelire pour le bonheur de posséder un poisson-dragon, croit-on pouvoir 'posséder' Suzy-Hong ?

Pour celles et ceux qui aiment le Vietnam et les poissons-rouges.
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