samedi 23 mars 2024

Au nord de la frontière (Roger Jon Ellory)


[...] Vous m’avez vraiment concocté une histoire triste, pas vrai ?

L'auteur, le livre (496 pages, mars 2024, 2023 en VO) :

Ah! Retrouver Roger Jon Ellory s'annonce toujours comme un grand plaisir de lecture et Au nord de la frontière tient ses promesses. 
Cette frontière, c'est celle qui sépare le nord de la Géorgie des Appalaches, région de montagnards taiseux et sauvages (c'est la région de Délivrance) qui fait depuis longtemps le bonheur de nombreux romanciers US … et de leurs lecteurs.
Il n'est donc pas inutile de rappeler que R. J. Ellory n'est pas plus américain que vous et moi : c'est un pur  British de Birmingham ! 

♥ ♥ On aime beaucoup :

 On aime un romancier qui prend tout son temps pour installer son décor, son intrigue et ses personnages.
R. J. Ellory laisse mijoter tout cela à feu doux, la double enquête piétine et le lecteur a tout le loisir de faire ample connaissance avec les uns et avec les autres.
Aux deux tiers du bouquin, le lecteur fait déjà presque partie de la famille lorsque l'intrigue va se nouer, noire et serrée : la balade touristique dans les Appalaches se transforme alors en une redoutable nuit blanche pour terminer ce page-turner.
 Avec R. J. Ellory on sait qu'il faut s'attendre à une histoire d'une grande tristesse et d'une profonde noirceur. Fort heureusement quelques figures féminines lumineuses tentent d'éclairer un peu le sombre ciel de Géorgie : la patience bienveillante d'Eleanor, la femme du frère, ou les réparties redoutables de Barbara, l'assistante du bureau du shérif. 
 Et puis surtout l'obstination têtue de la petite Jenna, la nièce, archétype des personnages de R. J. Ellory dont la résilience leur permet d'échapper aux traumatismes que la vie leur a destinés. 
On la voit peu dans le livre mais ce pourrait bien être elle la véritable héroïne ici : les histoires d'Ellory sont à l'opposé des tragédies antiques peuplées de héros victimes de la fatalité.
 Mais on n'est pas au bout de nos surprises : R. J. Ellory emmènera ses personnages et son lecteur très loin, au-delà de la frontière. Une frontière qui ne sépare pas uniquement la Géorgie du Tennessee mais qui est aussi la frontière entre le bien et le mal, la frontière entre certaines lois et une certaine idée de la justice.
[...] – Bon sang, Victor, vous m’avez vraiment concocté une histoire triste, pas vrai ?
– Je suppose.
[...] Les répercussions vont être considérables. Ne vous attendez pas à mener une vie paisible dans un avenir proche. La presse va se ruer sur cette affaire . Il va falloir limiter les dégâts… Bon sang, je ne sais même pas à quoi comparer ça.

Le pitch :

Il y a Victor Landis, le shérif d'une petite ville du nord de la Géorgie où il cultive sa solitude comme d'autres les orchidées. Un taiseux sombre et solitaire qui s'est soigneusement coupé du monde.
[...] Les événements récents avaient souligné à quel point il était isolé. Pas de parents, pas de femme, pas d’enfants, et désormais pas de frère.
[...] La solitude était une façade qu’il arborait – feignant l’indépendance ou une autosuffisance résolue –tout en se persuadant que c’était le monde qui était responsable. Mais c’était un ramassis de conneries. Il avait fabriqué ça tout seul.
Il y a le frère, Franck Landis, avec qui Victor est définitivement brouillé depuis des années.
Franck est shérif lui aussi et vit au nord, de l'autre côté, au Tennessee.
Enfin, il vivait car il vient de se faire écraser. 
Et comme on lui a roulé dessus à plusieurs reprises, on peut dire que ça ne ressemble pas à un accident.
[...] Frank ne lui avait pas manqué pendant toutes ces années, et maintenant qu’il était mort il n’y avait aucune raison qu’il en aille autrement. Deux heures de route les avaient séparés, mais il aurait tout aussi bien pu se trouver à l’autre bout du monde.
[...] Frank et Victor Landis descendaient d’une lignée de personnes dures et laconiques. Leurs ancêtres se méfiaient des mots qui excédaient trois syllabes.
[...] Sale affaire. C’était un type bien, un bon shérif. 
– Une idée de qui il aurait pu se mettre à dos ? demanda Landis. Il est clair que quelqu’un le voulait mort une bonne fois pour toutes.
Avec qui fricotait Franck pour qu'on veuille l'écrabouiller avec une telle application ?
Mais Victor n'est guère motivé pour enquêter sur la mort de son frère haï : il est surchargé de boulot avec des cadavres de jeunes filles qui refont surface dans la région. 
[...] – J’aurais cru que vous aviez assez à faire sans ces trois ados mortes sur les bras.
– Peut-être que je ne veux pas découvrir la vérité sur Frank. Mon instinct me dit que ça ne va pas être joli, et je ne veux pas avoir raison.
– L’intuition, c’est pas des faits, Victor.
– Je le sais, George.
– Il me semble que le fardeau de ne pas savoir serait plus lourd.
– Oui, acquiesça Landis. Je suppose. »
[...] Des rumeurs, des déductions, une personne qui disait une chose, une autre qui en disait une autre , tout cela donnait une montagne de rien, et pourtant il en sentait le poids sur ses épaules. Quelqu’un connaissait la vérité sur son frère. Quelqu’un savait ce qui était arrivé à ces trois filles. Des gens avaient la réponse à toutes ces questions, et il devait les trouver.
Quel lien peut-il bien y avoir entre ces deux histoires où l'on croise trop souvent ces deux affreux jojos, les frères Russell ?
[...] – Vous voulez un conseil ? Quitte à en tuer un, autant les tuer tous les deux. Et tuez-les deux fois, juste histoire d’être sûr. »

Pour celles et ceux qui aiment les shérifs.
D’autres avis sur Babelio et Bibliosurf.
Livre lu grâce à NetGalley et aux éditions Sonatine.
Mon billet dans 20 Minutes.
À noter que Fabrice Pointeau, le traducteur attitré de R.J. Ellory, vient tout juste de décéder un peu trop tôt ...

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