mercredi 8 mars 2023

À l'origine, la femme derrière le tableau (Cécile Cerf)

[...] Je vois une scène interdite et je suis interdit.

      L'auteure, le livre (300 pages, 2022) :

Cécile Cerf est agrégée de lettres : il n'en fallait sans doute pas moins pour oser s'atteler à l'histoire du légendaire tableau de Courbet, L'origine du monde [clic].
Son enquête historique nous permet de découvrir À l'origine, La femme derrière le tableau.

      On aime un peu :

❤️ L'histoire passionnante de ce tableau mythique et sulfureux que ses propriétaires gardaient secret (la couverture du livre en témoigne !) et dont on perdit la trace pendant plus d'un siècle.
❤️ Le point de vue résolument féminin ou féministe de l'auteure (nous sommes le 8 mars !).

      Le contexte :

L'histoire vraie du célèbre tableau du jurassien et athée Gustave Courbet : L'origine du monde.
À la fin du XIX°, Courbet est le chef de file des peintres Réalistes, exclus des salons parisiens encore confits dans l'académisme romantique tandis que Paris se remet difficilement de La Commune, celle des pétroleuses.
[...] Cette Commune voudrait tout détruire et revenir à cela. Et Courbet, qui proclame partout qu'il en a assez du marbre et des Aphrodite polies.
Le tableau fut commandé par un diplomate d'origine turque, Khalil Bey et l'on veut croire que le modèle (dont on ne voit pas le visage) était peut-être sa maîtresse, Constance Quéniaux, une danseuse.
[...] Ce Paris insouciant d'avant la Commune où un ambassadeur de la Sublime Porte pouvait entretenir une demoiselle de l'Opéra et faire portraiturer son intimité par un Jurassien athée.
Khalil Bey, ruiné, fut bientôt obligé de vendre ses collections, et l'on perdit la trace de ce petit tableau sulfureux pendant plus d'un siècle jusqu'à ce que le psychanalyste Lacan en fasse l'acquisition et que ses héritiers le cèdent finalement au musée d'Orsay.

      L'intrigue :

La crudité réaliste du sexe peint en gros plan déchaina les passions, à l'époque tout comme encore aujourd'hui : en 2013 même, une nouvelle affaire défraya la chronique des arts.
Cécile Cerf se régale (et nous avec) à rapporter les propos particulièrement féroces des bourgeois phallocrates du XIX° et l'intelligentsia parisienne ne ressort pas vraiment grandie de ces pages, c'est le moins qu'on puisse dire : les Alexandre Dumas (fils), Théophile Gautier, Gustave Flaubert, Maxime du Camp,...  se déchainent avec une rare violence contre Courbet en particulier et les femmes en général.
[...] Aujourd'hui la sauvagerie revient, par les femmes, encore et toujours. Le peuple redevient horde, la femme redevient une femelle.
[...] La Commune et la peinture réaliste de Courbet sont les deux faces d'un même phénomène : ces hommes impuissants, ces femmes qui veulent la toute-puissance, qui veulent voter, faire la guerre, décider de tout, mènent Paris au bûcher. Voilà la famille moderne.
Le narrateur (Maxime du Camp) mène l'enquête pour enfin savoir quelle était donc cette femme qui avait osé poser pour Courbet : le prétexte à visiter et "interviewer" ce qui compte dans le Tout-Paris de l'époque.
[...] Ne trouvez-vous pas plaisant qu'il ait choisi une artiste pour modèle, et précisément une danseuse, et qu'il lui ait coupé la tête et les jambes, alors que chez une ballerine, on vante le cou-de-pied et le port de tête ?

      On aime moins :

 Le bouquin nous donne quelques belles pages (édifiantes !) sur les danseuses de l'Opéra dont Constance faisait partie : c'est le sujet de prédilection de l'auteure qui veut nous faire partager sa passion. Mais ces digressions sont un peu trop nombreuses et envahissantes au point que souvent, le tableau de Courbet passe au second plan.
On aime moins aussi les derniers chapitres sur Charcot et la Salpêtrière : ces pages féministes sont peut-être salutaires et nécessaires, bien sûr, mais flirtent un peu trop avec le guide touristique wikipédia.
On regrette aussi un peu que le roman se cantonne à son titre, son époque et son sujet (l'origine du tableau) sans aller plus loin pour retracer toute l'histoire mystérieuse et mouvementée de cette peinture jusqu'au musée d'Orsay.

Pour celles et ceux qui aiment les dessous (de la peinture).
D’autres avis sur Babelio (livre lu grâce à Babelio - Masse Critique)

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