[...] On va gérer.
Dehors, un chaos post-apocalyptique.
Dedans, une étude de mœurs sans concession dans un immeuble confiné.
Quels vont être les comportements de ces quelques habitants cloîtrés dans la promiscuité, tandis que le plus grand chaos règne dehors ?
L'auteur, le livre (336 pages, mars 2025) :
Michael Mention (né en 1979) est un auteur qui sait surprendre ses lecteurs, au fil de ses polars et thrillers et même westerns, et qui porte un regard très critique sur notre société.Un gars qui ne mâche pas ses mots très longtemps.
On l'avait découvert ici avec Sale temps pour le pays, un polar (paru en 2012) qui nous emmenait dans une Angleterre à la veille de basculer dans le tatchérisme.
Le voici avec un roman étonnant et inclassable, au titre coup de poing : Qu'un sang impur ... On connait la chanson.
Le canevas :
Paris dans peut-être bientôt. Ce matin-là au café, les habitants ressentent une énorme onde de choc : "un vacarme surpuissant. Bagnoles déplacées. Tuiles balayées. Passants projetés au sol. Peu après, sur la terrasse, les gens se rétablissent, tremblants, sous le choc".
Sans doute un volcan gigantesque qui se serait réveillé en Europe de l'est. Des centrales nucléaires auraient été secouées. C'est la panique, il y a même un "cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Waouh. C’est dire si la situation est critique".
Bien vite, dans toute l'Europe, après un "dernier apéro avant la fin du monde", chacun est prié de se confiner chez lui, fenêtres fermées et calfeutrées. Et c'est un été caniculaire évidemment.
Alors que la température monte dans les chaumières, la télé finit par nous apprendre qu'un terrible virus a envahi l'Europe : les contaminés deviennent des fous furieux, des zombies, des cannibales, façon Walking Dead.
L'auteur s'est documenté : la toxine se fixe sur l'hypothalamus, attaque le système endocrinien, multiplie le besoin de nourriture et de plaisir, diminue l'empathie. Pourquoi pas, c'est plausible.
De toute façon, là n'est pas le sujet pour Michael Mention : ce qui l'intéresse, ce sont les quelques personnes confinées dans un immeuble. Quelles vont être leurs réactions, leurs comportements, leurs interactions, cloîtrés dans la promiscuité, tandis que la mort et le chaos règnent dehors ?
Les personnages :
Voilà bien les clés de l'intrigue. Confinés dans ce petit immeuble, on va trouver là :
Un jeune couple actif, Matthieu, Clémence et leur fils Teo.
Un couple de retraités, René et sa femme Jacqueline qui souffre d'Alzheimer.
Joël, un écrivain solitaire en panne d'inspiration. Il picole un peu, ça aide.
Yazid et Fatima, lui est chauffeur Uber, elle élève leurs deux enfants. Ils prient beaucoup, ça aide.
Et Chantal, une retraitée aigrie pas très sympathique.
Alors ? Tout est prêt, tout le monde est en place ?
"Là-haut, au troisième étage de l’immeuble. Lentement, on referme les fenêtres, on s’adosse contre le mur, on se laisse glisser jusqu’au sol, on baisse la tête et l’histoire peut vraiment commencer".
♥ On aime :
➔ Ce bouquin a comme premier mérite de nous rappeler que le Covid n'était certainement pas la dernière des pandémies et qu'il y en aurait d'autres à venir. On l'oublie un peu trop vite.
L'auteur nous rappelle également que la gestion de cette pandémie fut un sacré bordel partout dans le monde et que nos sociétés et nos dirigeants ne sont pas plus préparés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient en 2020.
Bref, le message est clair : il n'y aucune raison pour que ça ne recommence pas et sans doute en pire.
"On va gérer. Ça, c’était lorsqu’ils parlaient de radiations, un truc qu’on connaît avec des plans d’action et des cellules de crise, quand il y avait un semblant de cadre. Là, il n’y a rien car on ne sait rien".
➔ La deuxième bonne surprise de ce bouquin, c'est que Michael Mention, c'est son habitude, n'y va pas avec le dos de la main morte. On a droit à des morts-vivants, des cannibales, un confinement drastique, l'armée dans les rues, etc ... mais ce n'est là qu'un décor, un bon prétexte pour enfermer son petit monde. "Hommes, femmes, Blancs, Noirs, juifs, musulmans… les clivages qui pourrissaient le monde s’annulent : tous égaux dans le chaos".
Car derrière le décor post-apocalyptique, il y a ces quelques habitants confinés dans leur immeuble : une micro-société, reflet ou image de la grande.
Au début, tout va bien, solidarité oblige et "dans le loft, la cohabitation se passe bien. Du moins, le mieux possible. On mange, on lit, on se douche, on écrit, on se désaltère, on scrolle, on regarde la télé, on appelle ses proches, et si tout ça s’accomplit dans la déprime, c’est ensemble qu’on le fait , ce qui rend les choses un peu plus vivables".
Mais dans ce microcosme, le pire va advenir, "car ici-bas, seuls comptent les actes. Ce que l’on fait et ce que l’on choisit de ne pas faire. Toute l’histoire de l’humanité est là, dans les conséquences".
Ces habitants vont être confrontés à des choix dramatiques, des actes terribles et donc des conséquences sinistres. Michael Mention n'hésite pas, ne recule devant rien et malmène violemment ses personnages et son lecteur. Z'êtes prévenus.
Ces habitants vont être confrontés à des choix dramatiques, des actes terribles et donc des conséquences sinistres. Michael Mention n'hésite pas, ne recule devant rien et malmène violemment ses personnages et son lecteur. Z'êtes prévenus.
➔ J'ai longtemps hésité avant de suivre le chemin tracé par Michael Mention. Un écrivain parfois trop surprenant qui semblait ici vouloir surfer trop facilement sur l'après-Covid.
Et bien, voici un bouquin que j'ai dévoré (ah, mauvais jeu de mots, désolé) en deux longues soirées : une fois passé le prologue apocalyptique (plutôt bien fait tout de même, il faut le reconnaître), on est absolument captivé par ce Loft story d'une noirceur totale et comme l'auteur n'hésite pas une seconde à sacrifier tel ou tel personnage, l'attention (la tension) est sans cesse relancée. Terriblement efficace.
➔ Ouf, finalement, on pourra refermer le bouquin en se persuadant que Michael Mention y est allé un peu fort, même si oui bien sûr, on est d'accord, une prochaine pandémie nous guette.
Mais "on va gérer". N'est-ce pas ?
Pour celles et ceux qui aiment les espaces clos.
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Livre lu grâce aux éditions Belfond (SP).
Ma chronique dans la revue ActuaLitté.