[...] La faute à la vodka, tout ça.
Encore un polar des pôles commis par un auteur français, Olivier Bleys (un "écrivain-marcheur" lyonnais), comme un écho au surprenant Solak lu récemment de la bretonne Caroline Hinault.Bleys nous emmène à l'autre bout de la planète, en Antarctique, à l'endroit désigné comme le "pôle d'inaccessibilité", c'est-à-dire le point plus éloigné des côtes, où les Russes établirent une station polaire vers 1960.
Dans le bouquin, la station s'appelle Daleko, c'était Sovetskaïa dans la vraie vie et le buste de Lénine était vraiment là qui surplombait les bâtiments.
Une poignée de "poliarniks" (ils ne sont plus que cinq) survivent là depuis longtemps et ne savent pas trop quand une relève aura lieu, et si même elle aura lieu (trop loin, trop cher). Ils n'ont pas grand chose à faire si ce n'est déblayer la neige du buste de Lénine qui domine les bâtiments.
[...] Cette corvée obligatoire, ce travail indispensable et dûment vérifié, c’était la toilette du buste en plastique de Vladimir Ilitch Lénine qui coiffait la station.[...] Tous étaient repartis sauf, donc, cinq volontaires chargés par le Parti d’affirmer la présence russe dans cette région où, pourtant, n’était recensée aucune vie humaine.[...] Ce n’était pas la besogne qui manquait, sur une base polaire. On pouvait pelleter la neige bavarde qui s’amassait devant la porte et finirait par la bloquer. On pouvait touiller le fioul dans la citerne, pour l’empêcher de figer à cause du gel. Des tâches simples, qui toléraient un certain degré d’ébriété. D’autres demandaient d’aligner un peu mieux ses gestes et ses pensées : par exemple, le collage de bandes de caoutchouc sur les bottes grand froid ; leurs semelles rabotées par la glace s’usaient à toute allure.
[...] Les autorités convenaient, certes, qu’il faudrait évacuer la station quand les vivres seraient épuisés, mais les stocks demeuraient abondants. On ne voyait pas de raison d’abandonner Daleko. Son étoile rouge brillant au centre de l’Antarctique avait une grande valeur : elle prouvait l’excellence du savoir-faire soviétique dans l’exploration des régions froides, et l’endurance non moins héroïque du citoyen russe à ces conditions extrêmes.
Dès les premières pages le ton est donné : un beau soir encore plus arrosé que de coutume, c'est le drame et l'un des poliarniks plante une hache dans la tête de son adversaire aux échecs (à sa décharge, faut dire que l'autre essayait de tricher).
[...] Loubachev ne laissa pas le malentendu s’installer :
— Nikolaï est mort. Vadim l’a abattu d’un coup de hache.
— Il avait triché ! plaida le tractoriste.
Loin de tout comme c'est pas possible, dans la promiscuité de quelques mètres carrés de baraquements, en attendant l'hypothétique arrivée des autorités, que faire d'un encombrant cadavre (ça c'est facile, pas besoin de frigo) mais surtout d'un encore plus encombrant assassin ?
Pas tout à fait un polar en dépit du crime qui ouvre le bal mais un huis-clos au ton aussi mordant que le froid polaire.
Le lecteur est prévenu : dès les premières lignes, ça commence très très mal et dans cet environnement polaire, il sait que ça ne peut que très très mal finir.
Une version plus cool (parce que plus ironique) de Solak.
Pour celles et ceux qui aiment les pôles.
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