Bonne année 2024 à toutes et à tous !
Comme de coutume, on vous souhaite tout plein de bonnes et belles lectures pour cette nouvelle année, et pour bien commencer voici déjà une petite rétrospective de l'an passé, un best-of 2023 où l'on a eu bien du mal à ne sélectionner que quelques unes de nos meilleures découvertes, que du très bon donc pour une sélection où dominent cette année la mer et l'aventure.
Si vous êtes passé à côté, il est encore temps de vous rattraper !
Dans notre catégorie polars, toujours bien garnie !, voici quelques repères :
On l'a déjà dit, Olivier Norek est certainement le meilleur auteur français actuel de polars "mainstream" et on tient là l'un de ses meilleurs bouquins, tout simplement.
Territoires pourrait passer pour une histoire de plus sur ces banlieues agitées dont on nous rebat les yeux et les oreilles, aux infos, dans les séries, au cinéma, ...
On sera surpris par le regard aigu et édifiant de l'auteur sur l'économie de nos banlieues : une démonstration bluffante sur l'aménagement du territoire.
On dirait presque une vraie-fausse enquête journalistique après les émeutes de 2005.
D'habitude on n'est pas trop fan des polars dits "historiques", mais celui-ci se passe à Lyon et à une époque pas si lointaine : à la toute fin du XIX°, en pleine affaire Dreyfus, alors que la III° République commence à s'affirmer.
Gwenaël Bulteau, auteur de noires nouvelles, signe là un premier roman plutôt réussi : La république des faibles, pour une gravure à l'eau forte de la France d'en-bas.
Pour se réchauffer au cœur de l'hiver, on peut partir dans le bush australien avec Jane Harper et son premier roman (de 2017) : Canicule.
Une histoire qui tient plus du roman noir que de l'enquête policière. Une de ces histoires où l'on comprend rapidement que tout est réuni pour que ça finisse mal, que notre héros n'aurait pas du revenir dans ce village où il n'est pas le bienvenu, qu'il ne fallait pas venir remuer la poussière et le sable du désert sous lequel le passé est enterré.
Le portrait d'un petit village du bush australien où tout le monde se connait trop bien et se surveille de trop près, où le climat est plombé par le sable, la poussière et la sécheresse, où l'ambiance est lourde de secrets et de mensonges dont, à l'évidence, il ne sortira de bon.
Stéphanie Perez est une journaliste et voici son premier roman, plutôt convaincant.
Son Gardien de Téhéran n'est pas un Gardien de la Révolution, loin s'en faut, mais plus modestement le gardien du musée d'art moderne de la capitale iranienne, un musée créé par Farah Diba, l'épouse du Shah, juste avant la révolution des mollahs guidés par Khomeini.
On révisera notre histoire contemporaine avec notre guide et quelle histoire (vraie) incroyable que celle de cette collection de tableaux !
Paola Nicolas frappe fort avec son premier roman : Les enragés.
À la fin du XIX° siècle, le chimiste Louis Pasteur repose en Italie son cœur à bout de course.
À Paris, ses collègues et les médecins de son Institut sont en pleine campagne de vaccination antirabique et injectent à marche forcée le sérum miracle tout en poursuivant les tests sur les chiens et les lapins.
Toute ressemblance avec ce que nous avons connu récemment ne serait pas fortuite puisque l'auteur a écrit son récit pendant la pandémie : joli coup pour ce véritable thriller scientifique.
Le journaliste Eric Decouty nous invite à visiter les dessous nauséabonds de la république giscardienne avec un roman documenté et rigoureux : L'affaire Martin Kowal.
Mai 1976, l'ambassadeur de Bolivie est assassiné en pleine rue à Paris. Un attentat revendiqué par une "Brigade internationale Che Guevara".
C'est le jeune Kowal qui va mener l'enquête tout en sachant bien qu'il est manipulé. Mais qui exactement tire les ficelles et pourquoi ? Qui sont ces fantômes de l'OAS qui rôdent en coulisse ?
Les Brigades internationales ne sont évidemment qu'un leurre bien commode mais qui se cache derrière ? Les rescapés de l'OAS ont fui en Amérique du sud, comme les nazis avant eux, mais quels sont leurs liens inavouables avec les sicaires des dictatures latines installées par la CIA ?
Dans la catégorie aventure, quelques grands voyages et périlleuses expéditions, tirés d'histoires vraies comme les aime. Mais ce sont des lectures qui ne seront pas de tout repos :
Justine Niogret nous conte une expédition en Antarctique, celle qui vers 1910 conduisit trois hommes au désastre : Quand on eut mangé le dernier chien.
Il faudra se laisser happer par ce récit d'une histoire vraie, documentée avec beaucoup de rigueur, mais emportée par la force d'un excellent roman, rédigé d'une plume puissante. Ce bouquin est un coup de cœur, un véritable page-turner, qu'on lira d'une traite, tellement on aura hâte de sortir de l'enfer dans lequel nous aurons plongé avec ses héros.
Yan Lespoux s'est inspiré du naufrage d'une armada portugaise en 1627 sur les côtes de son Médoc natal pour nous raconter des aventures pleines de bruit et de fureur qui nous emmèneront de Lisbonne jusqu'en Inde à Goa, puis à São Salvador de Bahia au Brésil pour revenir près de Lacanau.
Pour mourir, le monde est un grand roman d'aventures, fort bien documenté, où trois histoires s'entrecroisent, une véritable immersion dans le monde de la mer au XVII° siècle.
L'américain spécialiste du récit de "non-fiction" David Grann nous embarque en 1740 à bord du Wager, vaisseau de l'Empire britannique, en mission secrète pour piller un galion espagnol.
L'expédition sera un fiasco lamentable et les naufragés du Wager échoueront sur une petite île déserte au large du cap Horn.
Quelle aventure que celle de ces marins partis dans des conditions épouvantables sur les mers furieuses, à la poursuite d'un vain trésor de guerre : on est captivé par la résistance de ceux qui eurent la chance d'en réchapper et leur volonté de survie.
Dans la catégorie des îles (et pourquoi pas ?!) voici trois belles pépites sorties du flot des éditions 2023 :
Sorj Chalandon avec L'enragé il s'empare d'une histoire vraie : la révolte de 1934 des enfants incarcérés dans une "maison de correction" (bel euphémisme) de Belle-Île-en-Mer (ah, le charme des îles ...), un ancien bagne de communards. Tout un programme.
On aimera la rage qui anime le héros du livre et qui jaillit de la prose magistrale de l'auteur : on sent bien que tous deux partagent une enfance maltraitée, le mot est faible. De toute évidence, il fallait un Sorj Chalandon pour raconter l'histoire de l'Enragé, [celle d’un enfant battu qui me ressemble] dira l'auteur, et rarement un livre aura aussi bien mérité son titre. Un livre dur et sans pathos.
Bergsveinn Birgisson est le dépositaire des histoires transmises par son grand-père qui fut, comme le héros du livre, éleveur et pêcheur dans le nord-ouest de l'île.
On appréciera la belle langue de cette Lettre à Helga qui donne à ce monologue toute sa musicalité et qui réussit à transformer cette lettre d'amour en une véritable saga nordique.
On se passionnera lors de cette immersion dans un siècle d'histoire sociale de l'Islande, pour cette découverte de la vie authentique des éleveurs islandais qui alimentaient la Norvège en gigots d'agneau.
C'est un peu comme une invitation à visiter les coulisses des polars d'Indriðason et consorts.
Restons en Islande avec Joachim B. Schmidt, un petit suisse venu du fin fond des Grisons, tombé amoureux de l'Islande et installé depuis à Reykjavik !
On y découvrira l'Islande à travers les yeux de Kalmann, l'idiot du village qui a oublié d'être bête.
Bienheureux seront ceux qui se laisseront bercer par le rythme lent de la vie de ce petit port de pêche désormais oublié mais qui rêve encore au temps de sa splendeur, quand la pêche au hareng battait son plein et qu'on n'arrivait pas à loger tous ceux qui venaient travailler ici.
Hors catégories, voici quelques très bons bouquins découverts cette année :
Le célèbre norvégien Jo Nesbo délaisse son inspecteur fétiche Harry Hole pour s'attaquer à un gros pavé, un roman noir comme l'on dit.
Leur domaine c'est celui de deux frères qui tiennent station service et ferme d'alpage, tout là-haut dans les montagnes de Norvège.
L'auteur prend tout son temps pour installer une ambiance tendue, sourde, menaçante, celle des huis-clos familiaux plombés de trop lourds secrets. Le drame est fait de non-dits, les dialogues de sous-entendus, le récit de spirales entre passé et présent où l'on découvrira peu à peu différentes vérités.
Il nous faut absolument citer le croate Jurica Pavičić.
Après L'eau rouge, on aura le plaisir de le retrouver avec cette Femme du deuxième étage où l'on appréciera toujours son talent de conteur désabusé d'histoires tristes.
On savourera une plume qui fait des miracles malgré le côté sombre et pas très gai de cette histoire qui ressemble à une tragédie grecque. Un roman noir baigné par l'histoire récente et tourmentée de la côte dalmate.
On a même complété ce roman avec un recueil de nouvelles du même auteur : Le collectionneur de serpents. Des nouvelles qui évoquent les guerres qui ont durablement blessé cette région.
Un roman noir très marquant que cette Femme paradis de Pierre Chavagné, du "nature-writing" bien ancré en Occitanie, dans la région d'Uzès.
Une femme mystérieuse se cache en pleine nature, mi-ermite, mi-sauvageonne, une sorte de Robinson Crusoé version féministe et continentale.
Qui est cette femme, quelle était sa vie d'avant, que lui est-il arrivé, et qu'est donc devenu notre monde qui semble lui aussi, avoir basculé dans l'horreur ... ?
Un roman noir très réussi et une histoire coup de poing. L'histoire de cette femme est rude comme la forêt, sauvage comme la nature qui l'entoure.
Et enfin, dans la catégorie BD voici quelques beaux albums découverts cette année qui aura vu se remettre en route notre machine à BD :
Etienne Davodeau est un peu notre dessinateur fétiche et l'on ne pouvait manquer son dernier album : Le droit du sol, un journal de voyage où il raconte et dessine son périple (à pied) depuis la grotte préhistorique de Pech Merle dans le Lot jusqu'au site d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure dans la Meuse.
On retrouvera l'humilité de l'auteur, dans ses dessins comme dans ses textes, sa modestie, son autodérision, tout ce qui cache son humanité, sa généreuse culture et son engagement.
Dans Le serpent et le coyote, on retrouvera les BD "à texte" de Matz qui sait jouer les "écrivains" et qui s'y entend pour nous faire partager la route d'un coyote solitaire comme on les aime : on ne se lasse pas de ces monologues ou de ces dialogues, de ce ton sec et nerveux qui claque et qui est celui des meilleurs romans noirs US.
Les auteurs se sont emparés ici d'un thème cher au polar noir : le programme US de protection des témoins, le WITSEC (le Witness Security Program) qui offre, aux frais de l'État, une seconde vie aux truands qui acceptent de témoigner contre de pires truands.
Christian Lacroix dit Lax est un auteur qui signe ses scénarios comme ses dessins.
L'université des chèvres est un très bel album dans une tonalité socio-naturaliste qui rappelle un peu le style Davodeau, encore lui.
On découvrira un scénario très astucieux, façon "la boucle est bouclée", qui réussit à croiser les destins, les géographies et les époques sans que cela paraisse artificiel : de 1883 à 2019, une histoire portée par un propos parfaitement maîtrisé.
Cet album est un élégant plaidoyer pour l'école, la liberté et l'indépendance de l'enseignement.
Il y a quelques semaines, on avait également préparé une liste de "cadeaux de Noël" : vous y retrouverez le best-of ci-dessus bien sûr, mais également d'autres bonnes idées : c'est ici.
Bonnes lectures, bonnes aventures et bonne nouvelle année !
1 commentaire:
Bonjour et bonne année 2024!
Parmi votre sélection 2023, j'ai seulement lu Les naufragés du Wager.
Quant à Étienne Davodeau, j'ai relevé aujourd'hui même son dessin dans le recueil collectif de 2015 "La BD est Charlie"...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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